Un appareil Black Hawk lors d’une cérémonie de remise de diplôme militaire en Israël, le 31 décembre 2015. | JACK GUEZ / AFP

L’annonce prend des allures de douche froide pour la France. Varsovie a annoncé, mardi 11 octobre, l’achat d’au moins vingt et un hélicoptères Black Hawk américains, après avoir suspendu, le 4 octobre, les négociations engagées en 2015 avec Airbus sur l’acquisition de cinquante Caracal au motif que l’offre finale du constructeur européen ne répondait pas aux attentes du pays.

Le patron d’Airbus Group, Tom Enders, s’en est pris violemment, mardi, au gouvernement polonais. « Nous n’avons jamais été traités comme ça par un gouvernement client comme nous l’avons été par ce gouvernement, a-t-il déclaré. Airbus voulait vraiment investir en Pologne (…) mais le gouvernement polonais nous a claqué la porte au nez. Nous en prenons bonne note. »

Avant même son arrivée au pouvoir, le parti ultraconservateur Droit et justice (PiS) avait vivement critiqué le choix d’Airbus par le précédent gouvernement de centre-droit. Contrairement à ses deux concurrents au sein de l’appel d’offres – l’américain Sikorsky Aircraft et l’italien Leonardo Helicopters –, l’industriel européen ne possédait pas, en Pologne, d’usine de production d’hélicoptères. Les concurrents avaient fait planer la menace des licenciements massifs, dans leurs propres unités, si le contrat avec Airbus était signé. Les syndicats, alliés de poids des conservateurs pendant la campagne électorale, étaient montés au créneau. Le PiS avait tenté d’attaquer en justice la procédure d’appel d’offres.

Après la victoire du PiS aux législatives de 2015, Varsovie a continué de discuter du contrat avec Airbus et le gouvernement français, ­notamment sur les compensations à donner en matière de transfert de technologies (dit « offset »). Airbus avait promis d’installer en Pologne une ligne de montage du Caracal, avec, à la clé, plusieurs centaines d’emplois directs.

L’avionneur européen a réfuté formellement les raisons avancées par la Pologne pour rejeter ce contrat. Dans une lettre ouverte à la première ministre polonaise, Beata Szydlo, le PDG d’Airbus Helicopters, Guillaume Faury, accuse Varsovie d’avoir changé les règles du jeu de l’appel d’offres et d’avoir tenté de contourner les règles de l’Union européenne. Il ajoute que le marché aurait entraîné la création de 3 800 emplois en Pologne et généré plus de valeur pour le pays que pour Airbus lui-même.

« Les contradictions politiques de la Pologne »

L’annulation du contrat de 13,5 milliards de zlotys (3,14 milliards d’euros) suscite une vive crise diplomatique entre Paris et Varsovie, au point que l’Etat français, actionnaire d’Airbus Group à hauteur de 11 %, envisage des mesures de rétorsion.

Dans un discours sur l’Europe, jeudi 6 octobre, François Hollande mettait les points sur les i :

« Il y a des pays européens qui pensent que les Etats-Unis seront toujours là pour les protéger, au point même d’acheter des armes uniquement aux Etats-Unis et pas aux Européens. Il y a des pays qui pensent qu’il y aura toujours une couverture qui viendra les mettre à l’abri de toutes les influences. »

Le premier ministre, Manuel Valls, a fait part, vendredi dernier, de sa « préoccupation » sur les conséquences du choix polonais pour « la conception de la défense européenne ». «  C’est une mauvaise nouvelle qui souligne les contradictions politiques de la Pologne, a également indiqué une source diplomatique. Ce contrat participait à la constitution d’une Europe de la défense, que les Polonais eux-mêmes souhaitent, puisqu’ils parlent d’armée européenne. »