Dans l’Essonne, les policiers veulent « reconquérir le terrain »
Dans l’Essonne, les policiers veulent « reconquérir le terrain »
Par Marion Degeorges
Quelques jours après la violente agression de quatre policiers à Viry-Châtillon, des rassemblements silencieux ont été organisés devant tous les commissariats de France.
Le 11 octobre à Evry, dans l’Essonne. | THOMAS SAMSON / AFP
Le visage grave, une vingtaine de policiers se sont rassemblés devant le commissariat de Savigny-sur-Orge (Essonne), mardi 11 octobre, pour protester contre l’attaque au cocktail Molotov, samedi, de quatre policiers à Viry-Châtillon. L’un d’entre eux, un adjoint de sécurité de 28 ans affecté au commissariat de Savigny-sur-Orge, a été grièvement brûlé. Son pronostic vital est toujours engagé.
Se tenant par les épaules, les policiers observent plusieurs secondes de silence… Un silence rompu par les applaudissements de la dizaine de citoyens qui leur font face sur la place Régis-Ryckebusch (du nom d’un policier assassiné à la kalachnikov à Vannes en 2002). « En vous remerciant pour votre soutien », ose finalement l’un des policiers, avant que tous s’engouffrent dans le commissariat. En tout, plusieurs centaines de policiers se sont rassemblés en silence mardi devant les commissariats de France.
Les policiers du commissariat de Savigny-sur-Orge applaudis par les quelques habitants venus en soutien… https://t.co/zWjdEqHTdh
— Geooorges (@Marion Degeorges)
Parmi les citoyens réunis à Savigny-sur-Orge, un couple de retraités, Daniel et Myriam, qui habitent la ville depuis quarante ans. « Nous venons soutenir notre police, expliquent-ils. Même si on n’est que trois, il faut le faire. » Daniel et Myriam ont connu « plus de sécurité, et même les couvre-feux ». Depuis, ils évitent certaines zones. « Grand Vaux [un quartier de Savigny-sur-Orge] c’est une poudrière, nous n’y passons même plus. »
Dans l’assistance, Olivier Vagneux, 24 ans, ne réclame pas plus de moyens, plus d’armes, ou plus de caméras. Au contraire, ce candidat divers droite de la septième circonscription de l’Essonne aux législatives de 2017 déplore l’usage fait des moyens alloués à la sécurité. « Il faudrait engager des travailleurs sociaux et des éducateurs plutôt que des policiers et des caméras. Est-ce qu’on doit en venir à installer des caméras, pour surveiller les policiers, qui surveillent des caméras ? », s’interroge-t-il. Le jeune homme rappelle par ailleurs que le 4 octobre, dans le quartier de Grand Vaux, six caméras de vidéosurveillance ont été détruites. Pour lui, il vaudrait mieux investir dans le social et l’emploi. « Il faut que l’Etat revienne dans les banlieues, tout en intégrant les citoyens. Il faut les faire participer à la sécurité, car dans les quartiers, la police jouit d’une sale image. Et renforcer les systèmes de vidéosurveillance attise la violence. »
Repenser les moyens
L’attaque de Viry-Châtillon a relancé le débat sur les moyens alloués aux forces de sécurité. D’ailleurs, après les différents rassemblements silencieux mardi, Manuel Valls a annoncé une série de mesures parmi lesquelles des dispositifs anticaillassage sur les véhicules et des tenues ignifugées. Cependant, plusieurs syndicats de police interrogés souhaitent que le gouvernement aille au-delà des moyens matériels.
Pour Philippe Capon, secrétaire général d’UNSA-Police, les quatre policiers attaqués « n’auraient jamais dû être positionnés en surveillance statique d’une caméra, à cet endroit, comme ils l’étaient depuis plusieurs jours. Cette façon abracadabrantesque de travailler, il faut que ça s’arrête. » Le responsable syndical fait valoir qu’à la Grande Borne, « on n’intervient pas comme on intervient partout. Il faut repenser les méthodes d’intervention en banlieue, et surtout, l’usage des caméras. » M. Capon met en avant le fait « qu’à cet endroit, détruire une caméra est devenu une compétition ». Et faute d’avoir pu le faire samedi, puisque la caméra était surveillée, les agresseurs s’en sont pris aux policiers.
Selon le syndicaliste, il s’agirait de revenir aux essentiels de la mission des forces de l’ordre, à savoir « l’assistance et l’intervention ». « La première chose à mettre en place, c’est d’établir la priorité entre les missions. » Il déplore le fait qu’aujourd’hui, en plus de leurs tâches habituelles, les policiers jonglent entre la lutte antiterroriste, le plan Vigipirate et le flux de migrants.
Du côté d’Unité SGP Police FO, le secrétaire régional pour l’Ile-de-France, Frédéric De Oliveira, partage ce constat. « De tout temps, nous avons réclamé que les policiers soient davantage affectés à des missions de cœur de métier », revendique-t-il. De la sécurité des préfectures ou des tribunaux à la protection des personnalités, en passant par la surveillance des détenus dans les hôpitaux, toutes ces tâches sont des « missions indues ». « Nous souhaitons que tous les effectifs employés à cela soient plutôt déployés sur la place publique. » A la Grande Borne par exemple, « il faut une présence humaine quotidienne. Les caméras ne sont ni plus ni moins qu’une petite aide. Il faut reconquérir le terrain par des patrouilles et l’occupation de la voie publique », fait valoir M. De Oliveira.
Selon une étude officielle publiée mardi, 12 388 policiers ont été blessés en 2015, soit une baisse de 0,6 % par rapport à 2014, mais la tendance est en forte hausse sur les six premiers mois de l’année. La solution pour juguler cette progression pourrait être une redistribution des moyens. A Savigny-sur-Orge, le jeune Olivier Vagneux déplore qu’à sept mois de la présidentielle, « les politiques n’osent pas aborder le débat de fond sur l’utilisation des moyens de la police en banlieue ».