Nissan : Danny Glover, l’arme fatale anti-Ghosn ?
Nissan : Danny Glover, l’arme fatale anti-Ghosn ?
Par Éric Béziat
L’acteur américain est à Paris, à l’occasion du Mondial de l’automobile, pour soutenir les revendications de salariés de Nissan aux Etats-Unis.
L’acteur américain Danny Glover a soutenu le candidat Bernie Sanders à la primaire démocrate, en février à Greenville, en Caroline du Sud. | John Bazemore / AP
« I’m too old for this shit ! » Pour soutenir les ouvriers de Nissan, Danny Glover n’a pas pris au pied de la lettre sa célèbre réplique de L’Arme fatale, le film qui l’a rendu célèbre aux côtés de Mel Gibson. A 70 ans, blanchi mais toujours solide, l’acteur américain a fait de la lutte pour les droits syndicaux des salariés de Nissan dans le sud des Etats-Unis un combat personnel et opiniâtre.
Ainsi, Mister Glover était, mercredi 12 octobre, à Paris, sur l’esplanade des Invalides, avec une douzaine de ses compatriotes dans le but d’interpeller, à l’occasion du Mondial de l’automobile, Carlos Ghosn sur « le refus de Nissan de négocier avec ses travailleurs ». Sous un ciel radieux et devant quelques badauds – dont des touristes américains ébahis –, il a dénoncé les pratiques antisyndicales qui frappent les employés de l’usine Nissan de Canton, dans le Mississippi.
Depuis douze ans, la direction de cet établissement empêche de fait la tenue d’un référendum – préalable, selon les règles du Mississippi –, à la création d’une section syndicale. « Nous réclamons seulement une consultation juste et honnête » plaide Morris Mock, ouvrier depuis quatorze ans à Canton, présent lui aussi à Paris.
M. Mock décrit des manœuvres d’intimidation : séances vidéo obligatoires, organisées par la direction, expliquant que l’introduction de syndicats dans l’usine conduirait à sa fermeture, mise à l’écart des militants prosyndicat. Ainsi, explique Morris Mock :
« Je prends de gros risques en venant ici. Je comprends que les gens pensent à leur famille d’abord, mais ce que fait Nissan là-bas est illégal. »
Au premier rang du modeste cortège, deux femmes reprennent les chants du groupe de gospel qui les accompagne. Ce sont la mère et la sœur de Derrick Whiting. Ce père de trois enfants est mort il y a un peu plus d’un an après un malaise pendant qu’il travaillait sur la chaîne de montage. « Derrick est resté une heure allongé après sa syncope, dit sa sœur. Il n’a pas reçu les secours appropriés. » « Nous voulons savoir s’il est mort dans l’usine faute de soin », ajoute la mère.
Danny Glover à Paris pour défendre les droits des ouvriers de Nissan dans le Mississippi https://t.co/CtJ3BpQIbm
— ericbeziat (@Eric Béziat)
Appui de parlementaires
« Nous avons des alliés ici », lance Danny Glover à la cantonnade. Le combat des ouvriers de Nissan-Canton a, en France, le soutien de la CGT, de FO et de la CFDT. « C’est vrai qu’il y a deux discours chez Renault-Nissan, dit un syndicaliste de la firme au losange venu soutenir ses collègues américains. Dès lors qu’il s’agit de travailler aux synergies, nous ne faisons qu’un seul groupe. En revanche, en matière de droits sociaux, Carlos Ghosn prend le soin de séparer Renault et Nissan. »
Le petit groupe mené par Danny Glover a aussi reçu l’appui de parlementaires venus de l’Assemblée nationale voisine : Sergio Coronado, député (EELV) des Français de l’étranger, et Christian Hutin, élu (chevénementiste) du Nord. « La France est le pays des droits d’association. Or, Renault, c’est la France et, du coup il y a un petit morceau de France dans Nissan, argumente Christian Hutin, qui soutient ce combat depuis plusieurs mois. Ce qui est fait à ces gens est inadmissible. Nous allons, avec l’aide de Danny Glover, faire venir Bernie Sanders à Paris pour continuer à faire pression sur Carlos Ghosn. »
Le combat pour les droits syndicaux des ouvriers de Nissan devrait aussi obtenir le concours des gouvernements de Barack Obama et François Hollande. Dans les jours qui viennent, une lettre cosignée par les autorités des deux nations sera envoyée au patron de l’alliance Renault-Nissan.
Pas sûr que cela fasse fléchir Carlos Ghosn. Cette manière de mettre les syndicats à distance constitue un système dans les Etats du sud des Etats-Unis, avec le soutien des gouvernements locaux. « Dans aucune usine d’un constructeur étranger installé au Mississippi, en Alabama ou au Tennessee, les salariés n’ont pas réussi à implanter de section syndicale », explique Jenny Holdcroft, secrétaire générale adjointe d’IndustriALL Global Union, un groupement international de syndicats de l’industrie. Des situations similaires à celles observées à Canton sont ainsi dénoncées dans l’usine de Volkswagen à Chattanooga, dans le Tennessee.
Dans ces lieux, où les ouvriers sont dans leur immense majorité des Noirs Américains, le combat pour les droits syndicaux rappelle la lutte pour les droits civiques. « Nous ne sommes pas des robots, déclare Morris Mock. Carlos Ghosn doit entendre ce vieux slogan venu des années 1960 : “Nous sommes des hommes.” »