Marine Le Pen, présidente du FN, présente ses voeux à la presse, le 4 janvier 2017. | ALAIN JOCARD / AFP

Le rendez-vous devait initialement se tenir en octobre 2016, mais il a été reporté pour cause de friture sur la ligne. Jeudi 5 janvier, à Paris, le Front national a organisé la dernière de ses conventions thématiques avant l’élection présidentielle, sur le sujet le plus sensible qui soit au sein du parti : l’économie. Intitulé « France, pays d’entrepreneurs, pays d’innovation », l’événement a été l’occasion pour Marine Le Pen de réaffirmer sa philosophie pour éteindre toute contestation en interne, au moins le temps de la campagne.

La présidente du parti d’extrême droite a assumé franchement l’un des points les plus discutés de son programme, la sortie de l’euro, chastement qualifiée aujourd’hui au sein du FN de reconquête de la « souveraineté monétaire ». Dans l’esprit de la candidate à la présidentielle, la monnaie unique, qu’elle qualifie de « deutschmark bis », représente « un obstacle majeur à la réindustrialisation de la France ». Et « prétendre faire du patriotisme économique dans l’Union européenne est un vaste enfumage ». De quoi justifier, à ses yeux, sa proposition de ce qu’elle appelle un « Frexit ». Fabriquer en France, ce serait engranger davantage de recettes fiscales, donc réduire le déficit pour baisser les impôts.

Une rhétorique qui passe sous silence le fait qu’une sortie de l’euro impliquerait une dévaluation autrement plus douloureuse que les fluctuations actuelles de la monnaie unique. Or, la dévaluation implique un renchérissement du prix des produits importés, et donc une perte de pouvoir d’achat immédiate pour la population, et la reconstruction d’un appareil productif tricolore capable de fournir les produits électroménagers ou industriels de base, aujourd’hui issus de Chine ou d’Europe de l’Est, prend du temps.

Contradictions internes

La députée européenne s’est aussi livrée à un exercice d’équilibriste pour tenter de résoudre les contradictions internes de sa formation, partagée entre partisans de l’intervention de l’Etat et défenseurs de la liberté des entreprises. Le résultat revient à plaider pour « que la liberté soit garantie par l’Etat dans le cadre de la nation ». « Ce sont les entrepreneurs qui créent l’emploi en France, a défendu la présidente du FN. Je souhaite que mon projet et mon programme permettent de dire “heureux comme un entrepreneur en France”. » Et d’ajouter qu’« il n’y a aucune opposition entre les entrepreneurs et les salariés ou les ouvriers ». 

Dans son escarcelle, la députée européenne amène – comme nombre de candidats à l’Elysée – une remise en cause du régime social des indépendants (RSI) : elle souhaite refondre leur système de protection sociale et leur offrir à la place la possibilité de s’affilier au régime général. Mais elle défend, aussi, des propositions pouvant sembler peu compatibles avec l’esprit d’entreprise : contraindre les banques à financer toutes les TPE-PME ou instaurer des taxes à l’importation à géométrie variable dans le temps.

Un peu plus tôt, le président du collectif Audace, François de Voyer, coorganisateur de l’événement avec le collectif Croissance Bleu Marine, avait trouvé sa propre méthode pour essayer de contenter tout le monde : défendre le « pragmatisme » plutôt que le « libéralisme » ou l’« étatisme ». Son prédécesseur à la tête du collectif, Pierre Grandjean, avait été éjecté en octobre 2016 pour avoir accordé un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute dans laquelle il critiquait « l’étatisme » du vice-président du FN, Florian Philippot, et réclamait « un discours en faveur des libertés économiques » pour séduire les électeurs de droite. Un équilibre, in fine, que Marine Le Pen espère avoir trouvé.