Dans nos assiettes, l’innovation a parfois un goût amer
Dans nos assiettes, l’innovation a parfois un goût amer
LE MONDE ECONOMIE
Parmi les centaines de nouveaux produits présentés au SIAL à partir du 16 octobre, peu réussiront à s’imposer.
Le stand Mix Buffet au Salon international de l’alimentation en 2014. | RGA/REA
Les biscuits B-Ready de Ferrero, les billes chocolatées Sensation Fruit de Lindt, la boisson May Tea de Suntory… ce sont quelques exemples des innovations qui sont apparues cette année dans les rayons des supermarchés. Autant de paris pour les entreprises de l’agroalimentaire. Car si l’innovation est un des passages obligés de cette industrie pour alimenter sa croissance dans un contexte de guerre des prix, elle n’est pas toujours couronnée de succès commercial.
Difficile de dire combien de produits, sur les 2 200 présentés à l’occasion du Salon international de l’alimentation (SIAL), seront plébiscités par les consommateurs. Ce salon, organisé tous les deux ans à Paris, et qui ouvrira ses portes dimanche 16 octobre, offre une vitrine aux entreprises internationales et aux PME françaises soucieuses de signer des accords de distribution. « On estime à 25 000 le nombre de nouveaux produits alimentaires commercialisés chaque année dans le monde. Le SIAL en présente près de 10 % », affirme Nicolas Trentesaux, directeur du SIAL.
« Une innovation commercialisée sur deux est en instance de déréférencement au bout de deux ou trois ans. Et 20 % perdent du terrain dans les magasins, un an à peine après leur lancement », affirme Jacques Dupré, directeur insights de la société d’études IRI, qui analyse les sorties de caisse des hypermarchés et supermarchés. La place dans les rayons est, il est vrai, très disputée, et toute baisse de régime est vite sanctionnée par les acheteurs des grandes enseignes.
Phénomène qui s’essouffle
M. Dupré met en exergue le succès d’une nouveauté de 2016. En l’occurrence, le biscuit B-Ready de Ferrero. « Sur les trois derniers mois, son chiffre d’affaires atteint 33 millions d’euros, soit l’équivalent du marché de la biscotte », précise-t-il. Le puissant groupe transalpin, qui affiche un chiffre d’affaires de 9,5 milliards d’euros en 2015, n’a pas hésité à mettre les moyens promotionnels et publicitaires pour lancer en France un produit déjà commercialisé en Italie. Un rouleau compresseur marketing qui s’accompagne d’une nouvelle opération de lobbying pour redorer l’image de l’huile de palme, ingrédient clé du Nutella et donc du B-Ready. Le biscuit étant une manière de consommer en tout lieu sa dose de pâte à tartiner hypercalorique.
Résultat, B-Ready devance dans le palmarès IRI établi sur cette période la Pizza Crush de Sodebo (13 millions d’euros) et la brioche au chocolat Pitch Choco Barre de Pasquier (8 millions d’euros). Viennent ensuite les cônes Extrême de Nestlé en version mini, la Sensation Fruit de Lindt, la boisson au thé May Tea de Suntory, Mon Atelier Salade de Sodebo, le biscuit moelleux Belvita de Lu et la bière Desperados version Black.
Reste à savoir combien de temps durera la dynamique. En 2014, les yaourts hyperprotéinés, sous la marque Danio pour Danone et Yopa pour Yoplait, faisaient un début en fanfare. Depuis, le phénomène s’est essoufflé. De même, le Coca-Cola Life, à la stévia, était un an plus tard considéré comme le lancement star. Mais sur le deuxième semestre 2015, il cumulait un chiffre d’affaires estimé par IRI à 8 millions d’euros. Il était devancé dans le classement des nouveaux produits vedettes par Danette Pop et Gervais Le Yaourt, de Danone, les bâtonnets glacés d’Häagen-Dazs et la Tourtel Twist de Kronenbourg. Depuis, la version verte du soda américain est restée marginale, et, cet été, l’entreprise d’Atlanta a modifié sa recette désormais moins sucrée et changé l’emballage, reprenant la couleur rouge pour inscrire la marque sur l’étiquette. D’autres produits ont, eux, complètement quitté les supermarchés. A l’instar des cafés glacés Café Zero, qualifiés d’innovation de rupture par son concepteur, le groupe Unilever, lors de leur mise sur le marché en 2012.
La plupart de ces grandes entreprises n’exposent pas au SIAL mais leurs équipes vont en arpenter les allées. Curieuses de découvrir les idées des PME françaises comme des sociétés des quatre coins de la planète et de sentir les évolutions des marchés. Les organisateurs de l’événement ont d’ailleurs pris le pouls des consommateurs. « Entre 2012 et 2014, la confiance des Français dans l’industrie agroalimentaire avait fortement baissé à la suite de la tromperie sur la viande de cheval. Elle s’est rétablie mais reste fragile. Ils sont devenus hypersensibles à l’impact de l’alimentation sur la santé. Cela engendre des changements de comportement comme l’attention portée à l’origine des produits, aux conditions de production et aux circuits de distribution », analyse Pascale Grelot-Girard, de l’institut TNS-Sofres. D’où le succès grandissant du bio. Selon les chiffres publiés par l’Agence Bio, le marché de l’alimentation bio a bénéficié d’une croissance historique de 20 % au premier semestre 2016. Avec une prévision d’un chiffre d’affaires de 6,9 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année.