Macron, un président « jupitérien » plutôt que « normal »
Macron, un président « jupitérien » plutôt que « normal »
Par Cédric Pietralunga
Dans un entretien fleuve publié dimanche par le site du magazine « Challenges », l’ancien ministre de l’économie dresse un cruel réquisitoire contre la présidence incarnée par François Hollande.
Emmanuel Macron à Strasbourg, le mardi 4 octobre 2016. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCHPOLITICS POUR LE MONDE
Pas sûr que François Hollande avait besoin de cela en ce moment. Dans un entretien fleuve publié dimanche 16 octobre par le site du magazine Challenges, Emmanuel Macron dresse un cruel réquisitoire contre la présidence incarnée par son ancien mentor, qu’il a accompagné durant plus de quatre ans, d’abord à l’Elysée comme secrétaire général adjoint, puis comme ministre de l’économie.
« Je ne crois pas au président normal. Les Français n’attendent pas cela. Au contraire, un tel concept les déstabilise, les insécurise », dénonce ainsi M. Macron, fustigeant « une présidence de l’anecdote, de l’événement et de la réaction [qui] banalise la fonction », sorte de critique en creux de tout ce qu’a voulu incarner François Hollande depuis son élection le 6 mai 2012.
Au contraire, la France a besoin d’un chef de l’Etat « jupitérien », estime l’ancien ministre. Ses modèles ? Le général De Gaulle et François Mitterrand, qui avaient selon lui « une capacité à éclairer, une capacité à savoir, une capacité à énoncer un sens et une direction ancrées dans l’histoire du peuple français ». « Le temps de la présidence et des engagements pris ne sauraient se construire en fonction de l’actualité », ajoute M. Macron, dans une allusion à peine voilée à l’habitude hollandienne de n’agir qu’en fonction de l’agenda médiatique.
« Un ministre n’est pas un obligé »
Osera-t-il pour autant se présenter contre son ancien protecteur ? S’il dit conserver « du respect institutionnel et de l’amitié personnelle » pour François Hollande, M. Macron multiplie en tout cas les prises de distance : « comme conseiller, j’ai eu des désaccords avec le président », « sur les réformes, j’ai constaté qu’on ne me permettait pas de les mener, ni sur le fond, ni sur la méthode », « un ministre n’est pas un obligé »…
De même, l’ancien banquier écarte un à un les arguments contre sa candidature. Il n’a jamais été élu ? « Le cursus honorum existait sous la Rome antique, il serait peut-être temps d’arrêter. » C’est un technocrate ? « Je ne me reconnais pas dans cette caricature. Ce n’est pas ma vie. Dès que je le peux, je retourne en province, je retrouve ma famille, des amis, mes livres. » Il est bouffi d’ambition ? « Je ne regarde pas la France au prisme déformant d’une ambition personnelle, mais à travers un attachement viscéral. »
L’énarque de 38 ans refuse en tout cas de se voir par avance réduit au rôle de Brutus du chef de l’Etat. « J’accepterais les reproches de déloyauté ou de trahison si j’avais dérogé aux engagements pris aux départs ou si j’avais, comme d’autres en leur temps, rejoint un candidat apparemment mieux placé pour l’emporter, explique-t-il. Je me suis contenté de reprendre ma liberté. »
Nouveau coup dur pour François Hollande
Seule certitude, cet entretien – qui a été réalisé le 5 octobre – est un nouveau coup dur pour François Hollande, qui affronte une violente tempête à la suite de la sortie, jeudi 13 octobre, du livre Un président ne devrait pas dire ça… (Stock). Critiqué par les magistrats, par l’opposition, par sa propre famille politique, le chef de l’Etat voit l’éventualité de sa candidature à la primaire de la gauche se déliter un peu plus chaque jour.
Signe supplémentaire que M. Macron n’attend plus qu’un renoncement du président de la République pour se lancer ? L’ex-ministre a déclaré vendredi sur la chaîne Bloomberg que la « question essentielle [de sa candidature] devra être tranchée d’ici à la fin de l’année, probablement en décembre ou en janvier ». Cela tombe bien, François Hollande s’est donné jusqu’au 15 décembre, date limite de dépôt des candidatures à la primaire de la gauche, pour se décider.