Au centre islamique d’Hambourg, le 3 octobre 2013. | AXEL HEIMKEN / AFP

La frontière entre rigorisme religieux et aspiration au djihad semble difficile à tracer pour la justice française. Mardi ‎18 ‎octobre ‎2016, le tribunal administratif de Paris a annulé l’interdiction de sortie de territoire (IST) imposée depuis un an à une femme convertie se revendiquant salafiste.

Agée de 19 ans, cette jeune femme qui habite à Reims avait été signalée aux autorités par sa mère avant sa majorité. Le ministère de l’intérieur avait ensuite rédigé une « note blanche » à son sujet dans laquelle il constatait : « Elle ne se maquille plus, ne se rend plus chez le coiffeur, porte des vêtements amples et couvrant la totalité du corps, refuse tout moyen de contraception et possède un coran et un livre sur l’islam ».

Son interdiction de sortie de territoire – désormais annulée – mentionnait quant à elle sa « radicalisation rapide », « ses contacts avec des personnes issues de la mouvance salafiste » et « sa détermination à vouloir quitter la France à sa majorité ». Elle rappelait également sa brève fugue, en octobre 2015, avec son passeport, son téléphone portable et deux valises.

« Erreur d’appréciation » de Beauvau

Le 4 octobre 2016, à l’audience, Chloé (un pseudonyme qu’elle a choisi) s’était défendue : « Je suis salafi, mais je suis pas Daech ». « Je ne voulais pas rentrer chez moi, mais ça ne veut pas dire que je voulais aller en Syrie », avait-elle également assuré.

Dans sa décision de mardi, le tribunal estime que le ministère de l’intérieur a commis une « erreur d’appréciation » concernant la jeune Rémoise. Les faits rapportés au dossier démontrent qu’elle « exerce une pratique religieuse rigoureuse et qu’elle entretient des liens avec la mouvance salafiste. Toutefois, ils ne suffisent pas, par eux-mêmes, à justifier de son adhésion et de sa proximité avec le terrorisme islamiste », juge-t-il.

« Salafiste quiétiste »

Chloé, qui porte un jilbab marron (un vêtement qui couvre les cheveux et l’ensemble du corps) et des gants noirs, assure même combattre l’idéologie de l’Etat islamique. Elle raconte qu’elle a participé à une réunion organisée par Dounia Bouzar, anthropologue aux méthodes parfois controversées mandatée jusqu’à cet été par l’Etat pour former des équipes « anti-radicalité » au sein des préfectures. Selon un anthropologue qui s’est entretenu avec la jeune femme, elle est « de tendance salafiste quiétiste ».

Le salafisme, interprétation littérale de la foi qui invite ses disciples à revenir aux pratiques de l’islam ancien, est parfois poreux avec le djihadisme, mais il ne constitue pas nécessairement son antichambre, soulignent chercheurs et représentants religieux.

Le nombre de salafistes est estimé à environ 15 000 en France, sur 5 millions de musulmans. Dans leur très grande majorité, ceux-ci sont des quiétistes qui se désintéressent de la politique et rejettent la violence, insistent experts et religieux.