Tout comprendre du CETA, le « petit-cousin » du traité transatlantique
Tout comprendre du CETA, le « petit-cousin » du traité transatlantique
Par Maxime Vaudano
L’accord commercial entre l’Europe et le Canada est bloqué par le veto du parlement wallon.
L’accord CETA a été conclu entre l’Union européenne et le Canada. | CC/Nikita Kozin & Mousse Icons
Moins connu que le Tafta, un autre traité transatlantique agite en ce moment l’actualité européenne : le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global) entre l’Union européenne et le Canada. Mardi 18 octobre, les ministres du commerce européens ont échoué à s’entendre pour l’adopter à cause des réticences de la Belgique, coincée par le veto du parlement wallon. Un délai qui risque de compromettre la signature formelle de l’accord lors du sommet Europe-Canada du 27 octobre.
Le gouvernement français défend fermement le CETA en le présentant comme l’« anti-Tafta » ; ses promoteurs estiment qu’il s’agit de « l’un des meilleurs accords jamais négociés par l’Union européenne ». Le traité compte toutefois de nombreux détracteurs qui estiment qu’il menace l’agriculture, les services publics et les politiques publiques favorables à la santé et à l’environnement.
- De quoi parle-t-on ?
- Ce que le CETA contient
- Ce que le CETA ne contient pas
- Où en est-on de son approbation ?
- L’accord sera appliqué avant sa ratification définitive
De quoi parle-t-on ?
Le CETA est un accord commercial « de nouvelle génération ». Cela signifie qu’il ne se contentera pas de réduire les droits de douane entre l’Union européenne (UE) et le Canada. L’objectif est aussi d’aboutir à une convergence de certaines normes pour limiter ce que les libre-échangistes appelent les « barrières non-tarifaires » au commerce. L’ambition est de réduire de 36 % à 3 % la part des exportations européennes soumis à de tels obstacles.
Comme la plupart des accords de ce genre, il s’agit d’un texte aride de 2 344 pages, bourré de jargon juridique, difficile à comprendre pour les non spécialistes.
Ce que le CETA contient
Cliquez pour en savoir plus sur les principales dispositions du CETA :
Ce que le CETA ne contient pas
L’audiovisuel : ce secteur a été exclu de la négociation pour préserver « l’exception culturelle ». Toutefois, contrairement au Canada, l’UE n’a pas protégé explicitement le reste de son secteur culturel (livres, presse, etc.).
Les OGM, le bœuf aux hormones, le poulet au chlore et le porc à la ractopamine : l’Europe a refusé l’importation sur son sol de tels produits. Pour exporter du bœuf et du porc, les producteurs canadiens vont devoir développer des chaînes de production séparées sans hormone et ractopamine.
Où en est-on de son approbation ?
La première version du CETA dévoilée en septembre 2014 ayant subi de vives critiques, l’Europe et le Canada l’ont réécrit pour présenter, en février 2016, une version définitive.
La première étape de la ratification devait intervenir le mardi 18 octobre à Luxembourg, avec son approbation formelle par les vingt-huit ministres du commerce européens. Mais le plan bien huilé a déraillé à cause de l’opposition de deux Etats membres :
Le gouvernement belge, bien que favorable au CETA, est bloqué par le veto de la Wallonie (les régions disposent, dans le système belge, d’un droit de blocage). Dans l’attente d’un compromis avec son parlement régional, la Belgique ne peut pas donner son accord.
La Roumanie continue d’émettre des réserves tant que la question de la libéralisation des visas de ses ressortissants vers le Canada n’est pas réglée.
Le vote n’ayant pu intervenir le 18 octobre, un compte à rebours s’est enclenché pour aboutir à un compromis avant le sommet canado-européen du 27 octobre, au cours duquel le CETA devait être officiellement signé en présence du premier ministre canadien, Justin Trudeau. Interrogée mardi, la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström s’est déclarée « optimiste » sur les chances de convaincre les Wallons de changer d’avis pour tenir ce calendrier. Pour cela, ses services ont rédigé une « déclaration interprétative » du CETA, censée répondre aux craintes des sceptiques, mais qui ne change rien au traité lui-même.
Si les vingt-huit trouvent une solution, la prochaine étape sera la ratification du CETA au Parlement européen, prévue pour janvier 2017. La majorité simple requise pour ce vote devrait être atteinte sans grande difficulté, car la droite (PPE), le centre (ADLE) et les sociaux-démocrates (S & D) y sont majoritairement favorables.
Comme le CETA touche à la fois aux compétences de l’UE et des Etats membres (on appelle ça un accord mixte), la ratification ne sera terminée qu’après l’approbation des trente-huit parlements nationaux et régionaux de l’UE (dont l’Assemblée nationale et le Sénat en France). Ce qui pose un double problème : non seulement le processus sera très long, mais, surtout, personne ne sait ce qu’il arriverait si l’un des parlements venait à dire « non », car cela ne s’est jamais produit.
L’accord sera appliqué avant sa ratification définitive
Pour gagner du temps, il est d’usage d’appliquer provisoirement une partie des accords commerciaux après l’approbation du Parlement européen (étape 2), sans attendre celle des parlements nationaux (étape 3). Une bizarrerie démocratique qui ferait entrer en vigueur en France un CETA qui n’a pas encore été approuvé par les représentants du peuple français.
Et pourtant, l’ensemble des vingt-huit gouvernements européens y ont consenti cet été, le Canada en ayant fait une exigence. En France, la majorité socialiste a même manœuvré à l’Assemblée nationale pour éviter le vote d’une résolution de la gauche de la gauche s’opposant à cette application provisoire.
On ignore encore quels chapitres du CETA seront concernés par l’application provisoire, qui pourrait intervenir dès le début 2017. Le volet arbitrage devrait en être exclu, car il est le plus controversé dans l’opinion publique. Mais le gros de l’accord devrait en faire partie.