La deuxième tentative pourrait bien être la bonne. Après avoir été retiré de la loi santé en raison de l’hostilité des médecins, le principe de la vaccination par les pharmaciens pourrait finalement figurer dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat. Si les sages-femmes et les infirmiers sont déjà autorisés à vacciner sous certaines conditions, cette ouverture aux pharmaciens marquerait une évolution importante dans l’organisation des soins « à la française », marquée par l’attachement des médecins à leurs prérogatives.

Lors de la discussion du texte devant la commission des affaires sociales, mardi 18 octobre au soir, les députés ont adopté un amendement de la députée PS Michèle Delaunay autorisant à titre expérimental, pour une durée de trois ans, « le financement (…) de l’administration par les pharmaciens du vaccin contre la grippe saisonnière aux personnes adultes ». Soit très exactement ce que réclament depuis plusieurs mois les différentes organisations syndicales et professionnelles de pharmaciens. Objectif revendiqué : augmenter le taux de couverture vaccinale chez les assurés à risque, qui est passé de 58,7 % à 48,3 % entre 2008 et 2016, selon les chiffres de l’INVS, soit un recul de près de dix points.

La ministre de la santé, Marisol Touraine, ne s’est pour l’instant officiellement pas prononcée sur cette initiative parlementaire, qui sera de nouveau débattue lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale la semaine prochaine. Elle pourrait choisir de défendre une mesure qui figurait sous une forme moins restrictive dans la première version du projet de loi santé, en octobre 2014. Il s’agissait alors d’autoriser les pharmaciens à vacciner des adultes, dans le cadre de rappels, dans un espace prévu à cet effet au sein de l’officine.

« Le vrai problème, c’est la coordination »

Face à l’hostilité des syndicats de médecins libéraux, qui avaient fait de l’article 32 un casus belli, Mme Touraine avait préféré lâché du lest sur ce point, pour mieux maintenir la généralisation du tiers payant. « Ma volonté n’est pas de détricoter le métier de médecin », avait-elle alors fait valoir au Monde, en promettant des expérimentations qui n’avaient finalement pas été inscrites dans la loi santé. A moins de huit mois de la présidentielle, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale constitue donc le dernier véhicule législatif dans lequel inscrire cette évolution.

Les syndicats de médecins libéraux, eux, n’ont pas changé d’avis sur la question. « C’est une idée contre-productive et inefficace car les pharmaciens vont vacciner et le médecin traitant ne sera pas au courant », estime Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, syndicat majoritaire chez les médecins libéraux. « Les infirmières ont le droit de vacciner et malgré cela le taux de vaccination continue à baisser, le vrai problème, c’est la coordination », ajoute Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France (FMF).

Pour Claude Leicher, le président de MG France, premier syndicat chez les généralistes « ce n’est pas le geste d’injecter le vaccin qui est le problème, c’est de persuader la population que la vaccination est utile. Cette expérimentation n’est donc probablement pas utile et en tout cas, pas décisive. »