Qu’est-ce que le kabaddi, sport populaire en Inde mais méconnu en Occident ?
Qu’est-ce que le kabaddi, sport populaire en Inde mais méconnu en Occident ?
Par Anthony Hernandez
La Coupe du monde de kabaddi se déroule depuis le 7 octobre à Ahmedabad, en Inde. Dimanche, l’Inde, pays d’origine de ce sport si particulier, dispute la finale.
Un Argentin est capturé par ses adversaires indiens lors de la Coupe du monde de kabaddi. | SAM PANTHAKY / AFP
L’Inde conservera-t-elle la suprématie sur le kabaddi ? Dimanche, les Indiens disputent leur troisième finale en trois éditions de la Coupe du monde de ce sport d’un genre particulier. Après 2004 et 2007, ils tenteront de remporter un troisième titre d’affilée. Le kabaddi est une discipline entièrement indienne, sorte de sport de combat par équipes (dont le nom en hindi signifie « retenir son souffle »). Il est présent au programme des Jeux asiatiques depuis 1990. L’Inde y a depuis toujours remporté la médaille d’or. Akshay Bakaya, enseignant d’hindi à Sciences Po et à l’Inalco, auteur de la méthode Assimil dans laquelle il évoque le kabaddi, nous fait profiter de ses lumières sur ce sport méconnu.
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Des règles simples et surprenantes
Deux équipes de sept s’affrontent. Sorte de mélange de lutte et de rugby – les contacts y sont rudes –, parfois associé au jeu des cours d’école du loup ou de l’épervier en Occident, le kabaddi est également un sport de la respiration. Pendant toutes les phases offensives, l’attaquant, appelé « chasseur » traditionnellement en hindi, doit retenir sa respiration et le prouver en répétant comme un mantra le terme « kabaddi ». « Cela sert à démontrer que l’on n’a pas repris son souffle quand on va chasser », explique Akshay Bakaya.
En même temps, il doit essayer de toucher, du pied ou du bras, ses adversaires qui, eux, forment une ligne en se tenant par la main. Dans sa méthode Assimil, Akshay Bakaya précise : « Ses ennemis tentent de l’encercler, le capturer et le retenir jusqu’à ce qu’il perde son souffle, auquel cas c’est le chasseur qui est tué. Souvent, le chasseur se retire prudemment dans son camp sans avoir rien chassé. »
Pendant la partie, les « morts » attendent, tout en espérant une réincarnation. En effet, le fait de toucher des adversaires, « les tuer », réanime un nombre équivalent de coéquipiers. Comme l’écrit Akshay Bakaya, « on continue ainsi jusqu’à ce qu’une équipe ait réussi à décimer les troupes en face ».
Une internationalisation du vocabulaire
Dans son règlement, la Fédération de kabaddi utilise le mot « raider » (prédateur) à la place de chasseur. Les défenseurs sont appelés « anti-raider ou anti ». Au lieu de parler de tuer quand on élimine un adversaire, on utilise le mot « out », comme au cricket. La référence à la réincarnation n’existe plus, on utilise logiquement « in ». « Les officiels du kabaddi ont fait ces changements pour tenter de rendre plus international ce sport et l’exporter », explique Akshay Bakaya.
Un sport populaire
Si sa version codifiée se pratique en salle, en Inde on pratique ce sport sur les plages, sur un bout de pelouse, n’importe où. « C’est un sport du peuple, du pauvre. On peut y jouer avec rien. Mains nues, pieds nus et on enlève même la chemise. On n’est pas obligé d’être sept contre sept, comme dans la version officielle : si on est huit, on joue à quatre contre quatre. Un peu comme on peut jouer au football dans la rue », décrit Akshay Bakaya.
L’enseignant à l’Inalco rappelle d’ailleurs que les élites indiennes ne s’intéressent guère au sport : « La faiblesse du sport de haut niveau en Inde tient à la structure de notre société. Pour les hautes castes, le sport ne compte pas beaucoup. Le brahmane est celui qui étudie, qui détient la parole. Les ingénieurs et les médecins sont plus valorisés, les sportifs un peu oubliés, voire méprisés. Souvent, ils viennent de milieux plus populaires. »
India vs Korea Match#1 Highlights Kabaddi World cup 2016
Durée : 21:05
Le sport du yoga ?
Le kabaddi donne une place importante à la respiration. Les pratiquants doivent pratiquer leur souffle, s’entraîner pour pouvoir y exceller. Pour Akshay Bakaya, cependant, il n’est en aucun cas lié au yoga : « On a tendance à mettre le yoga à toutes les sauces. Je me méfie de l’utilisation de cette étiquette qui fait vendre. »
Le kabaddi, vieux de 4 000 ans ?
Dans leur présentation sur leur site officiel, la Fédération de kabaddi donne des origines préhistoriques à son sport et explique que l’on y joue dans sa forme moderne depuis les années 1930. Cette datation laisse perplexe Akshay Bakaya : « On ne peut pas le savoir. Les vieux textes que nous avons ne parlent pas de sujet de ce genre. On est souvent fantaisistes. Même les plus grands spécialistes de la civilisation de l’Indus ont des difficultés à la dater. Alors comment savoir à quand remonte le kabaddi ? »
- Le kabaddi aux Jeux olympiques ?
Géante en géopolitique, l’Inde est une naine au niveau olympique avec un palmarès famélique : 26 médailles dont seulement neuf en or. Introduire le kabaddi au programme olympique serait un acte fort envers l’Inde, comme on l’a fait pour le Japon avec le judo ou le taekwondo avec la Corée du Sud. Sans compter que la majorité du programme olympique répond à une vision très occidentale du sport. A noter qu’en 1936, aux Jeux olympiques de Berlin, le kabaddi a été présenté en sport de démonstration.
Pour pouvoir imposer le kabaddi, l’Inde devrait être en mesure d’organiser les Jeux. Une gageure selon Akshay Bakaya : « On ne peut même pas rêver à ça pour le moment. En 2010, l’Inde a organisé les Jeux du Commonwealth. Ils ont fait tomber le gouvernement… On cache les pauvres au nom de l’image du pays. Il y a eu des scandales de corruption. L’organisation du sport est très mal réputée en Inde. »
Au kabaddi, tous les moyens sont bons pour neutraliser son adversaire. | SAM PANTHAKY / AFP