Immobilier : le serpent de mer de l’imposition des loyers virtuels refait surface
Immobilier : le serpent de mer de l’imposition des loyers virtuels refait surface
Par Frédéric Douet
Dans un récent rapport, l’OFCE préconise l’imposition des revenus virtuels. Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’université de Rouen, nous explique ce mécanisme.
Christian Eckert, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. | ERIC FEFERBERG / AFP
Publié le 24 octobre, le rapport de l’OFCE considère qu’une personne qui se réserve la jouissance d’un logement qui lui appartient réalise une économie égale au loyer qu’elle aurait dû débourser pour le louer si elle n’en était pas propriétaire. Sous cet angle, l’économie s’analyse en un avantage en nature dont le montant est égal au « loyer virtuel ».
L’idée peut sembler un défi à l’entendement des contribuables. Elle n’est pourtant pas nouvelle. De 1914 à 1964, les revenus virtuels des logements dont les propriétaires se réservaient la jouissance devaient théoriquement apparaître parmi leurs revenus imposables.
Cette mesure a été abandonnée en 1965 en raison des difficultés techniques qu’elle soulevait et, accessoirement, de son impopularité. Depuis, le code général des impôts prévoit expressément que les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance sont exonérés d’impôt sur le revenu (article 15-II).
L’idée a refait surface dans une note du Conseil d’analyse économique du 10 septembre 2013 remise à Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre. Idée reprise à son tour par l’OFCE le 24 octobre.
Le montant des loyers perçus par les propriétaires bailleurs est d’environ 40 milliards d’euros par an. L’imposition des revenus des logements dont les propriétaires se réservent la jouissance ferait passer ce montant à 160 milliards d’euros. L’imposition des loyers virtuels serait un tour de passe-passe fiscal qui permettrait de générer 120 milliards d’euros de revenus virtuels ou fictifs.
L’imposition des loyers virtuels reviendrait à frapper la capacité contributive que confère la détention d’un immeuble et qui résulte des revenus en nature procurés par cet immeuble. Tel est précisément l’objet de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Il n’y a qu’un pas à franchir pour voir dans l’imposition des loyers virtuels un ISF bis qui frapperait tous les propriétaires.
L’imposition des loyers virtuels risque à nouveau de faire long feu en raison de ses difficultés techniques et de ses effets électoraux qui seraient ravageurs. Sur Twitter, Christian Eckert, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, a précisé que le gouvernement ne voulait pas de l’« idée stupide » exhumée par l’OFCE.