Les Français du Royaume-Uni visés par des agressions verbales depuis le Brexit
Les Français du Royaume-Uni visés par des agressions verbales depuis le Brexit
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
L’ambassadrice de France à Londres a dénoncé, devant la Chambre des lords, une montée de l’intolérance depuis le vote sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’ambassadrice de France au Royaume-Uni, Sylvie Bermann, le 10 mai 2015 à Londres. | JUSTIN TALLIS / AFP
Depuis le vote en faveur du Brexit, certains Français vivant au Royaume-Uni ont été victimes d’insultes ou de commentaires agressifs, selon l’ambassadrice de France à Londres. Interrogée mardi 25 octobre par un comité de la Chambre des lords, Sylvie Bermann a témoigné de « l’inquiétude » des quelque 300 000 Français vivant outre-Manche : « Certains ont subi un langage agressif ou négatif. Ils n’étaient pas habitués à ce genre de traitement dans un pays où beaucoup d’entre eux habitent depuis des décennies, et qu’ils considèrent comme un succès en termes de dynamisme et de tolérance envers les autres. »
Mme Bermann n’a pas détaillé les agressions, se contentant d’évoquer des « remarques désagréables dans le métro ». Elle reconnaît également que les Français ne sont pas les Européens les plus touchés par la vague d’attaques à caractère raciste ou xénophobe déclenchée par le référendum du 23 juin. Selon le ministère de l’intérieur britannique, le nombre d’agressions racistes ou religieuses a fait un bond de 41 % en juillet (par rapport à 2015), avec presque 5 500 incidents. Les communautés polonaise et roumaine ont été particulièrement visées. Le 27 août, à Harlow, dans la grande banlieue de Londres, un groupe d’adolescents a brutalement attaqué des immigrés polonais, tuant l’un d’entre eux.
« Moins les bienvenus »
Au-delà des agressions, Mme Bermann parle d’un malaise plus diffus. « Certains se sentaient londoniens avant le 23 juin, et ils se sentent aujourd’hui des étrangers. Ils ont l’impression d’être moins les bienvenus qu’avant. » Certains Français envisageraient de quitter le Royaume-Uni. Mais leur vraie inquiétude concerne l’incertitude quant à leur statut une fois que le Royaume-Uni sera sorti de l’Union européenne, ce qui pourrait intervenir en 2019.
Cela pose de très nombreuses questions pratiques, pour l’instant sans réponse, qui dépassent largement le droit de résider outre-Manche. « Est-ce qu’ils peuvent acheter un logement ? Est-ce qu’ils peuvent envoyer leurs enfants à l’université, sachant que les frais d’inscription ne sont pas les mêmes pour les Européens que pour les autres étrangers ? » L’accès à la sécurité sociale ou à la retraite britanniques, qui relèvent actuellement d’un accord européen, est une autre interrogation.
La première ministre britannique, Theresa May, s’est contentée de promettre aux Européens déjà installés outre-Manche le droit de rester si la même chose est autorisée aux Britanniques vivant dans les autres pays de l’UE. Tout en estimant qu’il n’y avait pas de raison « de trop s’inquiéter », Mme Bermann a refusé d’apporter une garantie de ce côté-là : « Nous savons [que le statut des Européens] fera partie des négociations. »
Elle considère que c’est au Royaume-Uni de présenter ses exigences en premier dans les négociations à venir sur les modalités du Brexit. « Les Britanniques sont demandeurs dans cette affaire. Nous ne sommes pas en position de dire ce que nous voulons. » Lord Ivor Richard, l’un des membres du comité interrogeant l’ambassadrice, a ironisé : « C’est aussi clair qu’une déclaration du gouvernement britannique. »