Un journaliste poursuivi et interdit de séjour dans la « jungle » de Calais
Un journaliste poursuivi et interdit de séjour dans la « jungle » de Calais
Gaspard Glanz, habitué de la couverture des mouvements sociaux, a été interpellé mercredi. Poursuivi pour « vol », il est soumis à un strict contrôle judiciaire.
Le journaliste Gaspard Glanz a été interpellé et placé en garde à vue, mercredi 26 octobre, alors qu’il couvrait le démantèlement de la « jungle » de Calais. A l’issue de plus de trente heures dans les locaux du commissariat de la ville, le fondateur de l’agence de presse Taranis News a appris qu’il faisait l’objet de deux procédures judiciaires, l’une pour le vol de talkie-walkie des CRS dans le camp de migrants, et l’autre pour injure publique sur douze fonctionnaires de police de Rennes à la suite d’un post Facebook. Le vidéaste a également découvert qu’il faisait l’objet d’un arrêté d’interdiction de séjour dans l’arrondissement de Calais.
Taranis News, un site d’information centré sur les mouvements sociaux (manifestations, ZAD, etc.), s’est notamment fait remarquer par la présence en première ligne de ses journalistes lors du mouvement contre la loi travail. Souvent accusé de « militantisme », Gaspard Glanz, 29 ans, s’affirme « journaliste ». Il fait partie d’une nouvelle génération de reporters pratiquant l’immersion dans les manifestations, y compris lors des heurts avec les forces de l’ordre.
A Calais, les policiers reprochent à M. Glanz d’avoir subtilisé un « émetteur-récepteur radio modèle TETRAPOL THP 900 appartenant au ministère de l’intérieur » le 1er octobre. Le journaliste avait posté sur Instagram une photo de l’objet, trouvé par terre, avec le commentaire « prise de guerre ».
#CALAIS Prise de guerre. @ Refugee Camp Calais https://t.co/D2NEixYnRi
— GaspardGlanz (@Gaspard Glanz)
« Laminer »
Déféré devant le procureur de la République, jeudi, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour « vol simple ». Et soumis par le juge des libertés et de la détention à un contrôle judiciaire strict : pointage hebdomadaire au commissariat de Strasbourg, sa ville d’origine, jusqu’à l’audience, prévue en mars 2017. « Ça va détruire mon activité professionnelle », assure-t-il dans un long récit de sa garde à vue publié vendredi sur Taranis News :
« M’obliger à faire 1 600 km à 1 800 km aller/retour (si je suis à Rennes ou à Nantes [ou M. Glanz couvre régulièrement le mouvement d’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes] par exemple) chaque semaine et juste pour pointer au commissariat de Strasbourg, économiquement cela va me laminer. Ça va me faire perdre deux jours par semaines en transport et je ne pourrai jamais être quelque part pour couvrir un événement le samedi. »
M. Glanz produit également sur Taranis News un arrêté d’interdiction de séjour à Calais signé par la préfète du Pas-de-Calais. Il assure qu’il n’en avait pas connaissance avant de débuter la couverture du démantèlement de la « jungle », et que le texte lui a été notifié lors de sa garde à vue.
L’arrêté, fondé sur la loi sur l’état d’urgence, évoque les « violences » commises à Calais par des « groupes d’individus violents d’ultra-gauche “No Border” », la « prégnance de la menace terroriste », et la « mobilisation exceptionnelle » des forces de l’ordre engagée dans l’opération de démantèlement, qui « ne saurait être détournée pour répondre à des risques d’ordre public ». Il reproche à M. Glanz l’épisode du talkie-walkie, mais également de s’être introduit illégalement dans la « zone de protection » réservée aux personnels accrédités (dont des centaines de journalistes). « Il y a tout lieu de penser que M. Gaspard Glanz envisage (…) de prendre part à des actions revendicatives violentes », assure la préfète.
« Actions revendicatives violentes »
Le reporter assure, lui, que ses demandes d’accréditation sont restées sans réponse, ni positive, ni négative, et qu’il a donc poursuivi son travail. La « zone de protection » établie par la préfecture a permis d’exclure les avocats et certaines associations des opérations d’évacuations des habitants du bidonville.
Lors de la garde à vue, le journaliste est enfin informé qu’il est également poursuivi, à Rennes, pour avoir « par un moyen de communication audiovisuelle, en l’espèce le réseau social Facebook publiquement injurié douze fonctionnaires de police (…), personnes dépositaires de l’autorité publique, en assimilant ces derniers au bras armé du nazisme, en l’espèce en diffusant la photographie de ces agents surmontée du commentaire en langue allemande “Ein Volk, Ein Reich, Ein Führer” (traduction : un peuple, un pays, un guide), slogan du parti nazi ». L’audience est prévue en janvier 2017.
Une capture d’écran de son message publié sur Facebook. | Facebook Gaspard Glanz
Il ne s’agit pas des premiers démêlés de M. Glanz avec la police lors de sa couverture de l’actualité. En novembre 2015, il avait déjà été interpellé et placé en garde à vue alors qu’il couvrait une action militante dans le cadre de la conférence sur le climat COP21, sans être poursuivi. En juin, il avait également été retenu avec un autre journaliste pendant plus de quatre heures par la police parisienne alors qu’il souhaitait se rendre à une manifestation contre la loi travail. Une plainte pour détention arbitraire a été déposée auprès du procureur de la République à Paris.