En Islande, le Parti pirate ne réalise pas la percée espérée
En Islande, le Parti pirate ne réalise pas la percée espérée
Par Jean-Baptiste Chastand (Reykjavik, envoyé spécial)
La formation radicale a triplé le nombre de ses députés, mais se place en troisième position, dans l’incapacité de former une coalition de gouvernement.
La dirigeante du Parti pirate Birgitta Jonsdottir à Reykjavik, le 24 octobre. | HALLDOR KOLBEINS / AFP
C’est une déception pour les Pirates islandais. Les résultats provisoires des élections législatives anticipées organisées samedi 29 octobre laissent à penser que le jeune parti au programme libertaire n’enregistrera pas la percée que les sondages lui promettaient. Selon une projection basée sur un tiers des suffrages dépouillés, les Pirates n’obtiendraient que 14,1 % des voix et neuf sièges, bien loin des plus de 20 % avancés par certains instituts avant l’élection.
Il n’arriverait qu’en troisième position, derrière le Parti de l’indépendance (conservateur) et celui des Rouges-Verts (gauche radicale). Dirigé par l’actuel ministre des finances, Bjarni Benediktsson, le Parti de l’indépendance a réalisé un score plus élevé que prévu en obtenant près de 30 % des voix.
M. Benediktsson avait pourtant été mis en cause en avril lors du scandale des Panama papers pour avoir détenu une société offshore, mais il avait résisté aux manifestations, à la différence du premier ministre d’alors, Sigmundur David Gunnlaugsson qui avait rapidement démissionné. L’organisation de législatives anticipées avait été annoncée dans la foulée.
Formidable bilan économique
Malgré ce scandale, les Islandais semblent avoir apprécié le formidable bilan économique du gouvernement sortant plutôt que le bouleversement démocratique promis par les Pirates. La petite île de 330 000 habitants a complètement effacé les effets de la crise bancaire de 2008 et connaît une croissance record et le plein-emploi. « Nous sommes dans une position très forte pour gouverner », a expliqué au Monde M. Benediktsson, qui organisait sa soirée électorale dans un des hôtels de luxe de la capitale islandaise.
Ses supporters, particulièrement apprêtés, étaient largement satisfaits. « Le Parti pirate avait au départ une position libertarienne qui pouvait être aussi de droite, mais sa leader a voulu des alliances à gauche et le parti s’est divisé », explique Gunnlaugur Olafsson, président de la commission des affaires étrangères du parti.
C’est en effet un échec pour Birgitta Jonsdottir, 49 ans, qui avait mené des négociations préélectorales avec les trois autres partis d’opposition de gauche avant le scrutin dans l’espoir de pouvoir crier victoire dès samedi soir. Les résultats provisoires montrent que les quatre partis ne devraient pas obtenir les 32 sièges nécessaires pour avoir la majorité au Parlement. Les Rouges-Verts sont crédités de onze sièges, les Pirates de neuf, les centristes de quatre et les sociaux-démocrates s’effondreraient à quatre sièges. Dans ces conditions, une députée pirate sortante ne cachait pas qu’une coalition était désormais quasi-impossible.
Faible participation
« On n’avait jamais cru qu’on aurait plus de 30 % des voix », a plaidé Mme Jonsdottir samedi soir, devant ses jeunes partisans réunis dans l’arrière-salle d’un bar et les internautes qui pouvaient suivre la soirée en direct depuis leur écran. Elle a préféré insister sur la progression de son parti qui n’avait que trois sièges dans le Parlement sortant, mais a avoué sa déception de voir qu’autant d’électeurs ont soutenu « le gouvernement Panama ».
Figure médiatique mondiale des Pirates islandais avec son look iconoclaste, Mme Jonsdottir semble avoir payé sa trop grande mise en avant. Elle avait irrité jusqu’au sein du parti en essayant de modifier des listes électorales après les primaires. La participation a par ailleurs été faible, alors même que les Pirates comptaient sur le vote des plus jeunes pour l’emporter.
Si le Parti de l’indépendance – qui n’a quasiment jamais quitté le pouvoir en 87 ans d’existence – et son allié actuel du Progrès doivent pouvoir compter ensemble sur 29 sièges, il leur faudra toutefois chercher un nouvel allié pour gouverner. Avec sept partis représentés, le Parlement est éclaté comme jamais.
M. Benediktsson pourrait se tourner vers le nouveau parti de droite Redressement créé cette année après une scission des militants proeuropéens de son parti historiquement opposé à toute adhésion à l’UE. Mais ce sujet est tellement sensible qu’un accord semble difficile avec les six élus de ce nouveau parti.
« Il n’y a pas de majorité en Islande pour négocier une adhésion et les résultats de ces élections le confirment », a expliqué dès samedi soir M. Benediktsson. Il faudra donc attendre au moins plusieurs jours de négociations en coulisses avant de savoir qui gouvernera. Une tradition islandaise bien ancrée, bien loin des rêves de renouvellement démocratique des Pirates.
Birgitta Jonsdottir : « Si je suis en position d’être première ministre, je répondrai “non, merci” »
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