Hillary Clinton, victime de l’enquête sur l’ex-mari de sa plus proche conseillère
Hillary Clinton, victime de l’enquête sur l’ex-mari de sa plus proche conseillère
Le Monde.fr avec AFP, AP et Reuters
La découverte de courriels du département d’Etat sur l’ordinateur portable d’Anthony Weiner, dont Huma Abedin s’est séparée fin août, a relancé l’affaire des e-mails de Hillary Clinton.
Hillary Clinton et Huma Abedin à bord de l’avion de campagne de la candidate, le 28 octobre 2016. | © Brian Snyder / Reuters / REUTERS
Très présente aux côtés de Hillary Clinton, Huma Abedin faisait de son mieux pour échapper à l’attention des médias. Avec succès, jusqu’à ces derniers jours. Membre de la garde rapprochée de la candidate, cette Américaine d’origine indo-pakistanaise de 40 ans, élevée en Arabie saoudite, est la vice-présidente de la campagne de Mme Clinton.
La découverte de courriels du département d’Etat sur l’ordinateur portable de son ex-mari, Anthony Weiner, dont elle s’est séparée fin août, a servi de point de départ à un supplément d’enquête dans l’affaire de la messagerie privée de Hillary Clinton, annoncé vendredi 28 octobre par le directeur du FBI, James Comey, dans une lettre à des élus du Congrès.
D’Abedin à Clinton en passant par Weiner
Pendant ses études à la George Washington University, à Washington D. C., Huma Abedin a commencé à travailler, en 1996, comme stagiaire à la Maison Blanche, occupée par Bill Clinton. Affectée au bureau de la première dame, les deux femmes sont devenues extrêmement proches, au point que Hillary Clinton la considère désormais comme sa fille spirituelle. Celle-ci l’a suivie dans tous les postes qu’elle a occupés, et était déjà son assistante personnelle quand Mme Clinton s’est lancée dans sa première course à la présidentielle, en 2008.
Anthony Weiner annonçant sa candidature à la mairie de New York, accompagné de Huma Abedin, le 23 juillet 2013, à New York. | © ERIC THAYER / Reuters / REUTERS
Le 10 juillet 2010, elle épouse Anthony Weiner, élu démocrate du Congrès, alors promis à un bel avenir politique. Bill Clinton officie à leur mariage. Mais Anthony Weiner est poussé à la démission en mai 2011, après avoir reconnu avoir envoyé des photographies osées à des inconnues sur Twitter.
En mai 2013, il annonce néanmoins sa candidature à la mairie de New York. Deux mois plus tard, de nouvelles accusations font surface, montrant qu’il continue à envoyer des « sextos », derrière le surnom Carlos Danger. Bien qu’humiliée, Huma Abedin affirme qu’elle aime son mari et lui pardonne.
Après de nouvelles révélations montrant qu’Anthony Weiner continue à envoyer messages et des photographies à connotation sexuelle à des inconnues, Huma annonce finalement leur séparation le 29 août. Après quelques jours, elle reprend la campagne.
Le FBI face à une montagne d’informations
Anthony Weiner, quant à lui, fait l’objet d’une enquête pour avoir envoyé des « sextos » à une adolescente de 15 ans, et c’est dans ce cadre que les courriels du département d’Etat ont été découverts par le FBI.
Le FBI n’a pu commencer l’examen des courriels dont le nombre est évalué à 650 000 par le « Wall Street Journal ». | © Faith Ninivaggi / Reuters / REUTERS
Selon Newsweek et Politico, la présence des courriels du département d’Etat s’explique par le fait que Hillary Clinton déteste lire des messages sur écran et aurait demandé à son « aide de camp »… de les lui imprimer, les imprimantes du département d’Etat n’étant pas des plus performantes, précise Newsweek.
Le FBI n’a pu commencer l’examen des messages – dont le nombre est évalué à 650 000 par le Wall Street Journal – avant d’avoir obtenu un mandat différent de celui dont il disposait pour l’enquête sur les SMS de M. Weiner. C’est chose faite depuis dimanche soir.
Le Wall Street Journal estime qu’il faudra « plusieurs semaines, au minimum, pour déterminer s’ils sont des copies d’e-mails déjà examinés lors de l’enquête sur le serveur de messagerie privée, s’ils comportent des informations confidentielles ou apportent de nouvelles preuves sur l’affaire de la messagerie privée de l’ancienne secrétaire d’Etat ».
Le retour de l’affaire de la messagerie privée
La découverte des courriels sur la messagerie d’Anthony Weiner ranime l’affaire des messages privés de Hillary Clinton, qui parasite sa candidature à la Maison Blanche depuis mars 2015. A l’origine, et malgré les consignes de sécurité, Hillary Clinton a utilisé, quand elle dirigeait la diplomatie américaine de 2009 à 2013, une messagerie privée basée sur un serveur privé installé dans son domicile de Chappaqua, dans l’Etat de New York, au lieu d’avoir recours à un compte gouvernemental.
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L’affaire a éclaté avec un article du New York Times daté du 2 mars 2015 qui révèle que plus de 60 000 messages ont été accumulés en quatre ans. A la demande du département d’Etat, Hillary Clinton a remis, en octobre 2014, pour archivage, la moitié des courriels qu’elle considérait comme liés à ses responsabilités, et a supprimé ceux qu’elle considère comme privés.
Les messages remis, après avoir été expurgés d’informations sensibles, ont été publiés sur le site du département d’Etat sur ordre d’un juge. Le FBI a enquêté sur le contenu des messages de l’ancienne secrétaire d’Etat, et il en a découvert 110 qui contenaient des « informations classées » secrètes à l’époque.
Le directeur du FBI, James Comey, a recommandé, le 5 juillet 2016, de ne pas poursuivre Hillary Clinton, mais a dressé un sévère réquisitoire contre l’ex-secrétaire d’Etat qui a, selon lui, fait preuve d’une « négligence extrême ».
La stratégie de James Comey
James Comey est un juriste républicain, ex-procureur fédéral et ancien vice-ministre de la justice. Il a été nommé à la tête du FBI par Barack Obama en mai 2013. Il a rendu publiques les conclusions explosives de son enquête lors d’une conférence de presse mais a été critiqué par les républicains pour n’avoir pas recommandé de poursuivre l’ancienne secrétaire d’Etat. Après les révélations de vendredi 28 octobre, certains accusent James Comey de couvrir ses arrières. Le camp de la démocrate a réclamé « davantage d’informations » sur ces messages.
Dans une lettre adressée aux personnels du FBI, James Comey tente de se justifier en expliquant que « parce que ces e-mails semblent en rapport avec l’enquête [sur la messagerie privée de Hillary Clinton], il a pris les mesures nécessaires pour les faire saisir et examiner. (…) Je pense que nous tromperions les Américains si on ne poursuivait pas cette enquête ». Le directeur du FBI précise encore que l’agence devait encore déterminer si ces nouveaux messages contenaient des informations classées.
L’impact de cet événement sur la campagne
Avant cette « surprise d’octobre », Hillary Clinton était en recul face à Donald Trump dans plusieurs Etats (Pennsylvanie, Colorado, Iowa et Nevada). Mais elle possède quinze points d’avance sur lui parmi les électeurs ayant opté pour le vote anticipé ces deux dernières semaines, selon les résultats de l’étude States of the Nation réalisée par Reuters et Ipsos.
La candidate démocrate est notamment en tête dans des Etats cruciaux comme l’Ohio ou l’Arizona, de même que dans des fiefs traditionnels du Parti républicain comme la Géorgie et le Texas. D’après l’US Election Project de l’université de Floride, quelque 22 millions d’Américains ont déjà accompli leur devoir électoral, soit environ 20 % des inscrits.
Donald Trump a beau clamer que « c’est le plus grand scandale politique depuis le Watergate », l’affaire ne concerne que de loin l’ancienne secrétaire d’Etat : les courriels ne viennent pas directement de son serveur de messagerie privée.
Avant la nouvelle affaire, quelque 22 millions d’Américains ont déjà accompli leur devoir électoral, soit environ 20 % des inscrits. | AFP
Le site d’analyses de sondages FiveThirtyEight qui passe en revue une série de « surprises d’octobre », comme le sondage Politico/Morning Consult mené samedi et dimanche indiquent que ce type d’événements n’a en général aucun impact sur l’élection. Hillary Clinton est toujours en tête dans les sondages, 39 % des électeurs indiquent que la nouvelle enquête ne modifie pas leur intention de vote. Parmi les électeurs indécis, 42 % disent qu’ils sont un peu moins enclins à voter pour la candidate démocrate, mais 41 % d’entre eux indiquent que cela ne fait pas de différence.
Quelles retombées pour Huma Abedin ?
John Podesta, ancien secrétaire général de la Maison Blanche durant la deuxième présidence Clinton et actuel président de l’équipe de campagne de Hillary Clinton est monté au créneau, dimanche, pour défendre Huma Abedin sur CNN : « Elle a joué un rôle central et vital dans la campagne, et continue à le faire. »
John Podesta: "Of course" Huma Abedin is still with the campaign https://t.co/6OZtrfIwim #CNNSOTU https://t.co/j8PQtWclZG
— CNNPolitics (@CNN Politics)
La proximité la vice-présidente de la campagne avec la candidate est telle qu’avant cette nouvelle affaire, elle était pressentie pour devenir la chef de cabinet de Hillary Clinton. Si celle-ci entre à la Maison Blanche.