L’affaire des e-mails d’Hillary Clinton redonne de l’air à Donald Trump
L’affaire des e-mails d’Hillary Clinton redonne de l’air à Donald Trump
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
La décision du directeur du FBI d’ouvrir une nouvelle enquête sur les courriels de la candidate démocrate a tout bouleversé.
Hillary Clinton, samedi 29 octobre à White Plains, dans l’Etat de New York. | JEWEL SAMAD / AFP
Moins de dix jours séparent les Etats-Unis de l’élection présidentielle du 8 novembre. Ils vont être éprouvants pour le camp démocrate, qui pensait l’avoir déjà emportée. Le mois d’octobre avait en effet été difficile pour Donald Trump, l’adversaire républicain de leur candidate, Hillary Clinton. Enferré dans des polémiques sur ses relations avec les femmes, peu convaincant lors des débats présidentiels, M. Trump abordait la dernière ligne droite de la campagne dans de mauvaises conditions, seul face à l’équipe soudée constituée par les couples Clinton et Obama, qui parcourent les Etats pivots. Le magnat de l’immobilier était distancé en matière de collecte de fonds, ainsi qu’en termes d’organisation capable de mobiliser et faire voter ses partisans.
La décision du directeur du Federal Bureau of Investigation (Bureau fédéral d’enquêtes, FBI), annoncée vendredi 28 octobre, d’ouvrir une nouvelle enquête relative à l’usage discrétionnaire d’un serveur privé par Mme Clinton lorsqu’elle dirigeait la diplomatie américaine, de 2009 à 2013, a tout bouleversé. Alors que M. Trump avait perdu des semaines à devoir se justifier, c’est son adversaire qui se retrouve désormais à cette place particulièrement exposée. Le contre-feu allumé par les démocrates vise donc le directeur du FBI, James Comey, sommé depuis trois jours de publier l’ensemble des éléments qui l’ont poussé à cette décision.
« Il est plutôt étrange qu’une chose pareille soit publiée, avec si peu d’informations, juste avant une élection », a déclaré samedi Mme Clinton lors d’un meeting à Daytona Beach, en Floride. « En fait, ce n’est pas seulement étrange, c’est sans précédent et c’est profondément inquiétant, car les électeurs méritent les faits dans leur ensemble. Nous avons donc appelé le directeur Comey à expliquer tout, et tout de suite, à tout mettre sur la table », a ajouté la candidate. La presse américaine a révélé, samedi, que le département de la justice, dont dépend M. Comey, n’était pas favorable à ce qu’il informe le Congrès de cette étape, sans pour autant le lui interdire. Le directeur du FBI a passé outre.
« Distorsions »
Le président de la campagne démocrate, John Podesta, se montre, depuis deux jours, encore plus incisif. « En fournissant de façon sélective des informations », M. Comey « a ouvert la voie à des distorsions et à des exagérations partisanes pour infliger le plus de dommages politiques », a-t-il accusé samedi. Il a affirmé qu’il était fort possible que les messages retrouvés soient seulement des copies de ceux déjà en la possession du FBI.
Dimanche, le chef de la minorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a adressé un courrier à M. Comey, laissant entendre qu’il avait violé le « Hatch Act », une loi qui interdit d’utiliser une fonction publique gouvernementale pour influencer une élection. M. Reid accuse par ailleurs le directeur d’un « deux poids deux mesures », pour ne pas enquêter sur des liens éventuels entre l’équipe de campagne de M. Trump et les responsables étrangers du piratage de la boîte de M. Podesta, qui alimente depuis le 7 octobre la publication, par WikiLeaks, de courriers internes démocrates. L’administration américaine a publiquement mis en cause la Russie, le 7 octobre, dans une série de piratages liés à la campagne présidentielle.
Selon la presse américaine, des milliers de courriers électroniques ont été découverts indirectement dans un ordinateur appartenant à l’ancien représentant de l’Etat de New York, Anthony Weiner. L’ex-mari d’une très proche conseillère de Mme Clinton, Huma Abedin, un multirécidiviste des SMS à caractère sexuel – qui lui ont coûté sa carrière et son couple –, aurait correspondu avec une mineure de Caroline du Nord, ce qui aurait attiré l’attention de la police fédérale.
Mme Abedin ne s’est pas expliquée publiquement sur la présence de ces messages. Interrogée par le FBI pendant l’enquête, qui s’était achevée en juillet par la décision de ne pas recommander des poursuites, elle avait mis à sa disposition les appareils électroniques dont elle se servait, mais pas cet ordinateur, qu’elle aurait utilisé de manière occasionnelle, selon les rares informations publiées à ce sujet dimanche.
Lorsque le directeur du FBI a annoncé l’ouverture d’une nouvelle enquête, il ne disposait pas d’informations précises sur ces courriels. Il devait en effet obtenir du ministère de la justice un mandat spécifique, qui lui a été accordé dimanche soir. C’est ce mandat qui va être mis à profit, dans un délai indéterminé, pour savoir si les courriels retrouvés confirment ou contredisent les conclusions de juillet.
Les prochains sondages vont permettre d’évaluer l’impact de la décision de M. Comey sur la campagne. Dans les jours qui avaient précédé l’envoi de la lettre du directeur du FBI, l’écart s’était déjà resserré entre les deux principaux candidats, notamment à la suite de l’annonce probable de la hausse des primes d’assurance liées à la réforme de santé qui porte le nom du président démocrate, l’Obamacare.
« Bruit »
Combative, Mme Clinton s’est efforcée dimanche de mobiliser son camp. « Nous ne pouvons pas être distraits par tout ce bruit (...), nous devons rester concentrés », a déclaré Mme Clinton lors d’une étape à Fort Lauderdale, en Floride. « Quand on vous renverse, ce qui compte, c’est si vous vous relevez », a ajouté Mme Clinton lors d’une autre étape à Wilton Manors.
La démocrate dispose toujours des meilleures chances pour accéder à la Maison Blanche. Elle peut se permettre de perdre certains Etats-clés, comme la Floride et l’Ohio, alors que son adversaire républicain doit impérativement les remporter pour pouvoir espérer gagner, même si ces victoires ne seraient pas suffisantes. Par ailleurs, plus de vingt et un millions d’électeurs américains ont déjà voté. Ce nombre correspond à environ un cinquième du corps électoral, qui a profité des dispositions en faveur du vote anticipé mises en place par de nombreux Etats.
Mais en une semaine, la campagne a cependant bel et bien changé de tonalité. Il y a encore quelques jours, les démocrates dissertaient sur l’ampleur du triomphe annoncé de Mme Clinton, et de ses implications sur la bataille également en cours pour le contrôle du Sénat. La voilà revenue brutalement en arrière, à la mi-septembre, lorsqu’elle était talonnée par M. Trump.
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