La trêve hivernale débute mardi 1er novembre. Jusqu’au 31 mars, toute expulsion locative devient impossible. Pour les ménages ayant fait l’objet d’un « commandement de quitter les lieux » commence donc un répit de cinq mois.

En 2015, 67 406 ménages avaient fait l’objet d’un tel « commandement », à la suite d’une décision de justice prononçant l’expulsion, selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre. Les expulsions locatives avec intervention des forces de l’ordre ont, elles, enregistré en 2015 un « sombre record », avec un bond de 24 % pour s’établir à 14 363, selon la fondation.

« Ces chiffres alarmants sont la conséquence de la hausse des loyers dans le parc privé, mais aussi dans le parc social », estime-t-elle, rappelant que de nombreux autres ménages expulsés quittent eux-mêmes leur logement sans attendre la police.

« Si la date qui impose au locataire de quitter son logement tombe pendant la trêve hivernale, alors le locataire peut s’obliger lui-même, mais personne ne pourra le forcer à quitter les lieux, ni l’huissier, ni les forces de l’ordre », explique Pascal Thuet, membre de la Chambre nationale des huissiers.

De même, un bailleur ne peut procéder lui-même à l’expulsion d’un locataire. Il s’expose dans ce cas à des peines de trois ans de prison et 30 000 euros d’amende pour violation de domicile.

Appel de 1954

Mais la trêve hivernale n’empêche pas le propriétaire de procéder à des démarches pour aboutir à une expulsion. Elle pourra être effective dès le 1er avril. La trêve hivernale « est un acquis du combat de l’abbé Pierre et un des fruits de son célèbre appel du 1er février 1954 », précise le ministère du logement.

La mesure a été instaurée pour la première fois par la loi du 4 décembre 1956 qui suspendait « toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er décembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante ».

La trêve a ensuite été prolongée jusqu’au 31 mars lors de l’adoption de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) en 2014. Depuis 2008, cette trêve a en outre été élargie : en cas d’impayés, la fourniture « d’électricité, de gaz ou de chaleur ne peut être interrompue » dans la résidence principale pendant la période hivernale.

Cas particuliers

Il existe néanmoins certains cas particuliers dans lesquelles cette loi ne s’applique pas. Le « conjoint violent », le squatteur sur décision du juge, ou les personnes occupant des « logements d’étudiants » sans en avoir le statut peuvent être expulsés même pendant la trêve hivernale. Enfin, une expulsion peut être réalisée si le relogement est « assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ».

Parallèlement, le « plan hiver » doit permettre de mobiliser les places d’hébergement d’urgence, notamment pour les sans-abri. Emmanuelle Cosse, la ministre du logement, a appelé les préfets à éviter une « gestion au thermomètre », et donc à « ne lier en aucune façon l’ouverture des places hivernales avec la température extérieure ». Le parc d’hébergement d’urgence comptait 118 650 places à la fin de juin, contre 93 591 en 2013, soit une progression de 26,8 % en trois ans.

En Ile-de-France, les structures d’hébergement d’urgence bénéficieront cette année de 2 870 places supplémentaires pour « mettre à l’abri les personnes à la rue » pendant l’hiver, a annoncé le préfet de région, Jean-François Carenco. Ces places seront ouvertes progressivement à partir de mardi. Elles s’ajoutent aux dispositifs qui permettent l’hébergement quotidien de 92 000 personnes en Ile-de-France.