Turquie : les deux maires de la ville kurde de Diyarbakir en détention pour « terrorisme »
Turquie : les deux maires de la ville kurde de Diyarbakir en détention pour « terrorisme »
Le Monde.fr avec AFP
Gültan Kisanak et Firat Anli, élus ensemble en 2014, sont accusés de « soutien logistique » et d’« appartenance à une organisation terroriste armée ».
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour réclamer la libération des deux maires de Diyarbakir, dimanche 30 octobre. | ILYAS AKENGIN / AFP
Un tribunal turc a annoncé dimanche 30 octobre avoir placé en détention provisoire les deux maires de Diyarbakir, épicentre du sud-est à majorité kurde de la Turquie. Ils sont accusés d’activités « terroristes » en lien avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Gültan Kisanak et Firat Anli, élus ensemble en 2014 à la tête de Diyarbakir, sont accusés d’« appartenance à une organisation terroriste armée » et de « soutien logistique à une organisation terroriste armée », selon un communiqué du tribunal de Diyarbakir.
Leur mise en détention intervient cinq jours après leur placement en garde à vue, mardi soir, qui avait provoqué une flambée de violence dans le sud-est du pays. Ayla Akat Ata, une ex-députée du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), dont sont aussi issus Mme Kisanak et M. Anli, a également été placée en détention dimanche soir.
Fermeture de médias prokurdes
Cette décision survient dans un contexte particulièrement tendu, avec la multiplication des arrestations et suspensions de responsables locaux accusés de liens avec le PKK, ou encore la fermeture d’une douzaine de médias prokurdes annoncée par décret samedi soir.
Trois policiers ont été grièvement blessés dimanche soir dans une attaque à la bombe contre des locaux du parti AKP au pouvoir dans la province de Mardin, voisine de celle de Diyarbakir, selon l’agence de presse Dogan, qui attribue l’assaut au PKK.
Dimanche, plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour réclamer la libération de Mme Kisanak et M. Anli à Diyarbakir et Istanbul, où des policiers ont fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser les protestataires.
S’adressant à quelque 500 personnes rassemblées à proximité de la mairie de Diyarbakir dimanche, Selahattin Demirtas, coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP, principale formation prokurde), a accusé les autorités de « retenir en otage » les deux maires.
« Nous ne reculerons pas »
« Tous ceux qui ne disent pas “Erdogan est notre sultan” sont déclaré “terroristes” », a lancé M. Demirtas, appelant « les forces démocratiques » à se mobiliser. « Nous ne reculerons pas, quel qu’en soit le prix », a-t-il ajouté.
Le président Recep Tayyip Erdogan accuse le HDP et le BDP d’être liés au PKK, une organisation classée « terroriste » par Ankara, Washington et Bruxelles. Le mois dernier, 24 maires du sud-est du pays soupçonnés d’être liés au PKK ont été suspendus et remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement, une mesure qui a déclenché des manifestations dans plusieurs villes de la région.
Le sud-est de la Turquie est ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité depuis la rupture, à l’été 2015, d’un fragile cessez-le-feu qui a sonné le glas du processus de paix pour mettre un terme au conflit qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984.