En Australie, Engie ferme l’une des centrales les plus polluantes du monde
En Australie, Engie ferme l’une des centrales les plus polluantes du monde
Par Caroline Taïx (Sydney, correspondance)
L’usine et la mine d’Hazelwood, qui emploient 750 personnes et produisent jusqu’à 5 % de l’électricité du pays, cesseront de fonctionner le 31 mars.
La centrale à charbon d’Hazelwood, dans l’Etat de Victoria en Australie, en 2009. | PAUL CROCK / AFP
L’annonce était attendue depuis des semaines en Australie malgré les démentis d’Engie (ex-GDF Suez). Le groupe énergétique français a finalement annoncé, jeudi 3 novembre, la fermeture de la centrale à charbon d’Hazelwood, dans le sud du pays. Celle-ci est souvent présentée comme la plus polluante d’Australie, et même l’une des plus sales du monde. La centrale, qui emploie 750 personnes et produit jusqu’à 5 % de l’électricité du pays, cessera de fonctionner le 31 mars.
Les défenseurs de l’environnement ont salué la nouvelle. « La fermeture d’Hazelwood est une étape importante et nécessaire. Si nous voulons répondre au changement climatique, nous avons besoin de fermer au plus vite les centrales à charbon et en premier lieu, les plus sales comme Hazelwood », a réagi Mark Wakeham, le président d’Environment Victoria. Avec ses huit cheminées de 139 mètres de haut et son immense mine à ciel ouvert, Hazelwood est vieille de plus de cinquante ans. La centrale est alimentée par du « brown coal », du lignite, le plus polluant des charbons. Hazelwood, représente, à elle seule, 15 % des émissions de gaz à effet de serre du Victoria, l’Etat dans lequel elle se trouve, et 3 % des émissions de l’Australie, l’un des plus gros pollueurs du monde par habitant.
« Le gouvernement français, qui a beaucoup travaillé pour parvenir à l’accord de Paris sur le climat [à la COP21, en décembre 2015], ne pouvait pas rester le propriétaire d’une telle centrale. C’est incompatible avec un engagement à lutter contre le changement climatique », selon Mark Wakeham.
Centrale plus rentable
Hazelwood est devenue la propriété d’Engie après le rachat par le groupe du producteur d’électricité britannique International Power, en 2010. Le géant français, dont le gouvernement est actionnaire à 33 %, détient 72 % d’Hazelwood, le reste appartenant au japonais Mitsui.
Le directeur d’Engie en Australie, Alex Keisser, a expliqué dans un communiqué que la centrale n’était plus viable économiquement. « Elle a contribué de manière formidable au marché électrique national, mais nous avons maintenant atteint le point où il n’est plus rentable de la faire fonctionner », a-t-il déclaré. Il faudrait investir « plusieurs centaines de millions de dollars » pour qu’elle soit viable et sûre.
Alex Keisser a par ailleurs annoncé la mise en vente d’une autre centrale à charbon détenue par Engie, Loy Yang B, voisine d’Hazelwood, qui emploie 200 personnes. Avec cette fermeture et ce projet de cession, Engie franchit une nouvelle étape dans son engagement à sortir du charbon, la plus polluante des sources d’énergie.
Colère des habitants
Dans l’Etat du Victoria, c’est surtout les pertes d’emploi qui ont retenu l’attention. Le premier ministre, Daniel Andrews, a déploré « un jour très très triste pour la communauté ». Environ 250 personnes continueront de travailler jusqu’en 2023 pour la réhabilitation du site d’Hazelwood. La mine, profonde de 100 mètres en moyenne, pourrait devenir un lac, selon Engie. Le gouvernement fédéral a annoncé un plan de 43 millions de dollars australiens (29,7 millions d’euros) pour soutenir les salariés et la région, qui recevront en outre 22 millions (15,2 millions d’euros) de la part du Victoria.
« Les gens sont en colère contre Engie, qui a nié jusqu’au dernier moment une fermeture », dénonce Wendy Farmer, de l’association Voices of the Valley, qui regroupe des habitants de la région. Le ressentiment remonte en réalité à février 2014. La mine avait alors pris feu et brûlé pendant six semaines. Les 14 000 résidents de Morwell, la ville où se situe Hazelwood, avaient vécu autant de temps dans la fumée, respirant le charbon qui brûlait. Depuis, des habitants sont tombés gravement malades et accusent l’incendie. Certains ont tenté de monter une action de groupe, mais elle a échoué car le lien entre le feu et la maladie est difficile à prouver. Une étude épidémiologique a cependant démarré pour identifier les conséquences de l’incendie sur la santé des habitants de la vallée. Depuis 2014, Wendy Farmer répète les mêmes mots : « Engie doit présenter ses excuses pour ces 45 jours d’incendie et assumer ses responsabilités. »
Pour le directeur d’Environment Victoria, la fermeture d’Hazelwood ouvre la voie aux investissements dans les énergies renouvelables. « Cela rendra l’Etat du Victoria plus attractif pour lancer des projets dans l’énergie propre », se félicite Mark Wakeham. En juin, l’Etat du Victoria s’est engagé à ce que 40 % de son électricité provienne des énergies renouvelables d’ici à 2025, contre 14 % aujourd’hui.