TV : « Chef’s Table » fait enfin honneur à la gastronomie française
TV : « Chef’s Table » fait enfin honneur à la gastronomie française
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Une remarquable série documentaire s’intéresse à de nombreux cuisiniers du monde entier, dont quatre Français pour sa troisième saison (sur Netflix, à la demande).
Chef's Table: France | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 01:42
La collection documentaire Chef’s Table, créée par David Gelb – le fils de Peter Gelb, le directeur du Metropolitan Opera de New York – et disponible sur Netflix, faisait, au cours de ses deux premières saisons, le portrait de quelques-uns des chefs de cuisine les plus inventifs de notre époque.
On était ainsi allé chez Massimo Bottura (de l’Osteria Francescana, à Modène), Francis Mallmann (du Restaurante Patagonia Sur, à Buenos Aires, et cuisinier itinérant une grande partie du temps) ou chez la chef Niki Nakayama (du N/Naka Restaurant, à Los Angeles), mais aussi chez de nombreux autres cuisiniers – installés à Chicago, Bangkok ou Melbourne, quand ce n’est pas dans une bourgade retirée au fin fond de la Suède… – connus pour leur critique des « traditions ».
On avait remarqué que Chef’s Table fuyait les grands noms de la cuisine contemporaine et avant-gardiste – rien par exemple sur le Danois René Redzepi dont Noma, à Copenhague, a été sacrée « meilleure table du monde » – et avait totalement battu froid les chefs français.
La troisième saison rattrape ces deux travers en ne consacrant son propos qu’à des chefs français. Parmi eux, deux grands noms internationalement connus et reconnus, Alain Passard et Michel Troisgros, accompagnés, pour ces quatre documentaires (les saisons précédentes en comptaient six) de deux jeunes confrères : Adeline Grattard (du Yam’Tcha, à Paris) et Alexandre Couillon (de La Marine, sur l’île de Noirmoutiers).
Techniques exogènes ou nouvelles
S’ils sont célèbres, Alain Passard et Michel Troisgros sont surtout les auteurs de cassures d’importance dans la tradition culinaire française : le premier en renonçant au « tissu animal », comme il aime à dire, qui avait fait la réputation de la rôtisserie de son restaurant Arpège à Paris ; le second en s’inscrivant dans une tradition de haute gastronomie, entretenue par ses grand-père, père et oncle à la Maison Troisgros de Roanne (Loire), mais parfois revisitée par l’hygiène propre à la « nouvelle cuisine ».
Les deux jeunes chefs français qui ont été retenus par les auteurs de Chef’s Table ont, comme la plupart de leurs confrères étrangers portraiturés, un regard et une pratique culinaire novateurs, qu’il s’agisse, pour Adeline Grattard, de créer une sorte de fusion entre l’Asie – où elle a travaillé et rencontré son mari – et la France, ou, pour Alexandre Couillon, de travailler les produits de la mer en leur appliquant des techniques « exogènes » ou nouvelles.
La série de David Gelb est d’un grand intérêt par l’attention qu’elle porte à des cuisiniers parfois peu connus en dehors des cercles gastronomes avant-gardistes, bobos et globe-trotteurs.
Le chef Michel Troisgros dans la saison 2 de la série documentaire « Chef’s Table ». | LUCIE CIPOLLA/NETFLIX
Plutôt chic et un rien snob, la série de documentaires est pourtant très fouillée, constamment intéressante. Proposée en version originale sous-titrée en français, elle mérite l’attention des gourmands et de tous ceux que passionnent les questions d’agriculture raisonnée, souvent évoquées par les chefs.
Le côté « arty » de ce travail sérieux et inventif – et très bien réalisé, avec des images toujours très belles et évocatrices – est même présent dans le choix des musiques qui accompagnent le propos. On trouvera ainsi, au générique, celle de Max Richter qui, comme beaucoup des chefs de cuisine sélectionnés, pratique l’art subtil et périlleux de la « fusion ».
Chef’s Table, saison 3, de David Gelb (EU, 2016, 4 x 52 min).