Football : « Noël Le Graët avait dit qu’il ne se représenterait pas » à la présidence de la FFF
Football : « Noël Le Graët avait dit qu’il ne se représenterait pas » à la présidence de la FFF
Par Rémi Dupré
Soutenu par l’ex-patron de l’OM Pape Diouf, François Ponthieu est candidat à la présidence de la Fédération française de football, en mars 2017.
Noël Le Graët, président de la FFF | Le Monde.fr
Sauf revirement de dernière minute, Noël Le Graët, 74 ans, devrait annoncer, vendredi 11 novembre, sa candidature à un troisième mandat à la présidence de la Fédération française de football (FFF). En poste depuis juin 2011, le Breton dévoilera sa décision aux dirigeants des clubs professionnels, des ligues régionales et des districts départementaux en lever de rideau du match prévu au Stade de France entre les Bleus et la Suède, dans le cadre des éliminatoires du Mondial russe de 2018.
François Ponthieu, 54 ans, n’a pas attendu la déclaration du patron du football français pour entrer dans la course – avec en ligne de mire l’élection prévue en mars 2017. Déjà candidat lors du scrutin de décembre 2012 – il avait récolté 13 % des suffrages des 266 grands électeurs contre 83 % pour le numéro 1 sortant –, cet avocat marseillais brigue une nouvelle fois la présidence de la FFF.
« Cette élection n’a rien à voir avec celle d’il y a quatre ans », estime M. Ponthieu, qui a jadis présidé (de 1997 à 2009) la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), l’instance chargée de la surveillance des comptes des clubs professionnels, avant d’être élu au conseil fédéral (2009-2010). « Je suis étonné que le président sortant se représente, il y a un vrai mouvement de fond de contestation chez les amateurs et les professionnels, qui disent “ça suffit, on en a marre de ce système un peu monarchique, dans lequel il y a un président qui décide de tout, s’occupe de tout et avec lequel la discussion n’est pas possible”. Même les clubs professionnels n’ont peut-être pas envie de réélire, revoter pour quelqu’un qui leur a fait des promesses en 2012 qu’il n’a pas tenues. »
« Cela fait 45 ans que Noël Le Graët est dans le foot »
Le juriste a décidé de sonner la charge contre Noël Le Graët, animal politique à sang froid, qui a tenu les rênes de l’En Avant de Guingamp (1972-2011), de la Ligue de football professionnel (1991-2000), avant d’être le vice-président influent et grand argentier de la FFF (2005-2011). « Il avait dit qu’il ne se représenterait pas. Il avait dit qu’il ne ferait que deux mandats », rappelle le candidat, qui feint de prendre au mot le dirigeant sortant, dont le dauphin désigné, Jacques Rousselot, se sent aujourd’hui trahi. En cas de victoire dans les urnes, François Ponthieu promet d’instaurer une limite de deux mandats de quatre ans.
« Ce poste de président de la FFF demande de l’énergie et de l’implication et il faut savoir partir à un moment ou à un autre, renchérit-il. Cela fait 45 ans que Noël Le Graët est dans le football, on a besoin d’alternance et d’un nouveau souffle à la FFF. C’est ce qui a été fait à la FIFA, à l’UEFA. On ne peut pas conserver un président qui ne serait pas porteur d’alternance aujourd’hui. Je pense qu’il vaut mieux partir cinq ans trop tôt que cinq minutes trop tard. »
S’il salue « le très bon travail accompli par Didier Deschamps avec les Bleus », François Ponthieu fait remarquer que « ce n’est pas le sélectionneur de l’équipe de France qui vote ». Puis de pointer « les choses qui ne vont pas » comme les « licenciements à la Fédération », « la féminisation qui n’avance pas vraiment » et les « baisses de subventions aux clubs ». « Noël Le Graët s’adresse à tous les publics et dit à chacun ce qu’il a envie d’entendre, ironise-t-il. Ce n’est pas comme ça qu’on peut faire avancer les choses, Il y a des discours qui sont noirs le jeudi chez les clubs pros, et blanc le vendredi dans les instances amateurs. »
« Un renouvellement nous apparaît nécessaire »
Alors qu’il préfère encore taire les noms de ses colistiers issus du monde amateur, le candidat dispose du soutien de plusieurs personnalités du foot professionnel, comme Pape Diouf, l’ex-agent influent et ancien président à succès de l’Olympique de Marseille (2005-2009), Jean-Pierre Caillot, patron du Stade de Reims (Ligue 2), Francis Collado (ex-dirigeant du RC Lens et ex-président d’Istres) et Martine Espiet Aoustin, ex-directrice administrative et financière des Girondins de Bordeaux.
Homme de réseaux et figure médiatique, Pape Diouf est, lui aussi, désireux de tourner la page Noël Le Graët. « J’ai du respect pour l’homme par rapport à ce qu’il a fait à Guingamp, à la Ligue et à la Fédération, mais un nouveau souffle, un renouvellement nous apparaissent absolument nécessaires pour apporter des idées nouvelles, aller de l’avant, sortir de cette sorte d’immobilisme, qui n’est pas non plus un élément vivifiant », estime l’ex-patron de l’OM, qui écarte toute « ambition personnelle » ou « recherche d’un poste ».
Pour évaluer le bilan de Noël Le Graët, Pape Diouf renvoie les observateurs au contexte de crise qui découlait du fiasco des Bleus lors du Mondial 2010, en Afrique du Sud : « On sortait quand même de Knysna. Les choses sont beaucoup plus faciles pour ceux qui viennent après, parce qu’il suffit de faire “chut” pour que tout le monde se taise. Plus personne n’avait envie de revivre Knysna, donc les gens étaient devenus beaucoup plus malléables, et le milieu s’est assaini presque de lui-même. »
L’ancien dirigeant phocéen reproche, en outre, à Noël Le Graët de ne « penser qu’à l’équipe de France », même s’il reconnaît « les bons résultats » obtenus par le sélectionneur Didier Deschamps, finaliste de l’Euro 2016, sous contrat jusqu’au terme du Mondial 2018 et très proche du président de la FFF. « Le football ne se limite pas à cette entité », lance-t-il, pointant « une Fédération qui est quand même fermée et qui agit par l’élite au lieu d’agir par la base ».
Comme en 2012, François Ponthieu milite pour « davantage de concertation au niveau de la pyramide FFF » et accuse Noël Le Graët d’avoir « divisé pour mieux régner », notamment lors de son bras de fer avec Frédéric Thiriez, alors patron de la Ligue de football professionnel. L’avocat marseillais insiste également sur « la mission de service public » de la FFF : « Quand on est président de la FFF on doit être impliqué dans les actions de développement de l’image du football, pour faire en sorte de créer du lien social pour les jeunes de banlieues. » Le quinquagénaire propose par ailleurs de « lier directement ou indirectement les primes versées aux joueurs de l’équipe de France à des actions effectuées au bénéfice des ligues, des districts, du football amateur et à certaines actions sociales. »
Ancien arbitre et membre de la commission d’éthique et d’appel à la Ligue de Méditerranée, François Ponthieu entend mener, dans les prochains mois, « une campagne de terrain » pour « gratter chaque voix ». Tout en admettant que ce scrutin « donne un gros avantage au président sortant ».