Dans les universités américaines, la victoire de Donald Trump inquiète
Dans les universités américaines, la victoire de Donald Trump inquiète
Le Monde.fr avec AP
Des milliers d’étudiants américains se sont réunis sur les campus pour scander « Ce n’est pas mon président ! », tandis que la communauté universitaire et scientifique craint ses sorties « antisciences ».
« Not my president ! » (Ce n’est pas mon président !) : le slogan cher aux Américains anti-Trump a retenti sur les campus des plus grandes universités des Etats-Unis, mercredi 9 novembre. De la Pennsylvanie à l’Oregon, de Washington à la Californie, de nombreux étudiants se sont joints aux manifestations qui ont suivi l’annonce de la victoire du candidat républicain.
Trump victory sparks student walkout at Berkeley High School, angry protests across California… https://t.co/zGcOgWeams
— CucusMusic (@cuscusmusic)
Lire le post de blog : Récit de ma soirée électorale dans une fac américaine
Défilés et aide psychologique
En Pennsylvanie, des centaines d’étudiants de l’université de Pittsburgh ont défilé toute la journée en reprenant le slogan et jeu de mots « Love trumps hate » (l’amour triomphe sur la haine) des meetings de la candidate défaite Hillary Clinton. Ils ont aussi proposé des câlins gratuits contre la « haine » incarnée, selon eux, par Donald Trump. Le Pitt News, le journal étudiant du campus, a pour sa part invité les étudiants à un événement intitulé « Rassemblement d’urgence : restons unis pour faire barrage au président Trump. »
Photos from Carnegie Mellon drama student-led protest of hate today, from the Point back the CMU @ThePittNews https://t.co/qFM0MXdeUy
— StephenJ_Caruso (@Stephen Caruso)
Mêmes scènes sur la Côte ouest de Etats-Unis. A Berkeley, quelque 1 500 étudiants, soit la moitié du campus, sont sortis dans la rue peu après le début des cours et ont repris le slogan « Not my president », parfois avec des personnels de l’université. Certains chantaient « Si, se puede », rapporte le Los Angeles Times, traduction en espagnol du slogan « Yes, we can » de Barack Obama. Un clin d’œil au Mexique régulièrement brocardé par Donald Trump dans ses discours anti-immigration, et dont le drapeau a été brandi sur le campus.
The hope from Berkeley High https://t.co/9TjXB8Tpmw
— MassHas (@Hasmig Minassian)
L’université Stanford n’a pas manqué à l’appel. Le journal Stanford Daily a titré sur « le campus dans la tourmente » après les élections, en rappelant qu’un service de « conseil et d’aide psychologique » post-élection était mis en place sur les différents campus.
Conseils & aide psychologique post-élection @Stanford "confidential" & "in a safe space"... Edito @Stanford_Daily l… https://t.co/a686i8MzZw
— HeleneON (@Helene Allaire)
Dans une déclaration signée par l’ensemble des chanceliers des composantes de l’université de Californie, sa présidente, Janet Napolitano, souligne la « consternation compréhensible et les incertitudes » de la communauté éducative après cette élection. Comme un message en direction de la future Maison Blanche, elle rappelle les valeurs d’une université « fière d’être un lieu de diversité accueillant, pour tous les étudiants ». Une université qui s’efforce « de mettre en place un environnement dans lequel tout un chacun peut trouver sa place », et « où l’on donne à tous les mêmes chances d’apprendre ».
« Anti-intellectualisme »
Les enseignants et dirigeants du supérieur, et les scientifiques américains, sont eux aussi apparus sonnés. « La victoire de Trump secoue le monde académique », titre le magazine spécialisé Inside Higher Ed, tandis que le Chronicle of Higher ED estime qu’une « onde de choc traverse l’enseignement supérieur après la victoire surprise de Trump », rapporte l’Agence Education Formation (AEF). Si l’American council on education, la plus grande association de dirigeants d’établissement d’enseignement supérieur a, dans un court et discret communiqué sur son site Web, « félicité » Donald Trump pour sa victoire, l’Association of american university (AAU) est restée muette.
« De nombreux leaders académiques redoutent que le nouveau président effraie les étudiants étrangers, provoque des conflits sur les campus et promeuve un anti-intellectualisme qui lui a valu un large soutien de la part des hommes blancs non-diplômés », analyse Inside Higher Education.
Le prochain locataire de la Maison Blanche n’a rien fait pour les rassurer. Il avait déjà annoncé que le département de l’éducation « jouerait un rôle réduit » sous son administration. Durant la campagne, il est surtout intervenu sur des questions de financement et de dette étudiante, et indiquait vouloir obliger les universités riches à baisser leurs frais de scolarité…
Le « premier président antiscience »
Côté chercheurs, « Trump sera le premier président antiscience de notre histoire. Les conséquences seront très très graves », a estimé le directeur des affaires publiques de la Société américaine de physique, Michael Lubell, cité par le magazine Nature. Le climatoscepticisme du futur président est, entre autres, pointé du doigt. « Même si la science n’a eu qu’un rôle de figuration dans cette campagne spectaculaire et acharnée, nombreux sont les chercheurs qui ont fait part de leur inquiétude et de leur incrédulité », commente Nature. Et le magazine de préciser que certains chercheurs envisagent déjà de « quitter le pays ».
Le magazine de vulgarisation scientifique Scientific American avait noté, fin septembre, les candidats à l’élection, en fonction de leurs réponses à un questionnaire rédigé par la communauté scientifique : Donald Trump avait obtenu un total de 4 points sur 50, contre 35 pour Hillary Clinton.
Comme un symbole, d’ici à sa prise de fonction au mois de janvier 2017, Donald Trump est susceptible de se retrouver devant la justice pour une plainte… d’étudiants. Ceux qui estiment avoir été arnaqués en s’inscrivant à son éphémère « Université Trump », censée enseigner ses secrets en matière de transactions immobilières. Le procès est pour l’instant programmé le 28 novembre.