Emmanuel Macron (enfin) candidat à l’élection présidentielle
Emmanuel Macron (enfin) candidat à l’élection présidentielle
Par Bastien Bonnefous, Cédric Pietralunga
L’ex-ministre de l’économie a choisi d’annoncer sa candidature dans un centre d’apprentissage à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Il sera jeudi et vendredi à Marseille.
Emmanuel Macron à Paris le 26 octobre. | Benoît Tessier / REUTERS
Jusqu’à présent, il marchait, maintenant, il court. Emmanuel Macron s’est (enfin) résolu à annoncer, mercredi 16 novembre, sa candidature à l’élection présidentielle de 2017. Pour le symbole, l’ex-ministre a choisi de le faire dans un centre d’apprentissage à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Une banlieue populaire pour un ancien banquier d’affaires de 38 ans, débarqué en politique depuis moins de cinq ans et qui veut casser les codes français, l’image est, à elle seule, déjà un programme.
Dans le discours d’une vingtaine de minutes qu’il prononçait mercredi matin, présenté en interne comme « une adresse aux Français », M. Macron s’en est pris aux « blocages » qui, selon lui, paralysent la France. « Le système a cessé de protéger ceux qu’il devait protéger », a-t-il insisté, dénonçant une organisation politique « qui vit pour elle-même, plus préoccupée par sa survie que par les intérêts du pays ».
Pour justifier sa candidature hors des partis traditionnels, l’ancien ministre de l’économie a également mis en avant « l’espérance » qu’il entend incarner, notamment auprès de la jeunesse. « Mon objectif n’est pas de rassembler la droite ou de rassembler la gauche, mais de rassembler les Français », a-t-il inscrit dans son discours. Une manière de répondre à la fois à ceux qui l’accusent d’être le futur fossoyeur de la gauche et à ceux qui lui reprochent de troubler la primaire de la droite en se lançant quatre jours avant son premier tour.
Aventure personnelle
Malgré ses bons sondages et une popularité qui flirte avec les 50 % d’opinions favorables, M. Macron sait que la voie est étroite. Jamais aventure personnelle comme la sienne n’a été couronnée de succès sous la Ve République. Jean Lecanuet, Alain Poher ou Michel Rocard s’y sont essayés avant lui, tous ont échoué à conquérir l’Elysée. Mais l’énarque a décidé de tenter crânement sa chance, poussé par son entourage et des élus encore peu nombreux mais dévoués à sa cause.
Pour espérer l’emporter, il n’a pas le choix de la stratégie : il doit bousculer afin de séduire le « camp des progressistes », qu’il situe indistinctivement à gauche et à droite. Il a notamment dans son viseur les 30 % de Français qui disent ne plus se sentir proches d’aucun parti politique, un potentiel bataillon qui lui donnerait une assise dans sa course.
Pour ce faire, le haut fonctionnaire entend occuper le terrain et multiplier les interventions. Deux à trois déplacements par semaine sont prévus d’ici à la fin de l’année, chacun sur une thématique précise. Jeudi 17 et vendredi 18 novembre, il sera à Marseille, où il visitera notamment un IUT situé dans les quartiers nord, là où prospère le maire FN Stéphane Ravier. Il y parlera formation, l’un de ses grands chantiers. « L’objectif, c’est de sortir le débat de la grisaille gestionnaire incarnée par les autres candidats, qui ne présentent que des mesures d’ajustement, explique un de ses proches. Parler des fondamentaux sociaux, économiques et humains, qui sont exclus de la vision comptable à l’œuvre en France. »
Conscient que sa verdeur politique peut être vue comme un défaut, M. Macron compte aussi multiplier les déplacements à l’étranger et en outre-mer, pour « muscler » son image d’homme d’Etat. Début décembre, il sera à New York, où il donnera une conférence à l’université Columbia. Il se rendra également en Allemagne, pour insister sur la nécessité de refonder l’Union européenne autour d’un noyau dur de pays. Et un voyage aux Antilles est en gestation, pour parler « transformation écologique ». « Nous ferons sans doute aussi le Maroc, l’Algérie et Israël », précise un membre de son équipe.
En se déclarant, Emmanuel Macron sait qu’il s’expose et que les poignards vont sortir des fourreaux. L’ancien patron de Bercy est devenu l’obsession première du premier ministre. « Valls n’a qu’une idée en tête : flinguer Macron », affirme un ministre. Pas question pour le chef du gouvernement que le trentenaire incarne en 2017 le renouveau en politique, quand lui en rêve depuis 2012.
« Fils politique pour Hollande »
Le 30 août, lorsque M. Macron a appelé M. Valls pour lui annoncer qu’il quittait le gouvernement, le premier ministre l’a sèchement coupé. « Tu pars pour quoi, Emmanuel ? Tu pars pour être candidat, c’est ça ? Tu n’as aucune chance ! Si tu es candidat, il y aura quand même quelqu’un du PS contre toi, il y aura Mélenchon, un candidat écolo, peut-être un communiste. Tu feras quoi ? 12 %, 15 % maximum. Tu seras battu et tu provoqueras l’élimination de la gauche. C’est ça que tu veux ? Réfléchis bien », lui a lancé M. Valls, selon des propos rapportés par son entourage.
Paranoïa ou réalité, la galaxie vallsiste a noté que les très proches du chef de l’Etat évitent toujours de dire du mal de M. Macron. Le publicitaire Robert Zarader et le conseiller de Capgemini Philippe Grangeon, deux compagnons de route de M. Hollande, ont rejoint récemment l’écurie du nouveau candidat. Ségolène Royal comme François Rebsamen, deux hollandais historiques, ont des mots affables en public pour lui. Et Julien Dray, l’ami de trente ans du président, qui a coaché M. Macron lors de son arrivée en politique à la demande de l’Elysée, évite, lui aussi, de le critiquer.
Une mansuétude qui fait penser aux pro-Valls que MM. Macron et Hollande seraient toujours de mèche, et le premier l’arme du second pour empêcher définitivement le premier ministre pour 2017. Une chose est sûre, le chef de l’Etat persiste à ne pas vouloir faire une cible de son ancien collaborateur. « Macron est une sorte de second fils pour Hollande, un fils politique, il ne le croit toujours pas capable de tuer le père », confie un soutien du président de la République.
Les hollandais vont désormais inviter le nouveau candidat à rejoindre la primaire du PS en janvier. Et si l’ancien protégé s’entête, les arguments sont prêts : M. Macron sera tenu responsable de l’élimination de la gauche dès le premier en tour en 2017. « C’est cela qu’il veut que l’histoire retienne de lui ? », prévient un ministre.
En attendant, M. Hollande ne veut créer aucune situation irréversible avec son ancien collaborateur. Il pense toujours qu’une fois qu’il aura lui-même annoncé sa candidature en décembre, M. Macron se retirera de la course et reviendra dans le giron hollandais. « On va clairement analyser sa déclaration de candidature, et regarder s’il ferme toutes les portes ou s’il évite d’insulter l’avenir », explique cet ami du chef de l’Etat.