La droite veut « restaurer son autorité » sur la jeunesse
La droite veut « restaurer son autorité » sur la jeunesse
Par Eric Nunès
Service militaire obligatoire pour les décrocheurs, baisse de l’âge de la majorité pénale des mineurs et durcissement des peines, les propositions des candidats de la primaire de droite.
Bruno Le Maire, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Jean-Frédéric Poisson et François Fillon participent au premier débat télévisé de la primaire à droite, jeudi 13 octobre. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR LE MONDE
« Jamais je n’ai vu la France dans une telle attente pour une autorité forte… » écrit Nicolas Sarkozy dans Tout pour la France, son livre programme. Ce « halte à la chienlit » version 2017 se retrouve peu ou prou chez Alain Juppé, Jean-François Copé et Jean-Frédéric Poisson. Résultat, un catalogue de mesures musclées : service militaire obligatoire pour les décrocheurs, baisse de l’âge de la majorité pénale des mineurs et durcissement des peines, contraventions pour les fumeurs de cannabis… Elles dominent nettement les dispositions destinées à soutenir les jeunes comme l’instauration d’un revenu de base de 200 euros proposé par M. Poisson.
Malgré leurs rivalités, en cas de victoire à la présidentielle de 2017, les candidats à la primaire de la droite s’accordent globalement sur la mise en place d’un arsenal juridique répressif vis-à-vis de la jeunesse qui ne reste pas dans les clous de la République. Les candidats à la candidature s’accordent sur la nécessité de mettre fin au « laxisme de la majorité socialiste », selon les mots de François Fillon. L’heure serait à la « restauration de l’autorité » pour Jean-François Copé. « La société doit sanctionner le premier délit », poursuit Nicolas Sarkozy, en parfaite harmonie avec ses anciens ministres.
Les candidats de la « droite républicaine » prévoient donc une rafale de réformes pénales avec en ligne de mire… les jeunes. « La première » de ces mesures, selon Nicolas Sarkozy : abaisser la majorité pénale à 16 ans pour que les mineurs reconnus coupables de crime ou délit soient jugés comme des adultes. En corollaire, l’ancien président annonce son intention de créer des « établissements pénitentiaires spécifiques pour les mineurs » et des établissements d’internat « à encadrement renforcé » pour les élèves perturbateurs.
Limiter les mesures éducatives
Jean-François Copé et Alain Juppé jouent la même partition et se prononcent également pour un durcissement des peines à l’encontre des jeunes délinquants et la séparation des fonctions de justice civile et pénale du juge des enfants. Il faut mettre fin à « la confusion des rôles du juge protecteur et du juge qui condamne », précise M. Juppé dans son livre programme. L’ancien premier ministre chiraquien propose également de limiter à trois les mesures éducatives. Après, c’est le passage obligé par la case prison.
Par contre, pour la répression de la consommation de stupéfiants, le maire de Bordeaux envisage de dépénaliser mais c’est pour mieux « taper au portefeuille ». Aujourd’hui, le consommateur de cannabis encourt jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 € d’amende mais les peines dures ne sont pas prononcées par les juges pour les simples usagers. Le maire de Bordeaux propose donc une simple amende « payable sur-le-champ avec information à la famille » pour simplifier la procédure et s’assurer une répression effective.
Quel que soit le vainqueur de la primaire, il n’y aura pas de « grand soir » à attendre pour la jeunesse française, mais peut-être un retour en arrière. C’est en effet en 2010 qu’Eric Ciotti, député UMP de Alpes-Maritimes, obtenait l’adoption de sa loi sur la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire. Mesure supprimée par la gauche dès son retour au pouvoir. « A 77 %, le dispositif est inefficace car l’enfant ne retourne pas à l’école », estimait en 2012 George Pau-Langevin, alors ministre chargée de la réussite éducative. Cinq ans plus tard, MM. Juppé, Fillon et Sarkozy plébiscitent son rétablissement.
Retour du service militaire
Dissonance dans cette belle harmonie des candidats à la primaire républicaine quant à leur politique jeunesse sur un point majeur, le retour d’une institution dont le président Chirac avait annoncé la fin il y a vingt ans : le service militaire. Sous différentes formes, ils sont plusieurs à appeler de leurs vœux le retour de la jeunesse sous les drapeaux.
Jean-Frédéric Poisson est ainsi favorable à la restauration du service national obligatoire, « un gage d’accession à l’autonomie pour les jeunes » selon le député des Yvelines. L’armée comme solution aux jeunes sans boussole, c’est aussi ce que préconise Nicolas Sarkozy pour les jeunes chômeurs sans formation. Nathalie Kosciuszo Morizet et Jean-François Copé voient également des vertus pédagogiques à un service de la patrie. « Trois à quatre mois d’un service civil et militaire » pour l’élue parisienne, six mois d’un service civique obligatoire pour tous, projette le maire de Meaux. Quant à Bruno Le Maire, il penche pour un service civique sur la base du volontariat. Ce qui existe déjà.
A contrario, François Fillon voit dans les résurgences militaires de ses concurrents « une utopie ». Ceux qui réclament « une discipline de fer » sont -ils « capables d’imposer les règles à leurs adolescents ? » questionne-t-il. Idem dans le camp Juppé : « il n’y a pas de volonté des jeunes d’un retour du service militaire. Leur priorité c’est travailler et se loger », rappelle un proche du maire de Bordeaux. L’appétence des candidats à la primaire pour un retour de l’armée dans le parcours de vie des jeunes viserait à « séduire la frange droitière d’un électorat nostalgique ». A Nicolas Sarkozy qui ne manque pas une occasion de rappeler l’âge de son premier adversaire, Alain Juppé a même répondu en septembre sur BFMTV que le rétablissement d’un service militaire obligatoire est « un rêve d’octogénaire ». Rompez !