Donald Trump et Barack Obama, lors de leur rencontre dans le bureau Ovale, le 10 novembre. | © Kevin Lamarque / Reuters / REUTERS

« Un pragmatique » et non pas « un idéologue ». Au cours de sa première conférence de presse depuis l’élection présidentielle, mardi 15 novembre, le président sortant, Barack Obama, est revenu sur la personnalité de son successeur, Donald Trump, et a tenté de se montrer rassurant. « Je crois qu’au bout du compte, c’est un pragmatique. Et cela peut lui être utile, à partir du moment où il a de bonnes personnes autour de lui et qu’il sait clairement où il va », a-t-il avancé.

Les faits, depuis l’élection du 8 novembre, semblent lui donner raison. Après une campagne électorale faite de promesses-chocs, voire irréalisables, le président élu commence à revenir sur certaines d’entre elles.

  • L’« Obamacare », abrogé ou seulement amendé ?

C’est l’une des réformes-phares de l’ère Obama. Cette loi votée en 2010 après de longues batailles politiques au Congrès vise à réduire le nombre d’Américains dépourvus de couverture santé notamment en instituant un système de police d’assurance subventionné par l’Etat. Mais son fonctionnement est aujourd’hui très critiqué à cause notamment de ses effets secondaires. Les Américains devront en effet payer l’année prochaine en moyenne 25 % de plus pour les primes d’assurance souscrites dans le cadre de l’« Obamacare ». L’afflux dans le nouveau système de patients en mauvaise santé a en effet fait grimper les coûts.

Sa suppression était l’un des fleurons des programmes des différents candidats républicains. M. Trump qui avait également promis à plusieurs reprises qu’il abrogerait cette « horrible chose », s’est montré moins ferme dès sa première rencontre avec le président sortant, le 10 novembre. Dès le lendemain, il commençait à revenir sur sa promesse dans une interview au Wall Street Journal : « Obamacare sera soit amendée, soit abrogée, soit remplacée », a-t-il précisé avant d’ajouter, en parlant de son prédécesseur : « Je lui ai dit que j’allais étudier ses suggestions, et par respect, je le ferai. »

M. Trump songe désormais à conserver deux aspects de l’« Affordable Care Act », le nom technique de l’« Obamacare » : l’interdiction faite aux assureurs de refuser un patient en raison de son état de santé et la possibilité pour des parents de faire bénéficier plus longtemps leurs enfants (jusqu’à leurs 26 ans) de leur couverture santé.

Mais quelques jours plus tard, le président du Parti républicain, Reince Priebus, nommé secrétaire général de la Maison Blanche par le milliardaire, a adopté une position bien plus ferme. « Je vais travailler à créer une économie qui marche pour tout le monde, à sécuriser nos frontières, à abroger et remplacer (la réforme de l’assurance santé) Obamacare et à détruire le terrorisme radical islamique », a-t-il avancé dans un communiqué, dimanche.

  • 11 millions, 5 millions, 2 millions… combien de migrants illégaux seront-ils expulsés ?

Durant la campagne, le candidat qui sera investi président le 20 janvier s’était montré très ferme. Après s’être engagé à expulser la totalité des onze millions d’immigrés sans papiers présents aux Etats-Unis, parfois depuis des décennies, il a ensuite donné un objectif de « 5 à 6,5 millions » d’expulsions. Avant de revoir à nouveau ses ambitions à la baisse en indiquant, fin août, ne vouloir expulser que « les mauvais », c’est-à-dire les délinquants, sans donner de données précises.

Dans une interview accordée à la chaîne CBS, le 14 novembre, M. Trump a donné un nouveau chiffre, encore plus bas que les précédents.

« Ce que nous allons faire, c’est prendre les gens qui sont des criminels et qui ont des casiers judiciaires, qui appartiennent à des gangs, qui sont des trafiquants de drogue (…), sans doute 2 millions, ça peut aussi être 3 millions (de personnes), nous allons les renvoyer du pays ou nous allons les mettre en prison. »

Un ordre de grandeur finalement proche de celui des années Obama : depuis 2009, l’administration démocrate a expulsé 2,4 millions de personnes séjournant illégalement dans le pays. Mais il s’agissait en majorité de migrants détenus à la frontière, et non de personnes déjà installées aux Etats-Unis.

  • Le mur avec le Mexique, « un simple outil de campagne » ?

Dans la lignée de sa position très dure sur l’immigration illégale, le candidat Donald Trump avait promis de construire un mur le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Un édifice de plusieurs milliers de kilomètres financé « à 100 % » par les Mexicains et qui viendrait renforcer la barrière non continue de murs et de clôtures longue de 930 kilomètres, construite en 2006. C’était l’un de ses leit-motiv devenu quasiment un slogan : durant tous ses meetings, il haranguait la foule en scandant « Build the Wall ».

Est-il, là aussi, déjà en train de faire machine arrière ? Il parle en tout cas désormais de mettre en place à certains endroits des « clôtures » et non plus un mur en béton sur toute la frontière. Concernant le financement, l’ancien chef de la Chambre des représentants et membre de l’équipe de transition, Newt Gingrich, a suggéré cette semaine que le mur ne serait probablement pas financé par le Mexique et a même affirmé que cette proposition « était un super-outil de campagne ».

  • M. Trump baisse-t-il d’un ton face à l’OTAN ?

Alors que les Etats-Unis assurent les deux tiers des dépenses militaires de l’OTAN, le nouveau président avait déclaré durant sa campagne qu’il pourrait mettre des conditions à l’engagement américain dans l’Alliance atlantique. Face à cette menace de se retirer, l’Union européenne a commencé à prendre les devants et certaines capitales, dont Paris et Berlin, ont souhaité accélérer le partage de moyens militaires.

Mais comme pour l’« Obamacare », la rencontre avec Barack Obama a semble-t-il assagi M. Trump. Au cours d’une conférence de presse, le président sortant a assuré que son successeur a soutenu une OTAN forte lors de leur entretien et qu’il avait exprimé « un grand intérêt dans le maintien de nos relations stratégiques les plus importantes ».

  • L’accord sur le nucléaire sera-t-il vraiment « déchiré » ?

C’est l’un des points forts du bilan de Barack Obama sur la scène internationale. L’accord sur le nucléaire iranien a été signé entre l’Iran et le groupe 5 + 1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, et Allemagne sous l’égide de l’UE) en juillet 2015. Mais durant la campagne, au diapason des républicains, M. Trump a qualifié ce texte de « pire accord jamais négocié » et a promis de le « déchirer ».

La donne semble différente depuis qu’il a gagné l’élection présidentielle. Au cours d’une interview à la BBC, jeudi, le conseiller du président élu en politique étrangère Walid Phares est revenu sur cette proposition : « Déchirerest peut-être un terme un peu fort. Il va le réexaminer, l’envoyer au Congrès, exiger des Iraniens qu’ils changent quelques points et il y aura une discussion. »

De toute façon, une telle décision unilatérale concernant un accord signé à plusieurs paraît impossible, selon le chercheur et lobbyiste irano-américain Trita Parsi, qui a publié une tribune vendredi sur le site Foreign Policy, estimant que « les Etats-Unis ne peuvent pas annuler ou amender l’accord de manière unilatérale sans violer le droit international. »

  • M. Trump confirme sa position anti-avortement

Mais il est des sujets sur lesquels M. Trump reste constant. Lors de l’entretien accordé à la chaîne NBC dimanche, il a ainsi réaffirmé ses convictions anti-avortement et pro-armes à feu, estimant qu’il revenait à chaque Etat de choisir sa législation. Il a aussi confirmé qu’il nommerait à la Cour suprême un juge conservateur. « Je suis pro-life et les juges seront pro-life », a-t-il prévenu, avant de préciser qu’ils seront aussi « favorables au deuxième amendement » de la Constitution, qui fait de la détention d’arme un droit pour chaque citoyen américain.

Durant les premiers mois de son mandat, M. Trump va devoir nommer un juge à la Cour suprême pour occuper le siège d’Antonin Scalia, mort en février. Les juges conservateurs pourraient donc rester majoritaires dans cette institution qui a un pouvoir déterminant sur les questions de société.

En revanche, M. Trump n’a pas l’intention de remettre en cause le mariage homosexuel, légalisé par cette même instance, en juin 2015. « C’est la loi (…) cela me convient », s’est-il contenté de commenter, dimanche.