TV : « Les Grands », ris et jeux au collège
TV : « Les Grands », ris et jeux au collège
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. OCS propose une série française en milieu collégien d’une rare justesse de ton, entre comédie et drame (à la demande).
Les dix épisodes (courts, d’environ 20 minutes) des Grands, nouvelle série produite par OCS, sont rendus disponibles, à la manière de Netflix, d’un seul tenant, sur OCS Go, le site de rediffusion à la demande d’OCS, le réseau câblé cinéma-séries d’Orange.
OCS, connue pour ses accords avec la chaîne nord-américaine HBO et ses diffusions de séries US de haut vol, propose cette fois – qui n’est pas la première : Irresponsable, Lazy Company, etc. – du « fait maison », avec des acteurs, réalisateurs et producteurs français.
Les Grands, c’est l’histoire d’un groupe de collégiens, en classe de 3e dans un établissement qui n’est pas précisément situé. On le dirait provincial – le lieu dans lequel il a été tourné est sis dans la périphérie de Tours –, car il y règne un calme plutôt bon enfant qui n’a rien à voir avec ce que connaissent certains établissements scolaires de grandes villes et de leurs banlieues.
D’ailleurs, Les Grands ne montrent pas une population « black-blanc-beur » et les rôles principaux sont tenus par de jeunes acteurs blancs, plus rarement métis (comme celui du jeune Yliès). On aperçoit bien, sur la photo de classe, une jeune fille noire, mais c’est à peu près tout. On se permettra de trouver ce refus du politiquement correct assez courageux, alors qu’on pourrait reprocher aux Grands de masquer les minorités dites visibles.
Mais Les Grands sont pourtant de leur temps, avec des familles homoparentales, des profs et des responsables d’établissement cools, un peu foldingues (la professeure de sport !) et s’essayant à être à la page. Autre grand moment, à mourir de rire : quand les parents paraissent, pour un conseil de classe où leur progéniture eût préféré qu’ils ne parussent point…
« Les Grands ». | EMPREINTE DIGITALE
Une drôlerie irrésistible
La série donne d’emblée l’impression d’un déjà-vu du côté de la série britannique Skins (2007-2013), et encore plus lorsqu’apparaît, collée à un tronc d’arbre, « MJ », très grande pour ses 15 ans, sosie de la troublante Effy de Skins. On jurerait retrouver aussi Cassie, quand apparaît le personnage de l’attachante et maladroite Avril…
Il y a aussi, comme dans Skins, le petit complexé (ou anciennement complexé) à bonnet, le tombeur qui se la joue alors qu’il est toujours puceau, les gays un pied trois quarts dans le placard, les brutes qui tyrannisent les timides, les fausses bonnes copines qui se traitent de « sale pute », la jeune fille désespérée que la cruauté de ses camarades conduit à une tentative de suicide, etc.
Cette référence à Skins, d’ailleurs revendiquée par les auteurs et le réalisateur, n’empêche pas cette minisérie française – dont la deuxième saison est actuellement en tournage – de trouver vite son ton propre, d’une drôlerie souvent irrésistible, qui compose assez subtilement avec la finesse des situations et des dialogues.
Si le vocabulaire et les situations sont crus, on est assez loin de l’esprit et des images hautement trash et explicites de Skins (qui avaient conduit les très puritains Etats-Unis à en refuser la diffusion, remplacée par un remake made in USA).
Ces ris et ces jeux, parfois cruels et dramatiques, d’adolescents taraudés et égarés par leur puberté récente, entourés d’adultes qui n’ont pas plus qu’eux les clés du sens de la vie, sont un vrai bonheur, avec une distribution et une réalisation d’une rare justesse.
Les Grands, de Joris Morio, Benjamin Parent, Vianney Lebasque et Victor Rodenbach (Fr. 2016, 10 × 20-23 min.). Avec Adèle Wismes, Théophile Baquet, Grégoire Montana, Sami Outalbali (Fr., 2016, 10 × 20-23 min.).