Voyage végétal à l’abbaye de Royaumont
Voyage végétal à l’abbaye de Royaumont
Par Lucien Jedwab
Entièrement restaurée, l’abbaye francilienne célèbre son éclat retrouvé avec une exposition, en ses jardins, sur les migrations des plantes au Moyen Âge.
L’abbaye rénovée a été fondée en 1228 par Louis IX. | YANN MONEL/ABBAYE DE ROYAUMONT
Se dressant depuis près de 800 ans dans le nord de l’Île-de-France, l’abbaye cistercienne de Royaumont vient de faire l’objet d’une spectaculaire campagne de restauration. La toiture a été entièrement refaite, et le très beau bâtiment des moines a été rénové. Une cuisine ultramoderne a été aménagée dans une salle voûtée, afin de pouvoir servir des plats gourmands (en attendant la possibilité de séjourner dans des chambres simples mais confortables). Le Jardin des neuf carrés – que les paysagistes ont voulu « d’inspiration médiévale » – accueille pour trois ans une nouvelle exposition végétale : « Entre Orient et Occident : le voyage des plantes au Moyen Âge ».
Fondée par Louis IX (le futur Saint Louis n’avait que 14 ans), l’abbaye a connu de nombreuses vicissitudes : la guerre de Cent Ans, de mauvais coups de la foudre et quelques incendies dévastateurs. De reconstructions en démolitions, elle sera transformée en filature de coton après la Révolution. Elle reprendra sa vocation religieuse (et un peu d’aplomb) au XIXe siècle.
Les plantes, ces grandes voyageuses
Entré par la suite en possession de la famille Goüin (actionnaire de la Société de construction des Batignolles), Royaumont sera dévolu, dès l’époque du Front populaire, aux artistes et intellectuels démunis. Aujourd’hui, c’est une fondation qui soutient la carrière de musiciens en résidence et organise, en saison, des concerts et des événements artistiques.
Le Jardin des neuf carrés des paysagistes Olivier Damée et Edith Vallet. | YANN MONEL/ABBAYE DE ROYAUMONT
Le Jardin des neuf carrés a été créé en 2004 par les paysagistes Olivier Damée et Edith Vallet. Des tresses d’osier vivant en délimitent l’espace, alors que les carrés de culture, rehaussés, sont entourés d’un entrelacs de longues tiges de châtaigner (ou plessis). L’exposition actuelle nous apprend que l’ail, la rhubarbe, la pivoine, le gingembre ou le chrysanthème sont venus d’Orient avec les légions romaines, les caravanes des Routes de la soie ou dans les malles de Marco Polo. Et que l’angélique, l’oseille, le perce-neige ou le pavot somnifère ont fait le voyage en sens inverse.
Les variétés médicinales, alimentaires ou ornementales exposées se laissent regarder ou sentir, mais il est déconseillé de les toucher : certaines sont toxiques ! Le figuier qui occupe le carré central rappelle que les plantes n’ont cessé de voyager – en l’occurrence d’Asie occidentale à tout le Bassin méditerranéen, avant de se répandre en Inde ou en Chine.
Un potager expérimental
Redessiné en 1912 par le célèbre paysagiste Achille Duchêne, le jardin du très spectaculaire cloître, qui a la particularité d’être légèrement rectangulaire, a été rénové en 2010. Une œuvre permanente de l’artiste plasticien Yann Toma anime à intervalle régulier le bassin octogonal, entouré de sobres parterres bordés de buis.
Le potager-jardin, avec la cabane du jardinier. | YANN MONEL/ABBAYE DE ROYAUMONT
Le potager-jardin, étendu sur 9 000 m², a été commandé aux paysagistes Astrid Verspieren et Philippe Simonnet. Expérimental, il est en partie constitué de « cellules potagères » délimitées par de discrètes clôtures ou des plantations de graminées. Justine Marin, experte jardinière et maraîchère, privilégie la régénération spontanée et le réensemencement naturel, et limite l’arrosage au minimum. Son projet est d’inspirer – et d’approvisionner – le restaurant de l’abbaye avec sa production de fruits et légumes en réhabilitant des légumes disparus, comme le navet de Viarmes. Clin d’œil à la pierre de l’édifice multiséculaire, la « cabane du jardinier », tout en bois, se fond avec élégance au milieu du « paysage », non loin de belles serres de verre et de métal, entièrement rénovées elles aussi.
Ouvert tous les jours, toute l’année, de 10 heures à 18 heures (17 h 30 en hiver). Visites guidées tous les week-ends. Visites-concerts de l’orgue les dimanche 20 novembre et 11 décembre, à 15 h 30. Bar - salon de thé tous les week-ends, les jours fériés et pendant les vacances scolaires, de 12 heures à 17 h 30. Accès, programme et tarifs sur www.royaumont.com