Antiterrorisme : l’UE resserre les rangs
Antiterrorisme : l’UE resserre les rangs
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Les échanges d’informations et le contrôle des frontières ont été améliorés depuis les attentats de Paris et de Bruxelles.
Le commissaire européen à l’immigration et aux affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, avec des gardes-frontières européens, à la frontière turco-bulgare, | DIMITAR DILKOFF / AFP
Un an après les attentats de Paris et huit mois après ceux de Bruxelles, l’Union européenne paraît – enfin – avoir pris conscience du phénomène terroriste, et elle a agi plus vite que d’habitude. C’est le constat que devaient dresser, vendredi 18 novembre, les 28 ministres de l’intérieur de l’UE avant d’examiner le suivi de la vaste batterie de mesures envisagées. Car au-delà des décisions prises, il faut s’assurer qu’elles seront rapidement mises en pratique, ce qui est un autre défi. D’autant que la menace reste évidente : le renforcement de la coopération a abouti, depuis un an, à quelque 4 000 signalements de combattants européens, dont 2 500 dans les zones de conflit, et environ 9 000 mentions de personnes soupçonnées de radicalisme.
« Je ne peux pas en vouloir à ceux qui restent sceptiques, mais les attaques qui ont eu lieu ont vraiment constitué un réveil pour beaucoup d’Etats », explique le commissaire aux affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos. « L’UE et ses Etats membres ont avancé à marche forcée et je n’aurais pas imaginé, il y a trois ou quatre ans, qu’ils iraient aussi vite », ajoute Gilles de Kerchove, le coordinateur de la lutte antiterroriste de l’UE.
Vers une banque de données unique
L’un des changements les plus spectaculaires, confirmé par des professionnels, concerne les échanges d’informations entre les services de renseignement nationaux, l’une des grandes lacunes mises en évidence lors des attentats de Paris, notamment. « Il y a plus de compréhension et d’appétit pour le partage », assure M. Avramopoulos. Un Centre européen de lutte antiterroriste (ECTC) est en cours de renforcement à l’agence de police communautaire Europol, à La Haye, et devrait devenir « la plate-forme par excellence » pour fournir l’analyse et un soutien opérationnel, coordonner les échanges d’informations et planifier des opérations conjointes, indique le commissaire grec.
« Europol et Eurojust [l’unité de coopération judiciaire de l’UE] sont rapidement impliqués dans les affaires en cours, et cela ne s’était vu qu’une fois par le passé, lors de l’attentat suicide commis en Bulgarie contre des touristes israéliens, en 2012 », ajoute M. de Kerchove. L’appel à une « coopération structurée » formulée par les chefs d’Etat en 2015 paraît avoir été entendu. Un « groupe de haut niveau » constitué par la Commission vise, par ailleurs, à améliorer l’interopérabilité des banques de données, avec l’objectif d’arriver, si possible, à un seul grand fichier.
Le contrôle des frontières extérieures a également connu des améliorations notables. Les prélèvements d’empreintes sont désormais la règle dans les « hot spots », les centres d’enregistrement des migrants. « Notre objectif est de réaliser des contrôles systématiques », confirme M. Avramopoulos. Des spécialistes d’Europol, d’Eurojust et du nouveau corps européen de gardes-frontières (anciennement Frontex) y coopèrent avec des spécialistes nationaux de la sécurité. « Il y a un an, les mondes de la migration et de la sécurité ne se parlaient pas », insiste M. de Kerchove.
Enregistrement des voyageurs dispensés de visa
Un système de contrôle à l’entrée et à la sortie pour tous les ressortissants de pays tiers a été mis en œuvre et un nouveau projet, Etias, imposera – à partir de 2020 en principe – un enregistrement préalable à toutes les personnes pouvant actuellement voyager vers l’Europe sans visa. « Cela comblera notre manque actuel d’information », explique M. Avramopoulos.
Le « grand puzzle » qu’il décrit doit être complété mais les négociations entre la Commission, les Etats et le Parlement ne sont pas toutes clôturées. Ces initiatives concernent l’acquisition et la détention d’armes, la sanction des terroristes et de ceux qui les soutiennent au plan logistique, financier et opérationnel. Le contrôle systématique des Européens aux frontières reste également en débat.
Le commissaire poursuit aussi ses discussions avec les grandes entreprises du Web pour tenter de mieux lutter contrer la radicalisation. La prévention de celle-ci, le risque de cyberterrorisme et le soutien aux efforts de première ligne pour identifier des « loups solitaires » sont les autres enjeux des années à venir.