Environnement, éducation, fonctionnaires : les intox du troisième débat de la primaire à droite
Environnement, éducation, fonctionnaires : les intox du troisième débat de la primaire à droite
Par Anne-Aël Durand, Alexandre Pouchard, Adrien Sénécat
Tour d’horizon des erreurs des candidats lors du troisième débat de la primaire de la droite.
Les candidats à la primaire de la droite lors du troisième débat, le 17 novembre. | Jean-Claude Coutausse / french-politics pour "Le Monde"
C’était le troisième et dernier débat avant le premier tour de la primaire à droite. Les sept candidats au scrutin se sont confrontés jeudi 17 novembre sur France 2 et Europe 1. Des échanges parfois vifs, accompagnés également de quelques contre-vérités. Florilège.
Nicolas Sarkozy minimise la pollution en France
CE QU’IL A DIT
« Nous sommes le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre. »
POURQUOI C’EST FAUX
Si l’on prend en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, la France se classe, par sa taille, parmi les pays les plus polluants d’Europe, selon les statistiques de l’Insee pour l’année 2013 établie à partir des données de l’agence européenne pour l’environnement.
Si l’on rapporte la pollution au nombre d’habitants, l’affirmation reste erronée. La France a émis en moyenne 7,35 tonnes de CO2 par habitant en 2013. C’est certes moins que l’Allemagne (11,43) ou lu Luxembourg, pays le plus polluant (20,82). Mais c’est plus que le Portugal (6,67), la Roumanie (6,02) ou la Suède (5,9).
La grosse ficelle de François Fillon sur la sélection en master
CE QU’IL A DIT
« On est le seul pays où on est en train de créer un droit au master. »
POURQUOI C’EST TRÈS EXAGÉRÉ
François Fillon fait, semble-t-il, référence à un avis du Conseil d’Etat de février qui jugeait illégale la sélection en master, hormis dans les formations comprenant une liste limitative (comme la médecine). L’instance avait été saisie par un étudiant qui avait été bloqué entre la première et la deuxième année de son master.
Mais en mai, un décret a été publié pour légaliser la sélection en deuxième année. Le gouvernement a ensuite profité d’une proposition de loi centriste pour réformer les conditions d’accès en master, après une concertation avec la communauté universitaire qui instaure une sélection en master à partir de la rentrée 2017, mais avec une barrière dès la première année et non pas au cours du cursus. Les étudiants recalés auront des recours, mais limités. Il n’y aura donc pas de droit automatique des étudiants à s’inscrire au master souhaité, contrairement à ce que laisse entendre l’ancien chef du gouvernement.
Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web
L’intox de Nicolas Sarkozy sur la pollution allemande
CE QU’IL A DIT
« Quand je vois que les Allemands viennent de rouvrir toutes les centrales à charbon qui envoient leurs particules jusqu’à Paris, qui nous inondent… »
POURQUOI C’EST FAUX
L’affirmation de Nicolas Sarkozy est pour le moins hâtive. D’abord, comme nous vous l’expliquions en 2014, l’affirmation selon laquelle la pollution allemande inonderait la capitale doit être relativisée. Seulement 39 % des émissions de particules fines mesurées dans les stations Airparif en 2011 proches du trafic routier sont importées d’autres régions que l’Ile-de-France et de pays étrangers. Par ailleurs, la part exacte de l’Allemagne dans cette pollution est difficile à évaluer précisément.
Quant à la prétendue explosion de la production d’électricité au charbon ces dernières années, qui serait liée à la sortie du nucléaire, c’est exagéré. L’Allemagne peine à sortir du charbon, ce qui la pénalise pour remplir ses objectifs climatiques, mais la part de ce dernier dans la production en électricité est restée stable, à un niveau certes élevé (autour de 40 %) quand celle des énergies renouvelables se situe désormais autour de 30 %, après plusieurs années de forte croissance – en France, ce niveau se situait à 17,4 % en 2015.
Alain Juppé, François Fillon et le nombre de fonctionnaires
CE QU’IL A DIT
Alain Juppé, qui lui-même propose de supprimer entre 200 000 et 300 000 postes de fonctionnaires, s’en est pris à l’objectif de François Fillon en la matière qu’il juge irréaliste :
« Le chiffre de 500 000 fonctionnaires n’est pas crédible. Si on supprime 500 000 postes, on ne recrute pas d’infirmières, pas de policiers, et ça, c’est juste impossible. »
François Fillon, quant à lui, a défendu sa proposition, assurant au contraire qu’elle était tout à fait réaliste, vantant les bienfaits du passage aux 39 heures qui « permet de réduire de 500 000 » le nombre d’emplois publics.
C’EST PLUS COMPLIQUÉ
Difficile de départager les deux candidats dans cette opposition. En réalité, tout est question de point de vue. Techniquement, il est « possible » de supprimer autant d’emplois publics que ce que propose François Fillon. En effet, autour de 116 000 fonctionnaires sont partis à la retraite en 2015, selon les chiffres gouvernementaux. Si cette tendance se poursuit, autour de 550 000 à 600 000 partiront entre 2017 et 2022.
On peut donc imaginer supprimer 500 000 postes en ne remplaçant pas ses départs, d’autant qu’il est également possible de supprimer également certains contrats temporaires lorsqu’ils arriveront à échéances, comme nous l’expliquait l’entourage de François Fillon lundi 14 novembre.
Néanmoins, Alain Juppé n’a pas tout à fait tort de souligner les conséquences de la politique proposée par François Fillon : sa proposition suppose bien de ne recruter aucun fonctionnaire ou très peu pendant cinq ans.