Fraude fiscale : vers une rémunération des lanceurs d’alerte
Fraude fiscale : vers une rémunération des lanceurs d’alerte
LE MONDE ECONOMIE
La France devrait bientôt rémunérer les lanceurs d’alerte en matière de fraude fiscale, sous réserve que ceux-ci dénoncent des cas suffisamment importants.
Michel Sapin, ministre des finances et Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, lors du débat sur le projet de loi de finances 2017 à l'Assemblée nationale, le 19 octobre. | Jean-Claude Coutausse/French-Politics pour "Le Monde"
C’est presque fait. Comme l’Allemagne et le Danemark, la France devrait bientôt rémunérer les lanceurs d’alerte en matière de fraude fiscale, sous réserve que ceux-ci dénoncent des cas suffisamment importants de grande fraude internationale passant par les paradis fiscaux.
Le gouvernement, par l’entremise du ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, et du secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, devrait en faire la proposition à l’occasion de l’examen à l’Assemblée nationale d’un amendement sur le sujet au projet de loi de finances 2017.
Cet amendement, notamment porté par les députés socialistes Valérie Rabault et Richard Ferrand et adopté en commission des finances début novembre, vise à permettre à l’administration fiscale de payer les personnes qui dénoncent des comportements frauduleux en matière d’impôts. Le gouvernement y est favorable sur le fond, mais souhaite en limiter la forme afin qu’il ne s’agisse pas « de dénoncer son voisin », souligne-t-on à Bercy, mais de révéler des scandales de fraude fiscale internationale, sophistiqués ou à grande échelle.
Une idée étrangère à la tradition française
L’idée est donc de trouver un terrain d’entente avec les députés sur les contours d’une telle réforme. La rémunération de personnes dénonçant des fraudes à l’impôt, telle qu’elle se pratique déjà dans plusieurs pays étrangers, ne fait pas partie de la tradition française. Et ce, alors même que les services de police et de gendarmerie, ainsi que les douanes, disposent, pour leur part, de la possibilité d’acheter des renseignements.
Mais ces derniers mois, face à la multiplication des affaires de fraude et d’évasion fiscales, notamment révélées par la presse (« SwissLeaks », « Panama papers », etc.), l’idée de payer les lanceurs d’alerte a fait son chemin.
La France n’est d’ailleurs pas le seul pays à y songer ; la Belgique vient par exemple de mettre en place un groupe de travail ad hoc au sein de l’Inspection spéciale des impôts pour tirer le bilan des expériences allemande et danoise.
Une telle réforme marquerait une rupture en France et permettrait, selon ses partisans, de donne un coup d’accélérateur à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Aujourd’hui, dans le cadre de sa mission, l’administration fiscale reçoit de nombreuses dénonciations de comportements frauduleux, mais, comme le soulignent les députés à l’origine de l’amendement, aucune base légale ne permet d’indemniser ces « indics ».
Grands risques
En outre, ajoutent les parlementaires, les affaires HSBC, UBS et « Panama papers » ont montré que des personnes prennaient de grands risques pour dénoncer des montages de fraude sophistiquée. « Une divulgation de ces informations en échange d’une indemnité est tout à fait légitime », estiment-ils. La rémunération des lanceurs d’alerte pourrait être effective dès le 1er janvier 2017.
A titre d’exemple, précisent les députés, à bon entendeur, « de 2010 à 2016, le Land allemand de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie a acheté onze CD ou clés USB à des banques aux pratiques indélicates. Coût total de 18 millions d’euros pour un retour sur investissement de plus de 6 milliards d’euros pour le budget fédéral ; 2,1 milliards d’euros pour les seules finances de la région ».