Droit à l’avortement : le double langage du camp Fillon
Droit à l’avortement : le double langage du camp Fillon
Par Alexandre Lemarié
Les soutiens de François Fillon, favori du second tour de la primaire de la droite, tentent d’éteindre la polémique sur son positionnement, tout en tenant des propos ambigus.
Alain Juppé a manifestement réussi à déstabiliser François Fillon, en l’accusant de vouloir remettre en cause le droit à l’avortement. La preuve : les fillonistes ont consacré leur traditionnel point presse hebdomadaire à cet unique sujet, avec l’objectif de clore la polémique et de dissiper les doutes sur la position du député de Paris. Le maire de Bordeaux a demandé à son rival, mardi 22 novembre, sur Europe 1 de
Juppé appelle Fillon à « clarifier sa position » sur l’avortement
Durée : 00:40
Pour l’occasion, plusieurs représentantes du réseau Les femmes avec Fillon avaient été appelées à la rescousse au QG de campagne du candidat. Autour du porte-parole, Jérôme Chartier, qui a dénoncé « une polémique honteuse », toutes ont fustigé avec la plus grande force les attaques du camp adverse. « François Fillon est injustement calomnié, caricaturé, vilipendé sur cette question de l’avortement », a ainsi déclaré sa porte-parole Valérie Boyer. « François Fillon n’a jamais remis en cause le droit des femmes », a-t-elle aussi affirmé, avant de lancer : « Circulez, il n’y a rien à voir car il n’y a pas de sujet. »
« Le sujet est clos »
Les autres élues présentes ont à leur tour affiché leur volonté de tuer dans l’œuf cette polémique naissante, qui peut avoir pour effet de mobiliser l’électorat modéré contre M. Fillon dimanche. « Il faut rapidement cesser d’en parler. Cette conférence de presse a pour but de clore ce sujet », a reconnu la députée du Doubs Annie Genevard. « Le sujet est clos », a voulu croire la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas.
Alors que l’opération visait à clarifier la position du favori, certains propos tenus par ses partisanes n’ont pourtant pas contribué à lever les ambiguïtés sur la position de M. Fillon. Au contraire… Après avoir assuré que son candidat ne compte « pas remettre en cause le droit à l’avortement », la députée d’Ille-et-Vilaine, Isabelle Le Callennec, a lâché : « On ne peut pas banaliser l’IVG. Cela reste un acte qui n’est pas anodin. Chacun a ses convictions personnelles. » Interrogé sur le fait de savoir si l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un « droit fondamental », elle a répondu par la négative : « C’est un droit qui est inscrit dans la loi. » Avant d’exprimer son agacement vis-à-vis des journalistes : « Ne cherchez pas à aller plus loin sur ce sujet car cela n’en est pas un. »
Mardi matin, sur Europe 1, le maire de Bordeaux a interpellé son rival sur ce sujet précis : « Il y a des points sur lesquels j’aimerais bien que François Fillon clarifie sa position, par exemple sur l’interruption volontaire de grossesse. Il a commencé par dire dans son livre que c’était un droit fondamental de la femme, puis il est revenu sur cette déclaration dans un débat qu’il a eu devant un certain nombre de ses supporters. Quelle est sa position ? » Le 22 juin à Aubergenville (Yvelines) lors d’une réunion publique, M. Fillon déclarait : « J’ai écrit (dans mon livre) que l’avortement était un droit fondamental. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, c’est que c’est un droit sur lequel personne ne reviendra. Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement. »
Entretenir le flou
Mais Mme Le Callennec n’a pas été la seule à tenir des propos ambigus sur le sujet. Prenant la parole après elle, Florence Portelli, maire LR de Taverny (Val-d’Oise) et porte-parole de campagne, a renforcé l’idée que M. Fillon n’était pas un farouche partisan du recours à l’IVG. « L’avortement est une exception et on ne peut pas considérer que c’est un moyen de contraception. C’est un traumatisme de se faire avorter. Heureusement que cela existe pour beaucoup de situations mais heureusement aussi qu’on n’en fait pas l’alpha et l’omega », a déclaré Mme Portelli, en assurant que « la position de François Fillon est parfaitement claire ».
Pas sûr que les explications des fillonistes aient levé les ambiguïtés sur la position du favori du second tour de la primaire à droite sur l’IVG. Des ambiguïtés renforcées par les propos tenus par Jean-Frédéric Poisson, éliminé dimanche, pour justifier son ralliement à M. Fillon. Dans un entretien au Figaro, le successeur de Christine Boutin à la tête du Parti Chrétien démocrate explique avoir choisi de soutenir le député de Paris au nom de « la politique familiale et l’accueil de la vie ».
A moins que le but soit justement d’entretenir le flou, en pariant sur le fait que cela se révélera payant dans les urnes… C’est ce qu’explique un membre de l’équipe de l’ex-premier ministre, sous couvert de l’anonymat : « Les réserves de Fillon sur l’IVG plaisent à l’électorat de droite. La preuve, il a fait 44 % dimanche dernier », se targue cet élu, de manière cynique. Comme si finalement, cette polémique était un mal pour un bien pour M. Fillon. Son équipe fait en tout cas le pari qu’elle pourra renforcer les positions du candidat auprès de l’électorat catholique.