On a testé pour vous le Blu-ray 4K… et on s’est perdu en chemin
On a testé pour vous le Blu-ray 4K… et on s’est perdu en chemin
Par Nicolas Six
Le nouveau disque vidéo, très attendu, doit libérer le potentiel des télévisions 4K. Mais nous avons échoué à prendre du plaisir avec le Blu-ray 4K. Récit de notre fiasco et de nos doutes sur cette coûteuse technologie.
Cela faisait des années qu’on attendait ça : une vraie séance de home cinéma en 4K, qui exploite pleinement la résolution de la 4K, quatre fois plus riche en pixels que la haute définition (HD). Nous avions pu tester la 4K allégée, qui passe par les tuyaux d’Internet. Mais nous attendions avec impatience la grosse artillerie : un disque optique délivrant un débit vidéo colossal, riche de mille détails.
En 2014, cet espoir se précise, les géants de l’électronique préparent un nouveau format Blu-ray à la norme 4K UHD. L’excitation grimpe en flèche, d’autant que les fabricants nous réservent une surprise : l’arrivée simultanée du high dynamic range (HDR). Une technologie promettant des images aux lumières plus saisissantes, parsemées de petits éblouissements, de reflets qui miroitent dans l’eau, de contre-jours éclatants.
Les premiers lecteurs Blu-ray 4K se font attendre deux longues années, et finissent par arriver en mars. Problème : les premiers films pressés sur disque ne font pas honneur à la technologie 4K HDR. La plupart sont issus de tournages HD, d’autres ont été retravaillés en HD avant d’être repassés en 4K.
La quête du film idéal
Il faut attendre cette fin d’année, et l’approche de Noël, pour que d’excellents Blu-ray UHD sortent enfin, selon le très documenté site The Digital Bits. Dans la cinquantaine de superproductions hollywoodiennes disponibles, une poignée seulement rend justice à la 4K. Ce sont le dernier Star Trek, L’Odyssée de Pi, Serpico, et surtout The Revenant, du talentueux réalisateur mexicain Inarritu. Un film tourné dans de magnifiques décors naturels avec une caméra 6K.
Nous lançons enfin notre protocole de test, inhabituellement lourd. Première étape, s’approvisionner de deux films, chacun en deux formats : un Blu-ray classique, et un Blu-ray UHD. Deuxième étape, se procurer chez Samsung une platine Blu-ray 4K et une platine Blu-ray classique de bonne qualité (H6500). Troisième étape, obtenir deux grosses télévisions Sony 55 pouces compatibles HDR, toutes deux parfaitement identiques. Notre protocole de test est aussi peu biaisé que possible. Nous allons comparer une source HD à une source 4K sur deux télés identiques.
Notre dispositif de test. | Nicolas Six / « Le Monde »
Petite digression amusante : ces grandes télés 55 pouces sont un peu petites pour la 4K. Il faut les regarder à 1,20 mètre maximum pour profiter pleinement des détails de la vidéo. A cette distance, les images sont immenses, elles envahissent le champ visuel, au point de gêner les cinéphiles qui s’assoient au fond des salles de cinéma. Nous aurions aimé utiliser des écrans plus grands, mais les modèles 85 pouces coûtent 10 000 euros pièce. Nos 55 pouces nous paraissent suffisamment élitistes, avec leur tarif de 2 000 euros pièce.
Pas de révolution rétinienne
Revenons à notre test, qui démarre enfin… ou qui voudrait démarrer. L’indispensable câble HDMI haut débit n’est pas inclus dans la boîte du lecteur, facturé 400 euros. C’est mesquin, mais nous ne nous décourageons pas. Nous finissons par nous munir du câble et lançons enfin les Blu-ray. Le résultat est… décevant. La révolution rétinienne promise n’est pas au rendez-vous. On perçoit bien des différences sur la moitié des plans. Les détails sont notablement plus riches lorsqu’on s’approche à 1,20 mètre de l’écran, une amélioration qu’on doit à la 4K. Les matières et les textures paraissent un peu plus naturelles. Lorsqu’on s’éloigne à 3 mètres du téléviseur, la profondeur de l’image semble progresser, le relief du décor est mieux souligné. Mais la différence n’est pas spectaculaire. Pire, les images 4K HDR sont parfois étrangement sombres.
Notre test suit son cours, et, à travers la fenêtre, le soleil poursuit sa course déclinante. Avec la nuit émerge un problème : l’une des télés paraît légèrement plus lumineuse. C’est l’écran qui diffuse les images 4K. Elle est clairement avantagée. Après enquête dans les profondeurs des menus du téléviseur, nous repérons un paramètre qui n’est pas réglé à l’identique : il faut tout reprendre à zéro.
Mais avec des réglages identiques, la 4K fait naufrage. Les images HDR sont encore plus sombres. Nous décidons de pousser leur luminosité pour les avantager. Mais l’effet HDR est devenu difficile à percevoir. Ne perdure que l’impression de netteté de la 4K. Et encore, la différence n’est notable que sur un tiers des plans de The Revenant, à condition de coller le nez à l’écran. A 2 mètres, on ne perçoit presque plus de différence : « Tu vois quelque chose, toi ? » Réponse : « Pfffff… pas vraiment… »
Pire, la moindre petite différence d’éclairage dans la pièce joue avec nos nerfs. Si derrière l’une des télés le mur est un peu moins éclairé, l’impression de profondeur se renforce, trompant notre jugement. Cet exemple est révélateur. Nos comparaisons en arrivent à un degré de finesse déraisonnable. Les différences entre Blu-ray classique et 4K ne paraissent pas frappantes.
Libérer le potentiel
Nous commençons à nous poser des questions existentielles. Faut-il toucher aux réglages de du téléviseur ? Le directeur technique des laboratoires Eclair nous l’a pourtant expliqué : les télés 4k HDR détectent automatiquement le signal HDR. Se tromperait-il ? Faut-il activer le mode d’image HDR ? Jouer avec le X-tended Dynamic de Sony ? Le mode d’emploi est muet sur le sujet. Heureusement, nous avons un accès privilégié à une hotline de rêve : un ingénieur de Sony nous confirme au téléphone que la détection est automatique. Mais il nous propose une astuce pour libérer le potentiel de la 4K : « Débridez le port HDMI. »
Les téléviseurs Sony sont donc vendus bridés. Triple point d’interrogation. Un réglage, perdu dans les menus, inconnu du grand public, serait indispensable pour faire fonctionner la 4K à son plein potentiel ? Embêtant… D’autant que l’équipement que nous avons retenu est très banal.
Question gênante
Le débridage du port HDMI libère-t-il, effectivement, le potentiel de la 4K ? Nos tests achèvent de nous déboussoler. Les images deviennent encore plus sombres. Nous n’arrivons plus à les éclaircir en augmentant la luminosité.
Après deux journées entières de tests, nous commençons à y voir clair. C’est la luminosité qui nous paraît être le critère clé. C’est elle qui confère aux images une netteté et une profondeur plus frappantes. C’est elle qui rend le soleil éblouissant, peu importe qu’on soit en 4K HDR ou en HD ordinaire. On finit par se poser une question gênante : la 4K HDR serait-elle un mirage marketing, ou avons-nous échoué à en révéler tout le potentiel ?
Après quinze heures passées à comparer 4K et HD, à chercher désespérément des réponses à nos questions, serions-nous passés à côté d’un détail important ? Le câble fourni par le laboratoire de Samsung serait-il inadapté ? La télé Sony éprouverait-t-elle des difficultés à communiquer avec la platine Samsung ? La télé serait-elle trop prudente dans sa gestion de la HDR, technologie connue pour faire chauffer les écrans ? Le problème se situerait-t-il du côté des studios de cinéma, qui auraient mastérisé maladroitement The Revenant ainsi que Star Trek ?
On jette l’éponge
Nous n’aurons pas de réponse aujourd’hui, car nous décidons de jeter l’éponge. Les geeks patentés que nous sommes n’ont pas réussi à prendre du plaisir avec deux films choisis avec soin. Après tant d’efforts, voici ce que nous pouvons conclure : dans le meilleur des cas, la technologie n’est pas mûre ; dans le pire des cas, elle ne tient pas ses promesses.
Déroulons la liste de nos déboires jusqu’à la fin. Les disques 4K se sont montrés ultrasensibles à la moindre trace de doigt : qu’en sera-t-il des rayures ? La platine 4K s’est figée à plusieurs reprises pendant nos tests. La connexion entre télé et lecteur a subi quelques ratés. Autant de symptômes d’une technologie arrivée trop tôt sur le marché. Nous abandonnons ce test fort déçus, avec le sentiment du devoir inaccompli.
Mais au fond, en tant que passionnés de technologie, nous restons d’incorrigibles optimistes. Nous voulons croire que la 4K finira bien par nous éblouir. La compatibilité entre les marques ne manquera pas de s’améliorer. Des télévisions plus lumineuses seront commercialisées. Et, progressivement, les réalisateurs apprendront à mieux se servir de la HDR. Pour l’heure, voici notre conseil : il est urgent de douter, il est urgent d’attendre.