Formation : peut-on apprendre à être drôle ?
Formation : peut-on apprendre à être drôle ?
Par Joséphine Lebard
Les écoles d’humoriste ont le vent en poupe. Car même si faire rire nécessite certains talents qui ne s’enseignent pas dans une salle de classe, une solide formation constitue un atout indéniable.
Olivia Moore estime que sa formation à L’Ecole du one-man-show lui a permis d’affûter ses textes. | Olivia Moore
L’humour s’enseigne-t-il ? A l’heure où de nombreux talents émergent spontanément avec Internet et où, conjointement, se multiplient les écoles qui proposent des formations spécialement consacrées au spectacle comique – Ecole du one-man-show, Atelier de création artistique cabaret (Acac)… –, la question mérite d’être posée. Pour Kader Aoun, ancien comparse de Jamel Debbouze et metteur en scène, la réponse est claire, c’est non : « On ne peut pas apprendre à être drôle. Un boxeur aura beau faire de la musculation toute sa vie, s’il ne possède pas le punch, cela ne sert à rien. Les Anglais emploient d’ailleurs l’expression “funny bones”. L’humour, on l’a dans ses os, ou pas… »
Directeur de l’Ecole du one-man-show, Alexandre Delimoges porte évidemment un point de vue sensiblement différent. Quoique… « Nous n’allons pas apprendre à nos élèves à être drôles, mais à faire rire, nuance-t-il. Nous ne laissons pas croire que tout le monde peut réussir. Le travail est nécessaire et il faut déjà posséder un bagage : avoir de l’humour mais aussi une vision comique, c’est-à-dire être capable de rire de soi et de ce qui nous entoure. »
Une question de rythme
Selon l’humoriste Guillaume Meurice, nul besoin pour cela de fréquenter une école spécifique. « Aux jeunes qui me demandent mon avis, je conseille de passer par une école classique. Au Cours Florent, j’ai travaillé de nombreuses tragédies. Cela m’a servi à installer une certaine rigueur et à asseoir mon point de vue de comédien : pourquoi je joue ce texte-là à ce moment-là ? Qu’ai-je à dire de si important ? » Pour Alexandre Delimoges, la formation qu’il propose permet aux élèves de maîtriser des techniques propres au genre comique : « Ecouter les rires pour modifier le rythme de son texte mais aussi “casser le mur” pour interpeller le public. »
Passée par l’Ecole du one-man-show, Olivia Moore, actuellement sur les planches de La Nouvelle Seine, à Paris, a justement apprécié la spécificité de la formation : « Etre un bon humoriste implique d’être à la fois un auteur et un comédien. » Au-delà du jeu, on lui apprend à affûter ses textes. Elle réalise ainsi que ce qui coule à l’écrit ne passe pas forcément la barrière de l’oral et polit son spectacle pendant dix-huit mois avant de le jouer dans des salles payantes. Acteur et metteur en scène – notamment du comique Kev Adams –, Serge Hazanavicius voit un autre intérêt à ces écoles : « Evoluer dans un lieu avec des gens qui veulent faire la même chose et des professeurs susceptibles de donner des clés pour y arriver. Cela crée des bandes et des solidarités au cours d’un parcours assez dur. » Comme quoi, apprendre à faire rire apparaît comme une question des plus sérieuses.
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