L’objet de l’époque : le bouquet de Jeff Koons
L’objet de l’époque : le bouquet de Jeff Koons
Par Clara Georges
Trente-trois tonnes de tulipes bientôt devant le palais de Tokyo. C’est le cadeau empoisonné de l’artiste américain aux Parisiens.
« Bouquet of tulip » de Jeff Koons, en 2017, au Palais de Tokyo. | Jeff Koons / Noirmontartproduction
Lorsqu’on dit d’un geste qu’il est symbolique, c’est souvent parce qu’il est discret. Pas avec Jeff Koons. L’Américain a annoncé cette semaine qu’il faisait cadeau à la France d’un Bouquet of Tulips (« boukey of tioulips » en VO) en bronze et en aluminium poli, de près de 12 mètres de haut, 8 de large et 10 de profondeur, pesant environ 33 tonnes et coûtant 3 millions d’euros. Un hommage aux victimes des attentats en France, qui devrait être installé en 2017 devant le Palais de Tokyo, dans le 16e arrondissement. L’artiste était à Paris, lundi 21 novembre, pour présenter son œuvre, qui n’est pas encore achevée.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne vient pas les mains vides. Mais qu’est-ce qui lui a pris, au Koons, de s’exciter du bulbe ainsi ? D’abord, je me suis dit qu’il avait voulu faire un pied de nez à Brel, en apportant des fleurs qui soient aussi des bonbons. Mais ça ne marche pas, parce que son boukey n’a rien de « présentable », contrairement à celui de la chanson.
Un petit trip côté tulipes
Ensuite, j’ai découvert que c’était une demande de l’ambassadrice américaine en France, Jane D. Hartley. Merci bien, madame ! Ce n’est pas vous qui aurez des palpitations à chaque aperçu de ces flowers qui ont beaucoup trop de power, surtout si, comme le veut l’usage, Donald Trump nomme « ses » ambassadeurs une fois élu.
Mais cessons ces sarcasmes pour faire preuve de l’optimisme américain à l’hélium qu’incarne si bien le travail de Koons. Ce bouquet, finalement, quelle fleur faite à la France ! Déjà, il fera peut-être diminuer la consommation de drogue dans la capitale : un petit trip du côté des tulipes remplacera un bon gros trip sur canapé.
C’est aussi, selon son créateur interviewé dans Le Figaro, un objet en « connexion directe avec la Statue de la liberté. Même position. Echelle un peu plus grande ». Car le bouquet immense est brandi par une main non moins gigantesque, comme un flambeau de substitution pour Miss Liberty. L’avantage, si un jour un coup de vent souffle sur l’Hudson, c’est que la demoiselle peut venir se réapprovisionner dans le 16e arrondissement : elle a le choix entre la Flamme de la Liberté du pont de l’Alma (parfois prise à tort pour un monument en mémoire de la princesse Diana), réplique exacte de sa torche actuelle ; la version miniature de la statue installée sur l’île aux Cygnes ; et maintenant, ce bouquet multicolore qui aurait un sacré cachet au bout de son bras vert-de-gris.
Offrande encombrante
Un jour peut-être, puisque l’amitié franco-américaine semble se nourrir d’offrandes réciproques et encombrantes, nous donnerons une réplique des Tulips à installer au milieu de la Ve Avenue, ou sur le toit du Flatiron Building, à New York. Ce serait une première, puisque Koons, dont les créations ont déjà orné Versailles et Beaubourg, n’a pas d’œuvre monumentale exposée dans son pays.
En attendant, espérons que ce Bouquet donne une seconde fois tort à Brel et que ses fleurs ne soient pas périssables, sinon il y aura des morts par chute de pétale. Oh arrête, tu es vraiment trop Koons.