Zone Téléchargement : pour la Sacem, « il n’y a plus d’impunité pour les pirates »
Zone Téléchargement : pour la Sacem, « il n’y a plus d’impunité pour les pirates »
Propos recueillis par Morgane Tual
Deux ans après avoir porté plainte, la Sacem a obtenu la fermeture du site Zone Téléchargement, lundi. Entretien avec David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem.
David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem. | PAGES_Lionel
Lundi 28 novembre, la gendarmerie nationale a annoncé la fermeture de Zone Téléchargement, le principal site français permettant de télécharger directement des films, séries, musiques ou jeux vidéo protégés par le droit d’auteur. Sept personnes ont été interpellées, en France et en Andorre, dont trois placées en garde à vue. Moins de vingt-quatre heures après l’annonce de sa fermeture, le site est pourtant réapparu en ligne. Il ne s’agit néanmoins que d’une façade, puisque les liens menant aux contenus piratés n’étaient pas fonctionnels mardi soir.
David El Sayegh, secrétaire général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) explique au Monde sa satisfaction.
La fermeture de Zone Téléchargement est intervenue une dizaine de jours après celle de What.cd, un important site permettant de télécharger de la musique. Assiste-t-on à un durcissement de la répression ?
L’actualité est heureuse, ça ferme à tour de bras ! Mais on ne peut pas parler de durcissement. C’est le résultat d’un long processus, d’un travail minutieux, ce n’est pas que soudain la Sacem et la gendarmerie se réveillent.
Mais ce site-là est encore plus gros que What.cd, qui était essentiellement consacré à la musique. Là, c’est plus large : musique, films, jeux vidéo… C’était le dixième site le plus visité en France avec plus de 2 millions de liens de téléchargement direct.
Quand l’enquête a-t-elle été lancée ?
Nous avons déposé une plainte en 2014, rejoints par l’ALPA [Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle]. Cela a été long de procéder à l’identification des comptes, des biens, des serveurs, des régies publicitaires… C’est toujours un système assez complexe et sophistiqué, ce sont de grosses enquêtes.
On parle d’un préjudice à plus de 75 millions d’euros pour les titulaires de droits. Il y avait beaucoup d’encarts publicitaires sur le site, souvent à caractère pornographique. Il générait au moins 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires par an, avec des comptes offshore situés à Malte, Chypre et Belize.
Les deux administrateurs, interpellés grâce à des mandats internationaux, avaient quitté la France pour s’installer à Andorre. D’importantes saisies d’avoirs ont été réalisées : voitures de luxe, biens immobiliers et comptes épargnes ; des serveurs ont été saisis en Allemagne et en Islande.
On est dans un cas de contrefaçon à but lucratif, à haute échelle. Ces gens-là ne paient pas d’impôt, ne paient pas les ayants droit, ils ne respectent rien. Ils élaborent un mécanisme sophistiqué pour se mettre hors-la-loi, de manière volontaire et très organisée.
La réaction des internautes a été très critique envers la fermeture de ce site. Que leur répondez-vous ?
Je leur dis qu’il est interdit de pirater, et que la mission de la Sacem est de faire protéger le droit d’auteur. La loi est avec nous. Ce sont des activités de contrefaçon commerciale, ce sont des gens qui se sont enrichis sur le dos des créateurs. Ils se font des millions sans payer un euro à la création. Ce sont des voyous qui ne devraient avoir la compassion de personne, et qui devront répondre de leurs actes devant la justice.
Si vous voulez que l’offre légale se développe, il faut réguler le marché. Cela ne peut pas être un far west numérique où tout le monde fait ce qu’il veut. Ceux qui pensent qu’on a tort, c’est un combat d’arrière-garde.
Les critiques de certains internautes sont inadmissibles. J’ai envie de leur dire : comment font les créateurs qui ne sont pas rémunérés quand leurs œuvres sont utilisées ? On est internaute, mais on est aussi citoyen. Internet n’est pas une zone de non-droit, il y a des règles.
Souhaitez-vous voir poursuivis les internautes qui ont téléchargé du contenu sur Zone Téléchargement ?
L’enjeu est surtout de faire arrêter ceux qui font commerce des œuvres. Détenir des fichiers contrefaits, c’est du recel. Mais l’objectif est avant tout d’attaquer le mal à sa source, et les administrateurs des sites pirates.
Avez-vous d’autres cibles en ligne de mire ?
Toujours, oui. Il suffit de se promener sur Internet pour voir qu’il y a d’autres sites. On continuera, cela fait plus de vingt ans qu’on lutte contre le piratage. Et à chaque fois que la gendarmerie ou la police intervient, c’est un rappel qu’il n’y a plus d’impunité pour les pirates.
Certains ferment leurs sites spontanément, comme Blue Tiger, après la fermeture de What.cd. Si vous avez le sentiment que vous allez pouvoir être pris, ça vous calme. Pour Zone Téléchargement, l’enquête continue. On a vu des condamnations très sévères, par exemple sur OMG Torrent récemment. [Son administrateur a été condamné en septembre à un an de prison dont huit mois fermes et 5 millions d’euros de dommages et intérêts.]