La Pythie vous salue bien
La Pythie vous salue bien
Par Pauline Croquet
Plongée humoristique dans la mythologie grecque, le manga français « Save me Pythie » d’Elsa Brants s’achève avec la parution de son cinquième et dernier tome.
Après deux ans et demi de prémonitions et de péripéties, Pythie de Delphes, l’héroïne du manga d’Elsa Brants, est-elle arrivée à se débarrasser de son mauvais sort ? Et Xanthe, son acolyte fort maladroit réussira t-il à devenir un héros de la mythologie ? Dans le tome 5, épilogue de la série Save me Pythie, paru vendredi 18 novembre chez Kana, les lecteurs devront également dire adieu à Cassandre, Zeus, Apollon, Elécathe, Héra… autant de personnages de la mythologie grecque que la mangaka française a su rendre aussi déjantés qu’attachants.
« Je n’ai pas tant de peine que ça, je pense être allée au bout de mes personnages et la fin me satisfait, me fait beaucoup rire. J’avais décidé de celle-ci dès le début, à la signature du contrat. Peut-être qu’on aurait pu faire plus de tomes, bien sûr, mais le système de publication en France n’est pas le même qu’au Japon, et là je sens que l’histoire se tient, que l’on n’a pas dévié », estime Elsa Brants.
Dieu poulet et râteau magistral
Parue dès juin 2014, Save me Pythie plonge dans un récit mythologique bourré d’humour et de dérision. Pythie est une prêtresse d’Apollon. Un jour que le dieu du soleil vient lui faire des avances, elle le repousse… Enfin, pour être précis, elle lui met un gros râteau. Furieux, celui-ci la maudit et la condamne à avoir des prémonitions catastrophiques sans jamais être crue. Un même sort avait été auparavant réservé à Cassandre de Troie, que le lecteur aura plaisir à croiser sous les traits d’une petite mamie rabougrie dans la série. Mais c’est un autre dieu, Zeus, qui la lancera sur un chemin parcouru d’embûches. Apparaissant sous la forme d’un poulet, il demande à Pythie d’accompagner son fils caché Xanthe, jeune homme sympathique mais aussi habile que Pierre Richard dans ses comédies et sans cesse menacé par une catastrophe.
Elsa Brants lors de la Japan expo 2016 qui mettait à l’honneur les mangakas français. | A.ORSINI POUR LE MONDE
Plus difficile dans la franco-belge
« L’étincelle qui a conduit à cette série était l’envie d’associer mes deux passions de jeunesse : la mythologie grecque qui comporte un univers et des personnages riches avec des dieux, des monstres, du tragique, du comique qui permet de recréer de multiples histoires et d’autre part les mangas que je lisais et relisais. Même si j’apprécie la BD franco-belge et le comics, le manga a un rythme, un format narratif qui permet de développer les personnages et leur psychologie, de plus s’y attacher tout en gardant de la place pour les différentes intrigues », explique l’auteure qui a auparvant aussi travaillé sur des formats franco-belges : « J’ai immédiatement envisagé Save me Pythie dans un format manga. Cela ne m’a pas trop coûté d’intégrer les codes du manga. Au final, j’ai dû produire plus d’efforts dans la BD franco-belge, notamment pour la composition des cases. »
Elsa Brants est l’une des pionnières du manga d’auteur français. Si au début les éditeurs doutaient des capacités des dessinateurs européens à réaliser des mangas, Elsa n’a plus besoin de justifier le choix de ce style auprès des professionnels comme des lecteurs qui se pressaient nombreux à la dernière convention Japan expo de Paris pour la rencontrer.
Une planche du tome 5 de « Save me Pythie » | Elsa Brants - Kana
Une autre série à venir ?
La succession de gags dans la série n’efface en rien un beau travail de documentation sur la mythologie et une galerie de personnages féminins avec de la poigne, Athéna et Héra en tête. Elsa Brants s’inscrit également dans la lignée des mangas humoristiques de l’auteure Rumiko Takahashi, à qui l’on doit notamment Ranma 1/2 et Maison Ikkoku, dont elle revendique la grande influence : « J’aime son style, le ton de ses histoires dont j’essaie de me rapprocher pour les gags. J’adore aussi sa façon de dessiner les papis et mamies. Cassandre est une référence directe. » L’auteure française cite également le « dieu du manga » Osamu Tezuka (Astro Boy, Le Roi Léo…) reconnu entre autres pour la grande expressivité de ses personnages.
A gauche, Cassandre de « Save me Pythie ». A droite, Mamie de Ranma 1/2. | DR
Alors que Save me Pythie s’achève en France, la série est publiée en numérique depuis quelques mois au Japon. Elsa Brants travaille actuellement sur un projet de manga one-shot, en collaboration avec son éditeur français, Kana, et un éditeur japonais : « Il s’agira de parler de moi, à travers des petites saynètes, de raconter mon expérience de mangaka française. Au Japon, le grand public ne comprend pas pourquoi on aime tant le manga en France et l’idée est d’y répondre. » En parallèle, la mangaka réfléchit à une nouvelle série plus longue : « Impossible de dire pour l’instant dans quelle époque cela se situera, mais c’est sûr ce sera une série d’humour. »