Dans un Apple Store de San Francisco, le 22 septembre. / Jeff Chiu / AP

Depuis quelques années, Apple aime à se présenter comme un champion de la protection des données. Un argument marketing pour se différencier de certains de ses concurrents, et en premier lieu Google, dont le modèle économique repose sur la collecte et l’utilisation des données personnelles.

Apple compte bien marteler ce message. Alors que seront bientôt commercialisés les nouveaux modèles d’iPhone, dont l’un d’entre eux, l’iPhone X, propose une fonctionnalité biométrique de reconnaissance de visage, et qu’arrivent sur ses appareils les nouvelles versions des systèmes d’exploitation (iOS 11 et Mac OS High Sierra), la firme de Cupertino vient de mettre en ligne plusieurs pages dédiées à ces question sur son site Internet. L’entreprise y explique par le menu toutes les informations qui peuvent être collectées par tous les outils de la marque, ainsi que des moyens d’empêcher le piratage ou de s’opposer à la transmission de ces données.

La question est sensible, et l’entreprise le sait. D’autant plus qu’avec la sortie, le 19 septembre, de iOS 11, le nouveau logiciel d’exploitation pour iPhone et iPad, et celle, le 25 septembre, de High Sierra, l’équivalent pour ordinateurs, Apple a étendu sa collecte de données. Apple enregistre désormais des informations de navigation issues du navigateur Safari, en plus des informations techniques déjà collectées pour la correction des bugs. L’idée n’est pas de commercialiser ces informations, mais d’identifier les sites Internet qui vident particulièrement la batterie du téléphone, ceux qui se ferment anormalement ou qui proposent des contenus sonores ou vidéo se lançant automatiquement. Plus sensible encore, des données issues de l’application Health seront également concernées, même s’il ne s’agit pas des données médicales en elle-mêmes, mais plutôt des informations sur les fonctionnalités de l’application les plus utilisées.

Des données protégées par la « differential privacy » ?

Mais Apple assure que la vie privée des utilisateurs sera respectée. L’entreprise affirme avoir résolu la quadrature du cercle : collecter des données personnelles sans pour autant que cela soit intrusif. Pour cela, Apple prévoit d’utiliser une technologie apparue au début des années 2000 appelée « differential privacy ». Cette dernière consiste à rendre impossible l’isolation des données d’un utilisateur unique contenues dans des données agrégées. Autrement dit, Apple sera capable de dire qu’un site vide anormalement la batterie de ses utilisateurs sans pouvoir dire lesquels d’entre eux ont visité ce site.

Pour ce faire, les données personnelles des utilisateurs seront modifiées aléatoirement avant d’être envoyées à Apple. Puisque cette modification aléatoire sera faite sur un grand nombre d’utilisateurs, elles se neutraliseront et, au final, les données agrégées à la disposition d’Apple seront fidèles et leur analyse, par exemple savoir quelle est la faute de frappe la plus courante afin d’améliorer le clavier sera possible. Impossible, en revanche, d’isoler les données d’un utilisateur unique.

« La « differential privacy » est un domaine de recherche très actif », explique Mathieu Cunche, chercheur à l’INSA Lyon. Selon lui, cette technique est prometteuse car, même si les données détenues par Apple étaient piratées, il serait très difficile de faire des recoupements. Le chercheur trouve également « positif » que les géants d’Internet s’intéressent à ce type de mécanismes. « Il faut quand même être assez prudent : certains chercheurs considèrent que la technologie n’est pas assez mature, ce n’est peut-être pas la solution qui va tout résoudre », prévient-il.

Le pistage sera plus compliqué

L’arrivée d’iOS 11 et de High Sierra s’accompagne également d’un dispositif de blocage du pistage des internautes utilisant le navigateur Safari par les publicitaires. Grâce à une forme d’intelligence artificielle, Apple promet de bloquer certains dispositifs permettant à un annonceur de suivre un internaute de site en site, un mode de fonctionnement désormais courant sur Internet.

Les éditeurs de publicité sont vent debout contre la mesure. Certains d’entre eux ont adressé une lettre ouverte à Apple, citée dans le Guardian et dans laquelle ils accusent Apple de « compliquer l’expérience des utilisateurs et de saboter le modèle économique d’Internet. »