La concertation citoyenne propose d’étendre l’obligation vaccinale
Vaccins : la concertation citoyenne propose d’étendre l’obligation vaccinale
Par Pascale Santi
Le rapport du comité d’orientation mis en place par la ministre de la santé pour lutter contre la défiance des Français envers la vaccination a été rendu mercredi.
Rendre obligatoires les vaccins recommandés… pour mieux lever ensuite l’obligation vaccinale, telle est l’une des principales mesures proposées par le rapport rendu public mercredi 30 novembre par le Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination.
Originalité de la démarche, ce débat public avait été confié à un comité indépendant de seize personnes représentant la société civile, des professionnels de santé, des chercheurs en sciences humaines et sociales. Présidé par le professeur Alain Fischer, spécialiste en immunologie pédiatrique, et coprésidé par Claude Rambaud, coprésidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), le comité a débattu pendant six mois.
Deux enquêtes d’opinion ont été réalisées, deux jurys (l’un de citoyens, l’autre de professionnels de la santé) ont auditionné 44 personnes, un espace ouvert en ligne a recueilli un peu plus de 10 000 contributions – le tout disponible en ligne. L’objectif du dispositif, voulu par la ministre de la santé, Marisol Touraine, était de restaurer la confiance envers la vaccination, très érodée en France.
Coexistence de deux statuts
Aujourd’hui, en France, seuls trois vaccins (contre la diphtérie, le tétanos, et la poliomyélite) sont obligatoires. Les autres ne sont que « recommandés ». Ce sont les vaccins contre la coqueluche, le virus de l’hépatite B, la bactérie haemophilus influenzae, le pneumocoque, le méningocoque C et les virus de la rougeole, des oreillons, de la rubéole.
Pour l’ensemble des acteurs, la coexistence des deux statuts « n’a plus de sens ». « Le statu quo doit donc être écarté », avait préconisé Sandrine Hurel, ancienne députée (Parti socialiste) de la Seine-Maritime, qui avait remis un rapport en janvier sur le sujet à la demande de la ministre.
Le comité préconise donc de rendre obligatoire ces vaccins et leurs rappels, soit onze valences en tout. Pour faciliter la mise en œuvre de cette mesure, il est préconisé une prise en charge intégrale du coût des vaccins par le régime obligatoire de l’assurance-maladie, soit un coût d’environ 150 millions d’euros par an.
Il propose aux parents qui ne souhaitent pas faire vacciner leur enfant une clause d’exemption, motivée par leurs convictions. Ils devront signer un document écrit, signaler ce refus sur le carnet de vaccination, courant le risque de voir leur enfant refusé à la crèche ou l’école. Toutefois, si elle était trop utilisée, prévient Alain Fischer, « cette clause serait supprimée ».
Défiance
La possibilité de lever l’obligation vaccinale, comme dans de nombreux pays (Royaume-Uni, pays nordiques), a été étudiée. Les avis sont partagés, mais il ressort des débats que « les conditions d’une telle suspension ne sont pas réunies », selon Alain Fischer. Une enquête récente indique qu’environ 20 % des jeunes adultes (entre 20 et 30 ans) ne vaccineraient pas leurs enfants si on levait l’obligation des vaccins DTP.
De même, deux études conduites auprès des médecins généralistes ont montré que dans un tel scénario, moins de 85 % d’entre eux « insisteraient auprès des familles sur l’importance de continuer à vacciner les enfants ». La fin de l’obligation vaccinale est donc jugée trop risquée, mais « c’est l’objectif à atteindre dans quelques années », insistent les auteurs.
Il ne sera pas simple d’inverser la tendance tant la défiance est grande. Pays de Louis Pasteur, la France est le plus mauvais élève en Europe ; 41 % des Français déclarent douter de la sécurité des vaccins, 17 % de leur efficacité, selon une étude publiée en septembre par la revue EBioMedicine, qui a passé en revue les opinions des citoyens de 67 pays.
Comment expliquer de telles réticences ? Le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, en 2009, dont le risque avait été surévalué par les autorités sanitaires, a marqué un tournant. Autre « spécificité française », les scandales sanitaires récurrents liés à l’industrie pharmaceutique. Les ruptures d’approvisionnement de certains vaccins ces derniers mois ont aussi jeté la suspicion.
« Reprendre la main sur la communication »
Plusieurs controverses ont aussi entouré le vaccin contre l’hépatite B, ou ceux contre les infections dues aux papillomavirus (HPV), à l’origine de cancers du col de l’utérus. Et les adjuvants, présents dans la plupart des vaccins, suscitent beaucoup d’inquiétudes. Ils sont suspectés d’induire des effets secondaires, notamment le syndrome de fatigue chronique. « Les études disponibles n’établissent pas de lien causal », tranche toutefois le président du comité, Alain Fischer.
Le rapport pointe aussi la diffusion sur Internet d’informations souvent négatives, parfois douteuses, qui trouvent bien plus d’échos que le discours des autorités sanitaires. « Il faut reprendre la main sur la communication à partir d’informations fiables », insiste la coprésidente Claude Rambaud. Pour répondre à l’exigence citoyenne, le comité recommande une plus grande transparence de l’information et des experts.
Car cette désaffection se traduit par une baisse de la couverture vaccinale, qui entraîne la résurgence de maladies infectieuses, comme l’épidémie de rougeole en France en 2008 et 2012 qui a causé le décès de dix personnes.
La couverture vaccinale des jeunes filles contre le papillomavirus est tombée à 14 % en 2015 (contre 28 % à 16 ans en 2010). « C’est un échec total, alors qu’on dénombre 2 800 cas de cancers du col de l’utérus », dénonce Alain Fischer. Autre préoccupation des autorités sanitaires, le taux de vaccination contre la grippe des plus de 65 ans a chuté à 48 % en 2015 (60 % en 2009).
« Un aveu d’échec »
Comment la proposition principale du comité va-t-elle être accueillie ? Pour certains c’est un retour en arrière. Le dernier vaccin rendu obligatoire l’a été en 1964, contre la poliomyélite. Dans un communiqué, Michèle Rivasi, député européenne (Europe Ecologie-Les Verts), qui avait déjà qualifié de « supercherie » ce débat public, s’oppose à la proposition d’étendre aux jeunes garçons la vaccination contre les HPV.
Anne Chailleu, présidente du Formindep, une association qui défend une formation et une information médicales indépendantes, craint que « la méthodologie biaisée » du comité « loin de rétablir la confiance, ait précisément l’effet inverse ». « Etendre l’obligation vaccinale ? C’est un aveu d’échec », poursuit-elle.
La balle est dans le camp de la ministre de la santé. Elle a annoncé dans un communiqué que ces propositions « doivent être étudiées évaluées juridiquement et financièrement par la Direction générale de la santé, la Direction de la Sécurité sociale et Santé publique France ».
C’est sur cette base que Marisol Touraine « présentera les mesures qu’elle entend prendre pour renforcer la confiance dans la vaccination ». A cinq mois de l’élection présidentielle, la fenêtre de tir est étroite.
Vaccins : « On ne peut pas prolonger le statu quo »
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