Italie : à la veille du référendum, quel bilan pour Matteo Renzi ?
Italie : à la veille du référendum, quel bilan pour Matteo Renzi ?
Le Monde.fr avec AFP
Le président du conseil a porté la réforme constitutionnelle sur laquelle les électeurs italiens sont appelés à se prononcer dimanche 4 décembre. Paolo Modugno, chercheur à Sciences Po, défend son bilan.
Matteo Renzi, à Rome, en février 2015. | REMO CASILLI / REUTERS
Les Italiens se prononcent dimanche 4 décembre par référendum sur une réforme constitutionnelle majeure. Elle prévoit une réduction drastique des pouvoirs du Sénat, qui ne votera plus la confiance au gouvernement, une limitation du pouvoir des régions et la suppression des provinces, l’équivalent des départements français.
Le chef du gouvernement, Matteo Renzi, qui a négocié et porté le texte, avait annoncé à son arrivée au pouvoir en février 2014 qu’il abandonnerait la politique en cas de victoire du « non » au référendum. Il a, depuis, tempéré sa position, mais son sort reste intimement lié au verdict des urnes.
De l’extrême gauche à l’extrême droite, les opposants à la réforme sont nombreux. Les populistes du Mouvement 5 étoiles (M5S) ou de la Ligue du Nord, mais aussi le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi (centre droit, qui avait pourtant négocié la réforme avec M. Renzi) et des « frondeurs » du Parti démocrate, tous dénoncent un risque de concentration des pouvoirs entre les mains du chef du gouvernement et une remise en question du délicat équilibre des pouvoirs mis en place en 1948 après le traumatisme du fascisme.
Leur principal dénominateur commun semble être la volonté d’obtenir la démission de Matteo Renzi. Spécialiste de l’Italie, le chercheur à Sciences Po Paolo Modugno défend le bilan du président du conseil, attaqué y compris dans son propre camp.
Matteo Renzi a très tôt lié son sort à celui du référendum organisé dimanche en Italie. Sa popularité en berne risque-t-elle d’influencer le vote des citoyens italiens appelés à se prononcer sur la réforme constitutionnelle ?
L’Italie est un pays de chapelles où les rivalités entre villes sont encore très fortes. Matteo Renzi, parce qu’il est Florentin, est considéré par ses détracteurs soit comme arrogant, soit étranger à la manière dont les choses se passent à Rome. Il est aussi attaqué, y compris dans son camp, parce qu’il a changé beaucoup de choses en Italie, ce qui dérange de nombreuses personnes.
Depuis des dizaines d’années, on parle de réformes institutionnelles, mais peu de chose a été entrepris avant 2013, date à laquelle le président Giorgio Napolitano a conditionné la poursuite de son mandat à leur mise en œuvre. Le Parlement a alors pris l’engagement solennel de s’y attaquer. Un an plus tard, Matteo Renzi arrivait au pouvoir et engageait les réformes amorcées par son prédécesseur, Enrico Letta.
Quand il a lié son destin politique à celui de la réforme institutionnelle, sa popularité était bien supérieure à celle d’aujourd’hui. Mais qu’il l’ait formulé aussi explicitement ou non, cet engagement était évident. Toute l’action gouvernementale depuis deux ans et demi peut être lue au prisme de cette réforme.
La démission de Matteo Renzi est-elle inévitable en cas de victoire du « non » au référendum ?
Je pense que oui. Si le « non » l’emporte, il paraît évident qu’il ira remettre sa démission au président Sergio Mattarella. En Italie, le président de la République a peu de prérogatives mais dispose de celle de dissoudre le Parlement, ce qu’il fera probablement. Après, tout peut arriver. Et si le « oui » l’emporte, Matteo Renzi aura accompli un véritable miracle politique.
A son arrivée au pouvoir, en février 2014, le président du conseil était porté aux nues. Comment expliquer une telle chute de popularité ?
Si l’on compare la situation de Matteo Renzi à celle de François Hollande à la moitié de son quinquennat, la situation est loin d’être critique. Matteo Renzi bénéficie d’une cote de popularité (autour de 30 %), sans surprise si l’on prend en compte l’usure du pouvoir.
Dès sa prise de fonction, Matteo Renzi avait fait de la réforme constitutionnelle un axe fort de la politique qu’il voulait mener. Quels sont les autres chantiers majeurs entrepris pendant son mandat ?
Matteo Renzi est probablement le plus grand réformateur que le pays ait connu. Il a mené la réforme du marché de l’emploi, qui a modifié en profondeur les règles en vigueur, sans provoquer la levée de boucliers qu’a connue la France avec la loi travail de Myriam El Khomri. En Italie, le marché du travail est bloqué depuis de nombreuses années et l’objectif de cette réforme était d’introduire davantage de flexibilité ainsi que de développer une politique d’incitation à l’embauche.
Le gouvernement de Matteo Renzi a aussi mis en œuvre un plan ambitieux de réforme de l’école, connu sous le nom de la buona scuola. Sur le plan sociétal, il a voté la création d’une « union civile », qui était attendue depuis des années par les couples homosexuels.
D’autres réformes, comme celles de la justice et de l’administration publique sont en cours.
Il a, en outre, poursuivi des chantiers entrepris par ses prédécesseurs, notamment ceux lancés par le gouvernement Monti en 2011.
En cas de victoire du « oui », quelles seront ses priorités ?
Il faut garder en tête que des élections législatives seront organisées au plus tard en 2018. En termes de politique intérieure, c’est une échéance capitale, et le contexte est particulier en Italie avec le poids pris par le Mouvement 5 étoiles emmené par Beppe Grillo et celui de la Ligue du Nord, un parti d’extrême droite. La priorité de Matteo Renzi sera donc évidemment de gagner ces élections.
S’il réussit le coup de force de gagner le référendum, il pourrait être avantageux pour lui d’organiser les législatives le plus tôt possible afin de capitaliser sur ce résultat. Pour cela, il faut l’accord du président de la République. Concernant les chantiers, ils restent les mêmes en dehors des réformes précédemment citées : lutter contre le chômage, relancer l’économie et aussi se saisir de la question de l’immigration, fondamentale en Italie.
Référendum en Italie : le pari risqué de Matteo Renzi
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