C’est une très mauvaise nouvelle pour les producteurs de foie gras, de chapons, oies et autres dindes à la veille des fêtes de Noël. Alors que la France devait sortir, samedi 3 décembre, de son interdiction d’exporter, hors de l’Union européenne, ses produits à base de gallinacées et de palmipèdes, la nouvelle infection de grippe aviaire lui interdit de revendiquer à nouveau le statut d’« indemne ».

Plusieurs foyers de virus « influenza » (grippe) aviaire ont été découverts dans le Sud-Ouest, et confirmé jeudi 1er décembre. A Almayrac, dans le Tarn, un élevage a vu ainsi 2 000 de ses canards infectés. Les 3 000 autres palmipèdes de l’élevage ont été abattus. « Le même virus H5N8 avait été détecté pour la première fois en France le 27 novembre, sur des canards sauvages dans le Pas-de-Calais », a rappelé le ministère de l’agriculture, dans un communiqué, vendredi.

Dans le Tarn, les mesures prévues par la réglementation européenne ont été aussitôt mises en place : zone de protection de trois kilomètres – avec visite systématique de tous les élevages et une interdiction de tout déplacement de volailles –, et une zone de surveillance (visites aléatoires) dans un rayon de dix kilomètres autour de l’élevage concerné.

Goëland infecté

Le virus s’est vite étendu. Un autre centre infecté s’est déclaré à cinq cents mètres du premier et cinq ateliers de gavage ont reçu des animaux provenant de l’élevage contaminé. Les départements du Lot-et-Garonne, du Gers et des Hautes-Pyrénées sont ainsi potentiellement infectés, estime Loïc Evain, le directeur adjoint de l’alimentation au ministère de l’agriculture. Le virus H5N8 a aussi été détecté, vendredi, sur un goéland à Evian, en Haute-Savoie. Ce virus serait diffusé par les oiseaux migrateurs qui, venus d’Asie du Sud, remontent vers l’Europe. De nombreux foyers de cette grippe aviaire existent ainsi en Hongrie, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas ou encore au Danemark.

Ce retour de l’épidémie est d’autant plus dommageable que suite, à l’épisode qui avait touché le Sud-Ouest durant plusieurs mois à l’automne et l’hiver 2015, le travail d’éradication et de désinfection était terminé. Le repeuplement des élevages avait eu lieu en mai 2016 et, samedi, les exportations allaient pouvoir reprendre. « On est marri, tous les efforts pour gérer la crise précédente sont mis à mal », se désole Loïc Evain. Dans toutes les zones humides, les zones les plus à risques, les volailles sont à nouveau confinées, notamment pour celles qui sont élevées en plein air.

Résultat, si l’Union européenne, comme la France, applique le principe de régionalisation de la maladie – ce qui veut dire que les volailles et les foies gras d’Alsace, de Normandie… ne sont pas concernés par l’interdiction –, de nombreux pays extra européens, notamment en Asie et au Japon, premier client de la filière du « canard gras » français, ne vont plus importer aucun produit en provenance de France. « En 2015, nous avions un solde positif global de 60 millions d’euros, qui devrait être réduit à zéro en 2016 », a déclaré, à l’AFP , Christophe Barrailh, président du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras.

Aucun cas d’humain infecté

Pourtant, le danger pour l’homme est, en l’état actuel des connaissances, nul. « Il n’y a aujourd’hui, aucun cas détecté d’humain infecté par le H5N8. Mais ce virus est potentiellement dangereux, il peut muter », insiste Vincent Enouf, responsable adjoint du Centre national de référence de la grippe à l’Institut Pasteur. Et de rappeler que dans le cas du H5N1, le virus avait causé de graves infections chez des êtres humains. Entre 2003 et la fin 2015, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur les 650 personnes infectées par le virus H5N1, 386 sont mortes. Il s’agit donc selon l’organisation mondiale d’un virus hautement pathogène, comme l’est aussi H5N8. Rappel important, le virus H5N1, s’il a pu contaminer l’homme, notamment par un contact étroit avec des oiseaux infectés (plumes, fientes, etc.), ne pourrait pas être transmis de l’homme à l’homme.

Si ces deux virus sont différents, ils comportent néanmoins un point commun. En effet, les virus de la grippe sont définis par deux protéines. « La majeure, l’hémagglutinine (H), comporte quinze variétés. La seconde, la neuraminidase, se décline en neuf types de N1 à N9, détaille l’OMS. Les oiseaux peuvent être infectés de n’importe quelle combinaison H et N, l’homme par quelques unes, dont la désormais célèbre H5N1. »
Et, explique Vincent Enouf, la protéine H5 est de la même variété pour les deux virus H5N1 et H5N8.

Vaccination

Autre danger, la saison d’infection par les virus grippaux a débuté. « On peut imaginer qu’une personne infectée par le H3N2 [le virus très majoritairement présent (82 %) dans les infections humaines] soit aussi affecté par le H5N8, qu’il y ait croisement, imagine Vincent Enouf. Or il faut absolument éviter que H5N8 ne puisse accéder au potentiel d’infection à l’homme que possède H3N2. » Il faut donc protéger les cibles potentielles et leurs entourages, notamment par la vaccination contre la grippe, insiste-t-il.

On l’aura compris, les scientifiques chargés de la veille sanitaire se montrent extrêmement prudents, et ne veulent écarter aucun scénario. « H5N8 est un virus aviaire et n’est pas infectant pour l’homme, mais on surveille qu’il ne devienne pas pathogène pour l’homme », explique aussi Gilles Salvat, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), et directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor), le laboratoire de référence pour la grippe aviaire.

Une chose est certaine… et rassurante. Le virus ne se transmet pas par voie alimentaire, seulement par les voies respiratoires. On ne peut donc être contaminé en mangeant même un produit venant d’une volaille infectée. De plus, la cuisson de cette volaille, de même que celle d’un foie gras, tue le virus. Pas de souci à se faire donc pour les fêtes.