Référendum en Italie : pour ou contre une réforme de la Constitution ?
Référendum en Italie : pour ou contre une réforme de la Constitution ?
Les Italiens votent dimanche sur une réforme de leur Constitution. Ce référendum a pris valeur de vote de confiance pour le chef du gouvernement, Matteo Renzi.
Matteo Renzi, le 28 novembre 2016. | ANDREAS SOLARO / AFP
Les Italiens sont appelés à voter, dimanche 4 décembre, pour valider ou non une réforme de leur Constitution, entrée en vigueur en 1948, aux lendemains de la seconde guerre mondiale et du fascisme. Cette réforme vise, selon ses promoteurs, à apporter plus de stabilité politique et à accélérer le processus législatif, en réduisant fortement les pouvoirs du Sénat.
Les derniers sondages publiés il y a une semaine – la loi interdit leur publication dans les quinze jours précédant le scrutin – donnaient une avance de plusieurs points aux opposants à la réforme. Le nombre important d’électeurs indécis et l’inconnue de la participation, seront toutefois déterminants dans l’issue du scrutin. Tour d’horizon des positions des deux camps.
Suivez notre correspondant Jérôme Gautheret sur place
« Moins de politiciens, plus de politique »
Le référendum est porté et défendu par le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, qui, dès son discours d’investiture, en 2014, présentait cette réforme comme « la priorité de toutes ses réformes, avec celle du marché du travail, qu’il a achevée », rappelle Marc Lazar, professeur à Sciences Po. Samedi 26 novembre, devant le palais des congrès à Rome, M. Renzi a invité quelque deux mille partisans « à ne pas gaspiller l’occasion de changer l’Italie ». « Il y aura un peu moins de politiciens et un peu plus de politique », a-t-il argué.
La campagne pour le « oui » met en avant l’opportunité de faire évoluer un système politique inchangé depuis presque soixante-dix ans. Son porte-parole, Rudy Calvo, a résumé l’enjeu sur Arte :
« Nous avons besoin de décisions plus rapides et plus efficaces. La politique doit montrer qu’elle est prête à changer, qu’elle coûte moins cher et qu’elle peut fonctionner avec moins de monde. »
Avec ce projet, la navette parlementaire (transmission et l’examen successif d’un projet ou d’une proposition de loi) serait accélérée, et les économies estimées à 500 millions d’euros. Ses promoteurs vantent aussi une plus grande stabilité politique, dans un pays qui a connu soixante gouvernements depuis 1946. Jusqu’ici, le président du Conseil devait obtenir la confiance des deux chambres parlementaires, si la réforme est adoptée, seuls les députés pourront voter cette confiance, et la grande majorité des lois. Le Sénat, qui voit ses compétences et son poids réduits, ne pourra plus renverser de gouvernement.
Un camp du « oui » isolé
Autour de M. Renzi, les partisans du « oui » se retrouvent relativement isolés. Parmi eux figurent une majorité du Parti démocrate (centre gauche), dont le président du Conseil est secrétaire, avec quelques petits mouvements centristes et une minorité du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia.
Du côté des électeurs, le nord du pays, plus riche et plus industriel, se montre davantage favorable à la réforme. Une bonne partie des cercles intellectuels et le milieu des affaires s’y sont ralliés – tout en restant, pour ce dernier, plutôt discret, de peur de stimuler le vote contestataire. La fédération patronale Confindustria, ou encore le patron de Fiat Chrysler et Ferrari, Sergio Marchionne, se sont prononcés pour. « Ces milieux sont convaincus que le drame de l’Italie tient à sa lenteur législative et à ses changements de gouvernement chroniques », estime Marc Lazar.
« Dans les capitales européennes, les milieux politiques, économiques et financiers regardent avec inquiétude l’issue de ce référendum », note néanmoins M. Lazar. Ils redoutent, en cas de défaite de M. Renzi, une période d’incertitude, dans un contexte déjà fragile. Ces perspectives affectent les taux d’emprunt de l’Etat italien, qui pourraient encore se renchérir en cas de victoire du « non ». Le secteur bancaire est particulièrement vulnérable, les banques italiennes étant depuis des mois dans le collimateur des marchés financiers en raison de la masse de leurs créances douteuses. Selon le Financial Times, au moins huit d’entre elles risqueraient la faillite en cas de rejet de la réforme.
Pour le camp du « non », une réforme antidémocratique
Selon les sondages, l’opposition à la réforme est plus forte dans le sud du pays, plus pauvre, et dépasserait les 60 % chez les 18-34 ans. Dimanche 27 novembre, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Rome pour s’y opposer, et protester, plus largement, contre le gouvernement de M. Renzi. Federica, du comité Etudiants pour le non, en faisait partie :
« Nous pensons que cette réforme constitutionnelle représente le sommet d’une série de réformes qui vont à l’encontre des intérêts des citoyens et qu’il s’agit de constitutionnaliser l’exclusion des citoyens de la participation à la vie démocratique. »
Parmi les opposants, certains « souhaitent une réforme, mais pas de cette façon », une approche plus consensuelle, relève Marc Lazar. Ils remettent en cause, sur le fond, plusieurs points, comme la réduction du nombre de sénateurs et le fait qu’ils ne soient plus élus au suffrage universel. D’autres refusent de modifier une Constitution perçue comme avancée sur le plan démocratique dans la mesure où elle établit un pouvoir législatif étendu, égal entre les deux chambres, au détriment du pouvoir exécutif.
Pour Marc Lazar, « il y a une grande inquiétude sur le risque de l’autoritarisme et d’un pouvoir fort au président du Conseil, qui s’explique historiquement par vingt années de fascisme, puis par les mandats du socialiste Bettino Craxi dans les années 1980 et de Silvio Berlusconi ».
Du référendum constitutionnel au vote de confiance
Les opposants à la réforme sont aussi nombreux qu’hétéroclites : ils vont de la gauche de la gauche à l’extrême droite (néofascistes de Casapound, Fratelli d’Italia ou Ligue du Nord), en passant par le Mouvement 5 étoiles, antisystème, de Beppe Grillo, la grande majorité du parti de M. Berlusconi, Forza Italia, et même une minorité à la gauche du Parti démocrate de M. Renzi.
Leur principal dénominateur commun : l’opposition au gouvernement. « Ils sont unis par le seul objectif de me faire tomber, sans autre projet alternatif », a dénoncé Matteo Renzi. Le référendum s’est en effet mué en vote de confiance envers le chef du gouvernement, dont la popularité s’est sensiblement affaiblie et qui a, lui-même, personnalisé dès le départ ce scrutin, mettant dans la balance son retrait en cas de victoire du « non ».
Depuis, sa position est devenue plus ambivalente. Il s’est gardé de promettre sa démission, même si celle-ci est pressentie en cas de rejet de la réforme. La semaine dernière, M. Renzi a exclu, en cas de défaite, de prendre la tête d’un gouvernement « technique », qui serait essentiellement chargé de réformer la loi visant à élire les députés, avant des élections anticipées. Lundi, il a répété qu’il n’était « pas de ceux qui s’accrochent à leur fauteuil ».