François Hollande procède à un remaniement a minima
François Hollande procède à un remaniement a minima
Par Cédric Pietralunga
Bernard Cazeneuve est nommé premier ministre, Bruno Le Roux, également proche du président, le remplace à l’intérieur.
Bruno Le Roux, à l’Assemblée nationale, le 19 juillet. | FRANCOIS GUILLOT / AFP
La ligne était tracée : il fallait un « fidèle » mais pas un « revanchard ». Après plusieurs jours de réflexion, François Hollande a finalement choisi, mardi 6 décembre, de nommer Bernard Cazeneuve pour remplacer Manuel Valls à Matignon. Dans la même logique, il a choisi pour occuper la place Beauvau son proche de longue date Bruno Le Roux.
Avec M. Cazeneuve, le chef de l’Etat fait le choix de la stabilité : l’ancien maire de Cherbourg est l’un des seuls à avoir été de tous les gouvernements du président de la République, privilège partagé avec Jean-Yves Le Drian, Marisol Touraine, Stéphane Le Foll et Najat Vallaud-Belkacem, tous des grognards de la Hollandie. A en croire les proches de M. Hollande, le ministre de l’intérieur répond surtout parfaitement aux critères évoqués pour le poste : « efficacité, cohésion et confiance », avait listé l’Elysée ces derniers jours.
« Cazeneuve, c’est le choix de l’expérience, il a été élu local, national, plusieurs fois ministre, souligne un familier du président de la République. Sa compétence sur les questions régaliennes est aussi importante. François Hollande a appris à le connaître lors des attentats et de la mise en place de l’état d’urgence, il a désormais une très grande confiance en lui. »
Pas de changement notable
Taiseux, sérieux pour ne pas dire austère, M. Cazeneuve ne fera en tout cas pas d’ombre à celui de Tulle. « Il a annoncé qu’il arrêterait la politique après la présidentielle pour reprendre son métier d’avocat, il n’a aucune ambition personnelle, cela a compté dans le choix du président », explique un proche de M. Hollande, qui décrit un président soucieux de bien finir son mandat. Comprendre : sans couacs ni chausse-trappe, comme cela a pu être le cas avec MM. Ayrault et Valls.
Désormais à Matignon, Bernard Cazeneuve est donc remplacé au ministère de l’intérieur par Bruno Le Roux, un autre fidèle du chef de l’Etat. Cela faisait des années que l’élu de la Seine-Saint-Denis rêvait d’un poste régalien. Il a été choisi « pour sa compétence, son expérience et sa proximité avec le chef de l’Etat », indique-t-on à l’Elysée. Patron des députés PS depuis le début du quinquennat, son bilan est mitigé. Il n’a jamais réussi à juguler la fronde d’une partie des parlementaires socialistes et la loi travail et la loi Macron ont dû être adoptées via le 49.3. Il n’avait pas fait mystère de son malaise depuis quelques mois et avait été déçu de ne pas entrer au gouvernement plus tôt.
Ce sera le seul changement notable dans le gouvernement. « Le souhait de François Hollande était de ne changer que le premier ministre, pas de faire un grand remaniement », explique un proche du chef de l’Etat. Tout juste François Hollande intervertit-il deux secrétaires d’Etat, Jean-Marie Le Guen et André Vallini. Le premier prend donc en charge le développement et la francophonie. Et le second, proche de M. Hollande, hérite des relations avec le Parlement. « Avec André Vallini, le premier ministre a souhaité avoir à ses côtés un parlementaire proche et expérimenté », indique-t-on à l’Elysée. Jean-Marie Le Guen, considéré comme un proche de Manuel Valls, était sur la sellette et se voit donc rétrogradé à un poste moins exposé. Autre fidèle de l’ex-premier ministre, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas reste à la Chancellerie, malgré des relations notoirement difficiles avec M. Cazeneuve.
Expédier les affaires courantes
Pourtant, certains hollandais poussaient pour que la tête des vallsistes tombe, en représailles au « quasi-coup d’Etat » fomenté par l’ancien maire d’Evry. Selon un proche de M. Hollande, le chef de l’Etat était remonté vendredi 2 décembre contre son premier ministre après avoir annoncé qu’il renonçait à se représenter, et exprimait l’envie d’envoyer un message politique via le remaniement. Comprendre : en écartant les vallsistes, il aurait montré qu’il ne le soutenait pas à la primaire. Mais les choses se seraient calmées durant le week-end et M. Hollande aurait indiqué à ses proches qu’il ne fallait pas gêner M. Valls.
De la même façon, certains s’inquiétaient du sort réservé aux membres du gouvernement issus du Parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet, Annick Girardin et Thierry Braillard. En annonçant le 26 novembre sa candidature à l’élection présidentielle, Sylvia Pinel, la présidente du parti, avait donné l’impression de désavouer François Hollande. D’autres assuraient au contraire que c’est le chef de l’Etat lui-même qui avait poussé son ancienne ministre à se présenter, pour éviter que les radicaux ne se jettent dans les bras d’Emmanuel Macron, un candidat autrement dangereux pour lui que Mme Pinel.
L’enjeu était néanmoins limité et ce gouvernement devrait essentiellement expédier les affaires courantes : les textes de loi importants ont déjà été votés et la session parlementaire doit de toute façon être suspendue en février pour cause de campagne à l’élection présidentielle. A peine nommé, Bernard Cazeneuve sera d’ores et déjà le premier ministre le plus éphémère de la Ve République puisqu’il ne devrait gouverner que cinq mois, battant le record de 323 jours détenu par Edith Cresson, nommée en mai 1991 et remerciée en avril 1992. « Il n’aura même pas droit d’être décoré de l’ordre national du Mérite, comme tous les premiers ministres : il faut six mois d’exercice au minimum », relevait un proche du chef de l’Etat.