Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, le 23 juin, dans le Palais Chigi, à Rome. | FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Lorsqu’il est devenu président du Conseil en février 2014, Matteo Renzi avait pour objectif de réformer le pays. Près de trois années plus tard, c’est sa réforme de la Constitution, massivement rejetée par le vote populaire dimanche 4 décembre, qui le conduit à donner sa démission. Mais a-t-il vraiment pu changer le pays ?

  • La « flexisécurité » à l’italienne

Pour M. Renzi, le « Jobs Act » serait la pierre angulaire de sa politique de relance de la croissance. Adoptée définitivement en décembre 2014, cette réforme a eu pour objectif d’introduire la « flexisécurité » chère à Bruxelles. Elle améliore le statut des salariés les plus précaires, les CDD deviennent la norme et les protections des employés augmentent au fur et à mesure de leur ancienneté dans l’entreprise. La réforme dessine également les contours d’une sorte de RMI à l’italienne et devrait offrir plus de garanties aux femmes enceintes.

Mais cette loi s’est surtout attaquée à l’article 18 du code du travail italien qui protège les salariés contre les licenciements abusifs, de plus en plus considéré comme un frein à l’embauche selon les employeurs. Matteo Renzi a dû faire face sur ce point à une levée de boucliers de la part de plusieurs syndicats, qui ont d’ailleurs mené une grève générale le 12 décembre.

Dépeint comme un « Thatcher italien », le président du Conseil est resté intraitable, ignorant les corps intermédiaires tout comme l’aile gauche de son parti, qui voulaient le faire reculer.

  • Un bilan économique en demi-teinte

Plus de deux ans et demi après son entrée au Palais Chigi, les résultats ne sont pas aussi bons qu’espérés. Cela fait en effet quinze mois que le taux de chômage italien oscille entre 11,4 % et 11,7 %, alors qu’il est passé en octobre sous la barre des 10 % dans la zone euro dans son ensemble.

Le taux de chômage en Italie stagne depuis juillet 2015
En comparaison, il est passé dans la zone euro sous la barre des 10 % en octobre 2016
Source : Eurostat

L’Italie a renoué avec la croissance en 2014, après deux années de récession avec un timide 0,1 %. En 2015, son produit intérieur brut (PIB) avait progressé de 0,7 %. Pour ce qui est de 2016 et 2017, le gouvernement de Matteo Renzi a revu à la baisse fin septembre ses prévisions. Rome table ainsi sur une hausse de 0,8 % du PIB en 2016, contre 1,2 % prévu précédemment, et de 1 % en 2017, au lieu de 1,4 %.

Une telle croissance, comme celle de 0,7 % enregistrée en 2015, serait néanmoins l’une des plus faibles des pays de la zone euro, l’Allemagne tablant par exemple sur un PIB en hausse de 1,8 % cette année, la France sur une croissance de 1,4 % et l’Espagne sur une expansion de plus de 3 %.

En outre, le pays reste handicapé par son énorme dette publique, qui s’élève à plus de 130 % du PIB.

  • Une réforme visant à dépoussiérer la justice

Confiée par M. Renzi à son garde des sceaux, Andrea Orlando, cette réforme de la justice visait à dépoussiérer les tribunaux transalpins. Ainsi, la carte judiciaire a été réorganisée, le nombre de tribunaux ayant été réduit de 1 398 à 650 ; les procédures civiles ont été en grande partie informatisées, permettant de réaliser 48 millions d’euros d’économie et de réduire la part de discrétionnaire dans les décisions ; les lois anti-corruption ont été renforcées, tout comme les pouvoirs du tribunal des entreprises, censé favoriser les investissements étrangers.

Une responsabilité civile des magistrats a par ailleurs été mise en place, ceux-ci ayant désormais à répondre de leurs décisions dans certains cas de négligences. Enfin, les vacances d’été des tribunaux se sont vues réduites de quarante-cinq à trente jours.

  • Loi de simplification administrative

L’Italie figure parmi les pays de l’OCDE dont la fonction publique est jugée la moins efficace et dont le secteur public est régulièrement accusé d’être corrompu. Avec la volonté affichée d’en finir avec cette image, un projet de loi gouvernemental de simplification administrative et d’économies dans la fonction publique a été adopté en août 2015.

Au nom de la rigueur budgétaire et du soutien à la croissance, il prévoit, entre autres, de réduire le nombre des opérateurs publics locaux, de démanteler l’office national de protection des forêts, d’abaisser le nombre des chambres de commerce régionales et de mettre en œuvre un système de promotion au mérite pour les cadres de la fonction publique.

Au-delà de la réduction des coûts de la fonction publique, les réformes promises visent également à réduire le nombre des entreprises détenues par l’Etat, qui étaient supérieur à 8 000 jusqu’alors.

  • Une loi électorale adoptée, mais loin d’entrer en vigueur

Une nouvelle loi électorale, surnommée « Italicum », a été adoptée définitivement en mai 2015. Elle est censée assurer une stabilité politique dans un pays miné depuis des décennies par la valse des gouvernements.

Le nouveau mode de scrutin divise ainsi le pays en une centaine de circonscriptions. Si un parti dépasse 40 % des suffrages au niveau national, il raflera 340 des 630 sièges de la Chambre des députés (soit 54 % des sièges), le reste étant distribué entre les formations politiques ayant obtenu plus de 3 % des voix. Si aucune d’elles n’obtient 40 % des voix, un deuxième tour sera organisé entre les deux partis arrivés en tête pour déterminer qui bénéficiera de la prime à la majorité.

En privilégiant les partis aux dépens des coalitions, la nouvelle loi doit, selon ses concepteurs, favoriser la bipolarisation et condamner à la disparition ou à la reddition les petites formations qui jusqu’alors faisaient et défaisaient les majorités.

Cette réforme électorale représente une véritable révolution culturelle dans un pays habitué aux coalitions hétéroclites et instables. Elle a d’ailleurs été vivement critiquée par une partie de l’opposition et au sein même du Parti démocrate (PD, gauche au pouvoir) de M. Renzi, qui en dénonçait la dérive antidémocratique. Pour certains, ce nouveau mode de scrutin pourrait favoriser le gouvernement d’un homme seul.

Celle-ci n’entrera probablement jamais en vigueur, rendue de fait caduque par la victoire du « non » au référendum sur la réforme de la Constitution italienne visant à modifier la composition et le rôle de la Chambre haute.

  • Une réforme constitutionnelle qui signe la fin du règne Renzi

Conscient qu’il s’attaquait à une spécificité de la politique italienne, Matteo Renzi avait mis son poste dans la balance avant le référendum du 4 décembre : soit les électeurs acceptaient sa réforme de la Constitution, soit il partirait. Cette réforme visait à modifier la composition et le rôle du Sénat qui, situation singulière en Europe, a le même poids que la Chambre des députés dans l’élaboration des lois et possède également le pouvoir de faire tomber le gouvernement.

Avec cette nouvelle Constitution, le Sénat serait devenu une assemblée de 100 membres – soixante-quatorze conseillers régionaux, vingt et un maires et cinq personnes désignées par le président de la République pour une durée de sept ans – contre 315 actuellement, qui siégeraient pendant un mandat de cinq ans non renouvelable.

Matteo Renzi n’a finalement recueilli dimanche qu’à peine plus de 40 % des voix en faveur de sa proposition. Selon les résultats définitifs, le « non » l’emporte avec 59,1 % des suffrages. Après cette défaite, le chef du gouvernement a fait part de son intention de démissionner, mais le président italien, Sergio Mattarella, lui a demandé lundi d’attendre que le budget 2017 soit adopté par le Parlement, ce qui pourrait intervenir dès vendredi.