Pollution : « La journée de circulation alternée de mardi a eu un impact très faible car la consigne a été trop peu suivie »
Pollution : « La journée de circulation alternée de mardi a eu un impact très faible car la consigne a été trop peu suivie »
Laetitia Van Eeckhout, journaliste au service Planète du « Monde », a répondu aux questions des internautes sur l’épisode de pollution qui touche la France.
La pollution de l’air provoque chaque année 2 500 décès prématurés à Paris et 6 500 dans l’agglomération. | Christophe Ena / AP
Dabo : comment expliquer l’épisode de pollution que nous connaissons actuellement ?
Laetitia Van Eeckhout : L’épisode de pollution actuel s’explique par les conditions météorologiques : un anticyclone favorise l’accumulation des polluants près du sol. L’absence de vent entraîne une accumulation au sol, en soirée et tôt le matin, des particules fines émises par le trafic routier et le chauffage.
Et comme fréquemment en hiver, il se produit un phénomène d’inversion de températures : le matin et le soir, l’air à proximité du sol est plus froid que celui de l’atmosphère ; les polluants ne peuvent alors plus se disperser, se trouvant piégés sous un « couvercle ».
Léo : que sait-on précisément de l’impact des niveaux de pollution observés actuellement sur la santé publique ?
La pollution de l’air provoque chaque année 2 500 décès prématurés dans la capitale et 6 500 dans l’agglomération. A l’échelle française, les polluants atmosphériques entraînent 48 000 morts prématurés par an, selon Santé publique France. Les particules fines PM10 (d’un diamètre inférieur à 10 microns) peuvent se loger dans les voies respiratoires, tandis que les plus fines, les PM2,5 s’avèrent encore plus dangereuses car elles pénètrent dans les poumons voire le système sanguin.
La pollution de l’air en milieu urbain accroît le risque de maladies respiratoires aiguës (pneumonie, par exemple) et chroniques (cancer du poumon, par exemple) ainsi que de maladies cardio-vasculaires.
Mirisa78 : avions, camions, chauffages collectifs… comment expliquer la pollution de l’air en Ile-de-France ?
A Paris et dans sa proche banlieue notamment, le trafic routier est à l’origine de 28 % des émissions de PM10 (particules fines d’un diamètre inférieur à 10 microns) et de plus de 50 % des rejets d’oxydes d’azote, selon Airparif, l’observatoire régional de la qualité de l’air en Ile-de-France.
Le chauffage (résidentiel et des entreprises) est responsable de 26 % des émissions de PM10 et 20 % des oxydes d’azote. Les chantiers et carrières entraînent également 18 % des rejets de PM10.
Marianne : quel est l’impact de la circulation alternée sur l’épisode de pollution actuel ?
La journée de circulation alternée de mardi 6 décembre a eu un impact très faible sur la pollution car la consigne a été trop peu suivie par les automobilistes, selon un bilan que Airparif vient de livrer. Le trafic s’est ainsi trouvé réduit de seulement 5 à 10 % par rapport à une journée habituelle. En 2014, lors d’une précédente journée de circulation alternée, il avait été réduit de près de 20 %, permettant un recul de la pollution de 6 à 10 % en moyenne selon les polluants, et jusqu’à 20 % en heures de pointe.
Rofl : les mesures prises sont-elles à la hauteur de la gravité de la situation ?
La circulation alternée peut aider à contrer un pic de pollution mais elle n’est pas suffisante car elle ne cible pas les véhicules les plus polluants. Au-delà des mesures ponctuelles, il faut lutter contre la pollution chronique et non pas seulement lors des pics. Il s’agit avant tout d’agir sur le trafic automobile qui est la principale source d’émissions de polluants dans les agglomérations urbaines : de plus en plus de collectivités cherchent à réduire la vitesse de circulation (comme par exemple à 30 km/h), voire restreindre la circulation dans le centre-ville ou interdire les véhicules les plus polluants.
Lela : la circulation alternée sera t elle maintenue demain. Quand la décision sera t elle annoncée ?
La préfecture de police vient d’annoncer que la circulation alternée sera reconduite demain à Paris. Elle concernera donc les véhicules pairs, car nous serons un jour pair.
Niko : que risque t-on à rouler quand même avec une plaque paire ?
Toute personne ne respectant pas cette mesure s’exposera à une contravention de 2e classe d’un montant de 22 €, à une mesure d’immobilisation de son véhicule ainsi qu’à une éventuelle mise en fourrière.
Dr Jack : a-t-on un premier bilan de la circulation alternée sur Paris ? Combien de trafic en moins ? Combien de particules en moins ?
Nous n’avons pas encore de bilan pour la circulation alternée qui a été mise en place à Paris depuis hier (et qui sera reconduite demain, comme vient de l’annoncer la préfecture de police de Paris).
En revanche, le bilan a été fait pour lorsque la circulation alternée avait été instaurée le 17 mars 2014, à la veille des élections municipales. Elle avait permis de réduire le trafic routier de 18 % à Paris et de 13 % dans la petite couronne, selon le bilan dressé par Airparif. Résultat : la concentration de particules fines PM10 (d’un diamètre inférieur à 10 microns) avait diminué en moyenne de 6 % et celle de dioxyde d’azote de 10 %. Aux heures de pointes, ces baisses étaient plus importantes, jusqu’à – 20 %.
En réalité, ce qui est important c’est l’air que l’on respire. Ce sont donc moins les émissions que les concentrations de polluants qu’il faut prendre en compte. Or près de la moitié des particules fines respirées proviennent du trafic dans l’agglomération parisienne.
Greg : quel est le niveau de particules fines dans les transports en commun ?
Selon une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), on retrouve dans le métro les mêmes polluants que dans l’air extérieur, à l’exception de l’ozone. Certes il y a moins qu’à l’extérieur d’oxyde d’azote, ce gaz issu notamment du trafic routier. Mais les concentrations en particules fines PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 microns) y sont sensiblement plus importantes.
En journée, la présence de ces particules peut atteindre sur le quai du métro jusqu’à 200 μg par m3 et même jusqu’à plus de 500 sur le quai du RER. Bien au-delà donc de la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixée – pour l’air extérieur – à 50 μg par m3 sur vingt-quatre heures. L’émission de ces particules est essentiellement due au freinage des rames.
Cantbreatheanymore : pourquoi une réaction si tardive des autorités sur Lyon ? La météo est pourtant connue un certain temps à l’avance. Pourquoi n’avoir pas anticipé ?
A Lyon, la circulation alternée n’est déclenchée qu’à partir de quatre jours consécutifs passés au-dessus du seuil de 80 mg par m3 de particules fines ; le préfet refusait jusqu’alors de la mettre en place.
Or, tout comme Paris, la ville subit une forte pollution depuis quelques jours. Les taux ont atteint 90 μg de particules fines par m3 d’air ce midi, après 80 μg observés hier et 76 μg lundi – les jours précédents étant à un niveau nettement inférieur.
A Paris, le préfet a anticipé un nouvel arrêté ministériel qui ramène à deux jours consécutifs de pollution le déclenchement de mesures d’urgence telles que la circulation alternée.
Pierre : qu’en est-il des autres grandes villes d’Europe en ce moment, au niveau de la pollution ?
Selon l’indice européen de qualité de l’air de la Commission, Madrid et Berlin sont également touchés par des épisodes de pollution, la première capitale avec un indice supérieur à 100 et la seconde avec un indice de 91. L’indice supérieur à 100 indique un niveau de pollution très élevé, fondé sur trois polluants majeurs en Europe : les particules (PM10), le dioxyde d’azote (NO2), ozone (O3).
Stéphane : est-ce que les véhicules étant immatriculés à l’étranger sont soumis à la circulation alternée ?
Les véhicules immatriculés à l’étranger font l’objet d’une dérogation.
Araxx : la fermeture des voies sur berges a t-elle eu un impact positif sur ces pics de pollution ?
L’observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France, Airparif, est en train de faire des mesures de l’impact de la fermeture des voies sur berge, rive droite, mais ses résultats ne sont pas encore disponibles.
Danam : j’ai compris que les véhicules ayant une vignette Crit’air pouvaient rouler indépendamment du numéro de plaque, n’est-ce pas un non-sens pour les véhicules qui ont des vignettes associées à des véhicules polluants (je pense aux dernières catégories 3, 4 et 5 par exemple) ?
La circulation alternée a d’évidentes limites car elle ne cible pas les véhicules les plus polluants. Par ailleurs, il est vrai qu’il y a une tolérance pour les voitures qui arborent les vignettes Crit’air pour circuler. Le préfet de Paris avait indiqué lundi que « ces véhicules seraient regardés avec indulgence lors des contrôles de police ». Les pouvoirs publics cherchent en effet à sensibiliser les Parisiens et les Franciliens à cette vignette qui devient obligatoire pour circuler dans Paris à compter du 16 janvier 2017.