Les paroles de Trump avant les actes
Les paroles de Trump avant les actes
LE MONDE ECONOMIE
Le futur président des Etats-Unis a multiplié les effets d’annonce ces derniers jours. Mais résisteront-ils après quelques mois au pouvoir ?
Donald Trump, lors d’un meeting à Fayetteville, en Caroline du Nord, le 6 décembre. | TIMOTHY A. CLARY / AFP
Donald Trump n’a pas son pareil pour faire son propre service après-vente. « Vous avez vu ce qu’il se passe depuis deux semaines, et, en plus, on n’est même pas encore en poste ! », a lancé, mardi 6 décembre, le président devant ses partisans en Caroline du Nord, nouvelle étape de sa tournée de remerciements pour son élection.
La semaine dernière, on a vu effectivement Carrier, un fabricant de climatiseurs, se faire tancer pour avoir tenté de délocaliser sa production au Mexique avant d’être ramené dans le droit chemin grâce à une pluie d’argent public.
On a vu également mardi matin le Tweet de M. Trump intimant l’ordre à Boeing d’annuler la commande de nouveaux avions présidentiels, parce qu’ils étaient trop chers. Le même jour, le patron du japonais SoftBank est sorti de la Trump Tower en agitant un bout de papier présenté comme une déclaration d’intention d’investir aux Etats-Unis 50 milliards de dollars en quatre ans, susceptibles de générer 50 000 emplois.
La présidence Trump s’annonce à l’image de sa campagne : formatée comme une émission de télé-réalité. Mais, comme le dit le milliardaire, son administration n’est pas encore aux manettes. Dès lors ne faut-il pas prendre ces trois épisodes pour ce qu’ils sont : des effets d’annonce ?
Prenez Carrier, où les 7 millions de subventions versées par l’Indiana devraient permettre de préserver 800 emplois. Mais le retour sur investissement de ces 8 500 dollars par poste payés par le contribuable ne s’annonce-t-il pas aléatoire ? Greg Hayes, le PDG d’United Technologies, maison mère de Carrier, a donné, le 5 décembre, un premier élément de réponse. « Nous allons faire un investissement dans cette usine pour l’automatiser afin de baisser les coûts et rester compétitifs. » En clair, la poignée de jobs à peine sauvés de la mondialisation ne risque-t-elle pas de faire rapidement les frais de la course à la productivité ?
« Tour de passe-passe »
Concernant Boeing, M. Trump s’est fait le garant des deniers publics à bon compte en accusant le groupe d’un « tour de passe-passe », évalué par ses soins à 4 milliards, sans qu’on sache d’où ce chiffre sortait. Le groupe a indiqué être « actuellement sous contrat pour un montant de 170 millions » afin de « déterminer ce que ces avions, extrêmement complexes (…), sont capables de faire ».
L’annonce de SoftBank est, elle aussi, à prendre avec des pincettes. L’argent provient d’un fonds de 100 milliards coalimenté par l’Arabie saoudite pour investir dans des start-up. Que 50 % soient destinés aux Etats-Unis n’a rien de révolutionnaire : c’est la proportion que consacre l’ensemble du secteur du capital-risque à ce pays, selon Ernst & Young. Quant aux 50 000 emplois, s’agit-il de créations ou des effectifs totaux concernés par ces investissements ? Mystère. Bref, on a vu, mais on y verra certainement plus clair après quelques mois de pouvoir.