Leung Chun-ying, le 9 décembre à Hongkong. | ANTHONY WALLACE / AFP

Environ 260 000 Hongkongais, représentant différents secteurs de l’économie, sur les 7,3 millions d’habitants que compte la ville, ont été appelés aux urnes, dimanche 11 décembre, pour choisir 1 200 grands électeurs qui, à leur tour, désigneront le chef de l’exécutif en mars 2017. Le taux de participation a doublé par rapport à il y a cinq ans, signe de l’engagement politique de la population.

La complexité de ce système permet de garantir au camp pro-Pékin la majorité au sein du comité électoral. Mais l’opposition, favorable à davantage d’autonomie vis-à-vis de la Chine, a présenté plus de candidats qu’auparavant et est parvenue à en faire élire 327.

L’annonce, vendredi 9 décembre, par le chef de l’exécutif de Hongkong, Leung Chun-ying, de sa décision de ne pas briguer de second mandat, a rebattu les cartes. Troisième chef de l’exécutif depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997, très impopulaire, il a évoqué des « raisons familiales » pour justifier son départ inattendu de la scène politique, qui interviendra en juin 2017. Sa fille a très mal vécu l’exposition de la famille aux médias et aux critiques, et aurait été hospitalisée récemment.

Jusqu’à peu, tout semblait indiquer sa détermination à se représenter. En novembre, M. Leung était rentré d’un entretien avec le président chinois Xi Jinping, se félicitant : « Il soutient pleinement mon travail. » Mais beaucoup, y compris dans les rangs des pro-Pékin, voyaient en Leung Chun-ying un facteur d’aggravation entre les positions déjà irréconciliables du camp favorable à la démocratie et de celui qui soutient le Parti communiste chinois.

Son mandat de cinq ans pourrait se résumer en une série de crises sociétales et politiques, généralement mal gérées, sur fond d’ingérence accrue de la Chine dans les affaires de Hongkong. Dès 2012, il dut renoncer à imposer une nouvelle matière « nationale » aux écoliers, pour que les enfants apprennent l’histoire chinoise comme les continentaux. Puis en 2014, l’annonce par Pékin d’un nouveau mode de scrutin pour le chef de l’exécutif déclencha les 79 jours du « mouvement des parapluies » (en référence aux ombrelles utilisées par les manifestants contre les gaz lacrymogènes) et la réforme ne fut pas adoptée.

« Tout sauf C. Y. »

Enfin, en novembre, il a été à l’origine d’un recours en justice pour empêcher deux jeunes parlementaires fraîchement élus de siéger, pour avoir tenu des propos antichinois au cours de leur prestation de serment. Cet incident a permis à Pékin d’intervenir directement, en imposant son interprétation de lamini-Constitution de Hongkong. « Tout le monde à Hongkong peut voir que les autorités centrales, y compris les principaux dirigeants du pays, ont beaucoup apprécié mon travail au cours de toutes ces années », a estimé M. Leung en annonçant sa décision de ne pas se représenter.

LeParti démocrate, critique du pouvoir de Pékin sur la région administrative spéciale, avait rendu public le même jour un sondage selon lequel 70 % des Hongkongais seraient opposés à un second mandat pour C. Y. Leung (contre 19 % favorables). La campagne « ABC » (pour « Anything but C. Y. », « Tout sauf C. Y. »), qui avait rassemblé une bonne partie de l’opposition, n’a donc plus lieu d’être, mais l’opposition a néanmoins appelé à la vigilance. « Changer la personne ne change pas la politique en cours, ni le système en place », a indiqué Dennis Kwok, député du Civic Party (prodémocratie), en apprenant la nouvelle. « Les choses ne vont pas s’arranger », a commenté Lam Wing-kee, un éditeur d’ouvrages critiques sur Pékin, qui avait été détenu fin 2015, en Chine, sans possibilité de communiquer, jusqu’à son retour en juin.

La sortie de C. Y. Leung de la course au prochain poste de chef de l’exécutif a inspiré de nouveaux candidats, dont la numéro deux du gouvernement local, Carrie Lam. Au moins quatre personnalités de la vie politique hongkongaise sont pressenties, mais aucune ne s’est encore prononcée. La démission, lundi 12 décembre, du secrétaire des finances, John Tsang, apparaît toutefois comme une indication de ses ambitions.