Emiliano Sala n’a pas envie de voir Cardiff en janvier. Malgré sa baie, la rivière Taf, son château en centre-ville et les 22 millions d’euros mis sur la table pour son transfert, la capitale galloise ne dit trop rien à l’attaquant du FC Nantes (opposé à Rennes, dimanche lors de la 20e journée de Ligue). Ou alors est-ce la perspective de rejoindre un club classé 17e de la Premier League et promis à la lutte pour le maintien ?

Les dirigeants du Cardiff City FC – qui a toujours évolué dans les championnats anglais – eux ne lâchent pas l’affaire. Mardi 8 janvier au stade de la Beaujoire, ils sont venus superviser une nouvelle fois l’Argentin de 28 ans lors de la victoire de Nantes contre Montpellier (2-0). Le manager Neil Warnock avait pris place dans la loge présidentielle avec l’agent et intermédiaire dans ce dossier, Willie McKay.

Les clubs de Premier League ont des moyens et la persévérance qui va avec. Après avoir laissé entendre, à la fin de décembre 2018, que le dossier Sala était enterré, Warnock cible toujours le deuxième buteur de Ligue 1 (12 réalisations en 17 matchs) comme priorité.

Le jour même, Waldemar Kita jouait pourtant les inflexibles dans un entretien à L’Equipe. « Je ne suis pas demandeur. Aujourd’hui, il n’y a rien sur la table. Vous ne pensez quand même pas que je vais appeler Cardiff ou je ne sais qui », s’énervait le président du FC Nantes.

Une colère pour la forme ? Selon 20 Minutes, M. Kita a bien une proposition de 22 millions d’euros (la moitié revenant à Bordeaux, considéré comme le club formateur de l’Argentin) sur son bureau de la part de Cardiff. Officiellement, le dirigeant campe sur la ligne du coach, Vahid Halilhodzic, pas décidé à lâcher un garçon auteur de 46 % des buts de son équipe : « Je suis l’avis de l’entraîneur ; donc Emiliano Sala ne doit pas partir. » Officieusement, la porte est plus qu’ouverte.

Un président a toujours le dernier mot, surtout quand il est propriétaire du club et que l’offre est aussi rondelette. « Je comprends le président Kita : 22 millions d’euros à un an et demi de la fin d’un contrat, c’est une somme difficile à refuser, avance Olivier Quint, ancien joueur nantais et consultant pour France Bleu Loire Océan. Après, la question est de savoir quelle est l’ambition du club. S’il vise le top 6, il faut garder Sala et Diego Carlos [défenseur central], ses deux meilleurs joueurs. »

La revanche du mal-aimé

Pour les clubs dit « moyens » de Ligue 1, c’est l’éternel conflit entre logique sportive et économique : vendre son meilleur joueur ou assurer ses lendemains. Dans le cas de Sala, la plus-value serait presque inespérée pour un attaquant acheté pour un million d’euros à Bordeaux en 2015 et longtemps moqué pour son style laborieux.

Du genou, de l’oreille ou en taclant, Sala vit pour le but, l’esthétique passe après. Un profil pas toujours apprécié dans son pays d’adoption, où il a posé ses valises en 2010. « J’ai l’impression de ne pas être jugé à ma juste valeur, regrettait-il dans un entretien à So Foot en novembre 2018. Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais j’ai l’impression que je dois prouver encore et toujours. »

A Nantes, ce n’est pas un mystère que le joueur vit mal d’être moins bien rémunéré que d’autres cadres du vestiaire. Les discussions sur un nouveau contrat (et la revalorisation salariale qui l’accompagne) ont tourné court entre les deux parties.

Aujourd’hui, l’attaquant, devenu « bankable », a les cartes en mains et préférerait terminer la saison à Nantes, sauf proposition financière et sportive intéressante. Or, à ses yeux, Cardiff ne coche pas la seconde case. « Lui ne souhaite pas se retrouver dans une équipe de bas de tableau et préfère le championnat espagnol, croit savoir Olivier Quint. Mais, s’il reste, il peut aussi se blesser ou ne plus marquer. Pas sûr qu’un club repropose plus de 20 millions à Nantes. »

Vendre est une chose, encore faut-il pouvoir, ensuite, remplacer le partant. Le buteur est une proie convoitée mais difficile à attraper, surtout lors du mercato d’hiver qui reste un marché d’ajustement. « Mais quel buteur peut attirer Nantes en janvier ?, s’interroge Olivier Quint. Il y a très peu de joueurs de ce profil sur le marché, ou alors ils sont beaucoup trop chers pour Nantes. »

Dans leur malheur (possible), les supporteurs nantais ne seront peut-être pas seuls. Bordeaux a aussi ouvert la porte au départ de son meilleur buteur, François Kamano. Le Guinéen (auteur de 8 des 20 buts de son équipe cette saison) est annoncé avec insistance à Monaco contre un transfert de 18 millions d’euros.

Le début d’année pourrait être fructueux pour les nouveaux propriétaires américains des Girondins, surtout s’ils récupéraient leur part sur la vente d’Emiliano Sala. Pas sûr que l’Argentin tienne compte de cet argument dans sa réflexion.