« Pour beaucoup, la primaire de janvier est une sorte de pré-congrès interne au PS »
« Pour beaucoup, la primaire de janvier est une sorte de pré-congrès interne au PS »
Bastien Bonnefous, journaliste au service politique du « Monde » a répondu aux questions des internautes, mercredi, sur les enjeux de la primaire à gauche.
Jean-Luc Bennahmias, Gérard Filoche, Benoît Hamon, Pierre Larrouturou, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, François de Rugy, Manuel Valls. | JOEL SAGET, THOMAS SAMSON / AFP
Pourquoi autant de candidatures ? Quel rassemblement après le second tour de la primaire ? La gauche peut-elle encore faire un bon score au premier tour de la présidentielle ? Bastien Bonnefous, journaliste au service politique du « Monde » a répondu aux questions des internautes, mercredi, sur les enjeux de la primaire à gauche.
Loulou : Pourquoi est-ce qu’il y a autant de candidats alors que tout le monde dit que la gauche n’arrivera jamais au second tour ? C’est un peu suicidaire, non ?
Bastien Bonnefous : La réponse est peut-être dans votre question. C’est peut-être justement parce que beaucoup de responsables au sein du Parti socialiste considèrent que la gauche ne peut pas gagner la présidentielle, qu’autant sont décidés à être candidats à la primaire de janvier.
L’abandon de François Hollande a changé la donne, et pour beaucoup de socialistes se joue dès à présent l’après 2017. Pour résumer : qui prendra la main au PS après la présidentielle, pour être en position de force pour celle de 2022 ? Bien sûr, les candidats déclarés disent tous qu’ils veulent gagner dès 2017, et sans doute sont-ils sincères. Mais beaucoup aussi considèrent que c’est l’avenir du PS et plus largement de la gauche qui pourraient se jouer dès la primaire.
Selon que les électeurs choisissent en janvier un candidat plus marqué à gauche, au centre ou à la droite du PS – des différences parfois très fines, convenons-en – la future ligne du parti, son organisation, ses idées, sa politique d’alliances seront différentes. C’est en cela que beaucoup estiment que la primaire de janvier est en réalité une sorte de pré-congrès interne au PS. Bien sûr, tout peut encore évoluer en fonction de la participation en janvier, des résultats précis, de la dynamique ou pas de la campagne présidentielle aussi bien à gauche, à droite, que pour Emmanuel Macron.
Paul : Si Manuel Valls remporte la primaire, est-il possible qu’Emmanuel Macron et lui s’allient ?
Pour l’instant, Emmanuel Macron refuse de participer à la primaire. Principalement pour deux raisons : il fait d’abord le pari que la primaire de janvier 2017 va être un succès moyen, avec beaucoup de jeux d’appareils au sein du PS, et par voie de conséquence une participation possiblement moyenne des électeurs. L’autre pari d’Emmanuel Macron est que ce soit un candidat plus critique – comme Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon – qui gagne en janvier.
Dans les deux cas, Macron pense que cela lui donnerait une force politique encore plus importante, et lui apporterait de nombreux soutiens d’élus ou de militants socialistes plus modérés qui ne voudraient pas de Montebourg ou Hamon comme candidat.
A l’inverse, une victoire de Manuel Valls ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour Macron, car ils sont tous les deux sur des lignes politiques avec assez peu de différences marquées. Valls l’a déjà expliqué : s’il gagne, il pense que la pression sera très forte sur Macron qui sera accusé, en maintenant sa candidature, de provoquer l’élimination quasi assurée de la gauche dès le premier tour de la présidentielle. En revanche, que les deux s’allient est à ce stade hautement improbable.
Florent : Pensez-vous que la campagne présidentielle de 2017 peut aboutir à un éclatement insurmontable à gauche et donc à la disparition du Parti socialiste ?
C’est un risque réel bien sûr, selon comment se passera l’élection. Si jamais les sondages actuels – qui ne sont que des sondages, il faut toujours le rappeler – devaient se confirmer, à savoir que le candidat du PS termine au premier tour de la présidentielle en quatrième, voire cinquième position, derrière Emmanuel Macron et/ou Jean-Luc Mélenchon, l’avenir du PS sera grandement menacé.
Dans un tel cas de figure, le parti éclatera certainement entre une partie de ses cadres et de ses militants qui diront qu’il faut aller plus à gauche et s’allier avec Mélenchon, d’autres plus au centre avec Macron, d’autres sur une voie médiane qui tenteront de créer leur propre formation, etc. Pour l’instant, tout cela relève encore de la politique-fiction, mais un tel scénario n’est pas simplement une vue de l’esprit, vu le niveau actuel d’éclatement des gauches françaises au sens large.
Antonin : Est-ce qu’il reste une chance pour que Christiane Taubira se présente à la primaire ?
La date limite pour le dépôt des candidatures est fixée à demain, jeudi, à 18 heures. Il semble très improbable que Christiane Taubira se présente. Beaucoup au sein du PS, notamment les proches de Martine Aubry, ont poussé ces dernières semaines pour que ce soit le cas, mais l’ancienne garde des sceaux a fait savoir en privé à tous qu’elle ne voulait pas être candidate.
Jérôme : Y a-t-il une quelconque chance d’une candidature groupée Mélenchon-PS ou Verts-PS (ou Verts-Mélenchon-PS) si par exemple Hamon ou Montebourg l’emporte ?
C’est ce qu’espèrent Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Montebourg a déjà clairement dit que s’il était désigné à la primaire en janvier, il proposerait « dès le lendemain » un accord politique à Jean-Luc Mélenchon et à Yannick Jadot (EELV) pour une sorte de nouvelle union de la gauche avant le premier tour de la présidentielle.
Pour l’instant, aucun des deux n’a donné suite. Et de toute façon, un tel scénario n’est pas politiquement envisageable tant que le vainqueur de la primaire du PS n’est pas potentiellement donné vainqueur de la présidentielle. Aucun sondage depuis de longs mois ne donne le PS en capacité de l’emporter en 2017. Alors pourquoi Mélenchon ou Jadot se retireraient-ils pour un candidat socialiste donné perdant d’office ?
Amaltafta : Des électeurs de droite iront-ils se déplacer à la primaire à gauche ?
A ce stade, difficile de savoir. Des électeurs de gauche se sont déplacés à la primaire de la droite en novembre, notamment pour faire barrage à Nicolas Sarkozy au premier tour. Pourquoi dans ce cas, des électeurs de droite ne viendraient-ils pas en janvier 2017 à la primaire à gauche, même s’ils devront signer un document expliquant qu’ils partagent les valeurs de la gauche ? Réponse le 22 janvier.
Jasper : En 2011, l’ouverture du choix du candidat PS aux sympathisants de gauche avait contribué à la victoire de François Hollande face à Martine Aubry (qui aurait été avantagée avec une élection interne au parti). Aujourd’hui, à quel(s) candidats(s) profiterait une faible participation ? Ou au contraire, un succès de la primaire comparable à celle de 2011 ou celle de la droite ?
Bonne question. A priori, une faible participation pourrait davantage profiter à Manuel Valls, car elle se limiterait alors au noyau dur de l’électorat socialiste auprès duquel Valls a pour l’heure de meilleurs sondages que ses concurrents. Mais en même temps, une faible participation ne donnerait pas à Valls une dynamique forte pour la présidentielle… A l’inverse, une forte participation devrait logiquement (mais la logique politique a été mise à mal plus d’une fois ces dernières semaines, aussi bien en France qu’à l’étranger) profiter à un candidat plus critique. Si de très nombreux électeurs de gauche devaient venir voter, il y aurait forcément dans le lot un bon nombre d’électeurs déçus ou remontés contre le bilan du quinquennat.
Lara : Sylvia Pinel, présidente du PRG, va-t-elle finalement passer par la case primaire ?
Si vous avez l’info, je suis preneur. Sylvia Pinel avait annoncé sa candidature à la présidentielle sans passer par la primaire, quand il était encore question que François Hollande soit candidat à la primaire. Une fois que le président de la République a jeté l’éponge, Sylvia Pinel a finalement retiré sa candidature. En toute logique, elle devrait donc participer à la primaire de janvier. Mais à cette heure, elle ne l’a toujours pas confirmé. Une chose est sûre : si jamais le PRG ne devait pas avoir de candidat à la primaire, ni participer directement à la présidentielle, ce serait une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron, car dans ce cas, beaucoup de cadres et de militants radicaux de gauche le soutiendraient. Réponse jeudi avant 18 heures pour savoir si Pinel participe ou pas à la primaire.
Nicogg : Martine Aubry va-t-elle soutenir Vincent Peillon ?
On n’en sait rien encore. Martine Aubry a démenti être derrière la candidature surprise de Vincent Peillon. Pour l’instant, ceux que l’on appelle les « aubrystes » au PS se répartissent un peu entre tous les candidats : certains soutiennent Hamon, d’autres Valls ou Peillon, moins Montebourg. Le noyau dur du courant en revanche n’a pas choisi. Les proches d’Aubry, comme on dit, promettent de donner leur choix en janvier. Rien ne dit que Martine Aubry elle-même soutiendra un candidat. Une chose est sûre : elle a eu par le passé des désaccords et des tensions personnelles avec les quatre candidats principaux (Valls, Peillon, Hamon, Montebourg)…
QuentQuent : Les médias soufflent l’idée qu’Anne Hidalgo souhaiterait se présenter à la présidentielle de 2022. Quelle est sa stratégie en apportant son soutien à Vincent Peillon ?
Il est évident que la maire de Paris sera une des responsables socialistes les plus en vue et les importantes en 2022. Sa stratégie est assez simple : rester éloignée de la présidentielle de 2017 comme elle l’a été du quinquennat, être réélue maire de Paris en 2020, et se retrouver en position de force pour une candidature à la présidentielle deux ans plus tard. Surtout si en 2017, la gauche a perdu et que les têtes de pont actuelles, notamment Valls ou Montebourg, ont laissé des plumes dans la défaite. Pourquoi alors soutenir Peillon à la primaire ? Les bonnes langues disent que c’est parce qu’il incarne une ligne plus centrale que Valls et Montebourg/Hamon. Les mauvaises langues disent, elles, que Hidalgo fait cela pour diviser un peu plus le PS, affaiblir Manuel Valls, et faire encore plus baisser les chances de la gauche de gagner en 2017. Mais ce sont des mauvaises langues…
Laura : Le mouvement Movida va-t-il prendre position pour la primaire à gauche ?
Matthias Fekl et ses amis se sont réunis mardi soir et il a décidé de ne pas être candidat à la primaire. La question était sur la table ces derniers jours, mais Fekl a préféré rester en retrait. Soutiendra-t-il un candidat ? A ce stade, il n’y a aucune consigne de vote et chaque cadre de Movida est libre de choisir le candidat qu’il veut.