Après l’attaque près de Karak, la Jordanie craint de revivre une vague d’attentats
Après l’attaque près de Karak, la Jordanie craint de revivre une vague d’attentats
Par Hélène Sallon
Dix personnes, dont une touriste canadienne, ont été tuées dans l’attentat.
Le site de Karak, en Jordanie, le 19 décembre 2016. | © Muhammad Hamed / Reuters / REUTERS
Dix personnes, dont une touriste canadienne, ont été tuées, dimanche 18 décembre, lors d’une attaque perpétrée par des hommes armés près du site touristique de Karak, à 120 kilomètres au sud d’Amman. Selon les autorités jordaniennes, le commando muni d’armes automatiques a pris la police pour cible avant de se retrancher dans la citadelle croisée du XIIe siècle qui surplombe la ville. Ses membres ont été tués par les forces de sécurité, après plusieurs heures de confrontation. Sept policiers et deux civils jordaniens ont également perdu la vie et 27 personnes, des policiers et des civils, dont un Canadien, ont été blessées, selon la Sûreté générale.
L’attaque n’a pas été revendiquée à ce stade mais, les attaques de groupes islamistes se sont multipliées au cours des derniers mois sur le territoire jordanien. Depuis la conquête par l’organisation Etat islamique (EI) de près d’un tiers de la Syrie et de l’Irak voisins en 2014, la Jordanie est menacée de déstabilisation par les groupes djihadistes présents de l’autre côté de sa frontière, ainsi que sur son territoire. Les experts estiment que la Jordanie accueille près de 10 000 sympathisants djihadistes, dont 2 000 sont partis combattre en Syrie et en Irak. Sa participation à la coalition internationale contre l’EI, sous la direction des Etats-Unis, en fait une cible directe des djihadistes.
Crainte des infiltrations
Après avoir accueilli quelque 1,3 million de réfugiés syriens, la Jordanie a décidé de fermer totalement sa frontière par crainte des infiltrations. Les services de sécurité du royaume ont mis en place un maillage étroit du territoire et multiplié les arrestations, sous couvert des lois antiterroristes votées en 2014. La Jordanie a toutefois connu en un an plusieurs attaques contre ses forces de sécurité et leurs formateurs étrangers. En novembre, trois militaires américains ont été tués dans une fusillade près d’une base aérienne dans le sud du pays. En juin, un attentat-suicide a été revendiqué par l’EI au poste-frontière de Roukban, à la frontière syrienne, qui a coûté la vie à sept gardes-frontières jordaniens. La Jordanie craint de revivre la vague d’attentats qui avait ensanglanté le pays au milieu des années 2000 : le 9 décembre 2005, plusieurs attaques-suicides, ordonnées par Abou Moussab Al-Zarkaoui, un Jordanien fondateur d’Al-Qaida en Irak et inspirateur de l’EI, contre trois hôtels d’Amman avaient fait 63 morts et plus de 350 blessés.
D’après la Sûreté générale, la première attaque, dimanche, a eu lieu quand une patrouille de police s’est rendue dans une maison de Katraneh, dans la province de Karak, où un incendie avait été signalé. « Sur place, des hommes armés non identifiés qui étaient à l’intérieur de la maison ont ouvert le feu, blessant un policier, puis se sont enfuis en voiture », selon un communiqué cité par l’agence officielle Petra. Des hommes armés ont ensuite ouvert le feu sur une autre patrouille, sans faire de victimes, et des tirs visant le commissariat de Karak ont également été entendus.
« Quatre hommes armés sont descendus de voiture » à la citadelle, a témoigné Ouasfi Al-Habshneh, un habitant, à l’agence Associated Press. « Ils ont ouvert le feu sur les touristes canadiens », a-t-il affirmé. Les forces de sécurité ont alors lancé la traque contre les assaillants, qui se sont retranchés dans la citadelle.
Grandes quantités d’explosifs
Une source de sécurité a indiqué que des gens avaient eu peur de quitter un des premiers niveaux de la forteresse quand ils ont entendu des échanges de tirs entre les assaillants et les forces de sécurité, démentant des informations de presse selon lesquelles ils avaient été pris en otage. Les autorités ont indiqué avoir saisi de grandes quantités d’explosifs, d’armes diverses et de ceintures d’explosifs dans une cache.
La mort d’une touriste canadienne sabote la relance du tourisme, un secteur-clé de l’économie jordanienne déjà miné par l’instabilité du Proche-Orient. Deuxième source de devises après les transferts d’argent des expatriés, le secteur représentait encore 14 % du PIB jordanien en 2015. Les touristes ont déserté les sites jordaniens du fait des troubles liés aux révoltes dans le monde arabe en 2011, puis de la conquête par l’EI de larges pans de la Syrie et de l’Irak en juin 2014. La ville nabatéenne de Petra, une merveille archéologique mondiale, ou le désert du Ouadi Roum attiraient avant 2011 des centaines de milliers de touristes.