Stéphane Bern : « Nous vivons une époque d’inculture décomplexée »
Stéphane Bern : « Nous vivons une époque d’inculture décomplexée »
Par Marie Godfrain
Portrait chinois de l’animateur et écrivain, qui présente depuis la rentrée « Secrets d’histoire », sur France 2 et sera, mardi 20 décembre, aux commandes de « Soir de fête à Venise sur la même chaîne.
Stéphane Bern anime l’émission « Secrets d’histoire » sur France 2 depuis la rentrée. | JOEL SAGET / AFP
Héraut télévisuel des têtes couronnées et de l’histoire de France, Stéphane Bern présente depuis la rentrée « Secrets d’histoire », sur France 2. Cette passion, il la puise notamment dans ses origines luxembourgeoises, pays d’origine de sa mère. Dans son beau livre Mon Luxembourg (Flammarion, 160 p., 35 €), il convie le lecteur à une découverte du patrimoine et des paysages du Grand-Duché, micro-Etat au cœur de l’Europe depuis ses origines. A travers ses réponses, il démontre que si l’histoire le passionne, rien de l’époque ne lui échappe…
Quelle époque auriez-vous aimé connaître ?
Je suis très à l’aise dans mon époque mais j’aurais adoré vivre au Grand Siècle (le XVIIe) pour rencontrer Lully, La Fontaine, Molière. Ce siècle était grand non pas pour Louis XIV mais pour les génies qu’il a su agréger et attirer à Versailles. J’aurais adoré rencontrer ces gens-là, mais eu égard à mon pedigree, mon destin aurait plutôt été de manger du pain noir…
Une image de notre époque ?
Difficile d’en voir une positive émerger. J’ai des images de déforestation de l’Amazonie qui me viennent en tête, de l’océan jonché de plastique, de poules élevées en batterie. Le mal que l’on fait à la planète me terrifie, je ne comprends pas que l’homme en soit arrivé là.
Un film ou un livre de notre époque ?
La Loi du marché, de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, qui donne à voir la violence de notre époque. L’individu n’existe plus, on sacrifie tout pour l’argent, c’est horrible. La violence économique me heurte profondément.
Un son de notre époque ?
L’alerte mail ou SMS sur les portables. Rien ne m’exaspère plus… Subitement, votre interlocuteur ne vous écoute plus, il a basculé, obsédé par ce message qu’il doit absolument consulter.
Un slogan/hashtag de notre époque ?
« Je vais tout vous dire ». La dictature de la fausse transparence, les confessions intimes permanentes me mettent mal à l’aise. J’attends de la distance des personnages publics, d’autant que ces confidences ne disent rien des gens…
Une expression agaçante ?
« Je vais SUR Paris ». c’est fou ce que les gens volent… D’ailleurs, ils survolent plus qu’ils ne visitent.
Un personnage de notre époque ?
Toute la bande des populistes : Orban, Trump, Erdogan… Moi qui aime l’histoire et qui porte un regard historiciste sur l’actualité, je frémis à l’écoute de ces discours que l’on croyait révolus.
Un bienfait ?
Les robots intelligents, notamment les chirurgicaux. Ces caméras qui visitent le corps ont permis des progrès médicaux considérables.
Le mal de l’époque ?
La solitude. Je suis fasciné par les gens qui racontent leur vie sur les réseaux sociaux et qui sont en réalité très seuls.
C’était mieux avant, quand…
La transmission jouait un rôle essentiel dans la société. Nous vivons dans une époque d’inculture décomplexée, assumée et revendiquée. La télévision a fait beaucoup de mal, notamment la télé-réalité.
Ce sera mieux demain, quand…
Quand les Français auront pris conscience de leur potentiel, de leur histoire, de leur patrimoine. Chaque année, 86 millions de touristes nous rendent visite, c’est tout cela qu’ils viennent voir, pas nos friches industrielles. Des rivages incroyables, la montagne, la campagne, un réseau fluvial et une belle histoire architecturale. Peu de pays ont une telle richesse patrimoniale.